Médias : les Bretons ont-ils l'information qu'ils méritent ?
Plomelin/Ploveilh.- suite du journal de campagne de J.C.Perazzi
Un magazine parisien désireux de se faire un gros coup de pub avec des dessins iconoclastes et tout le pays est en émoi. Au nom de la liberté de la presse, nous ne condamnerons pas. Quant à la méthode employée et aux inévitables commentaires provoqués par cette décision, tout (trop) a été dit.
Ce n'est pas un scoop : la presse écrite, encore plus que l'audiovisuelle, est en crise et cherche les moyens de s'en sortir. Une crise due, pour une bonne part, aux concurrences diverses, multiples qu'elle subit. En particulier celle de la toile. Et l'information, tous médias confondus, déborde comme jamais. On peut la juger de qualité ou non. Pour l'heure, il faut faire avec.
Comment cela se passe chez nous ? Chacun a un avis sur la question. Le débat est ouvert.
L'omniprésence de la com'…
Il y a seulement quelques décennies, chez nous et ailleurs, le journaliste allait chercher son information sur le terrain. En ayant à l'esprit l'intérêt que pouvait avoir le lecteur pour tel ou tel sujet, tel ou tel évènement prévu ou non. Avec, comme préoccupation première, pour leur présentation sur le papier ou à l'antenne, l'exactitude, la rigueur. Et, de préférence, l'objectivité.
Tout cela reste de mise. Néanmoins, pas un débat autour des médias n'a lieu, sans que nous n'ayons droit à la sempiternelle remarque : « Hier, la presse nous informait de façon sérieuse. Aujourd'hui c'est le plus souvent un peu n'importe quoi. On ne sent plus la vraie vie dans les sujets traités ».
Difficile d'approuver sans réserves. Et pourtant…
Il y a une trentaine d'années, la communication, avec le plus souvent, le support du fax ou du téléphone, a commencé à se mettre en place. Au fil des ans, la pluie des messages « ciblés » est allée en s'amplifiant dans les bureaux rédactionnels. Et bien des professionnels, par facilité ou pour d'autres raisons moins avouables, ont eu tendance à confondre, à ne plus faire la distinction nécessaire entre l'info et la com'. Or, dans le premier cas il s'agit, à partir d'un réseau d'informateurs ou par d'autres moyens, de faire un travail d'investigation, d'enquête, si nécessaire, sur le terrain ; dans le second, on se contente plus ou moins de traiter un sujet à partir de données fournies par des professionnels formés pour ça. Certains parlent d'articles « clé en main » (1). Inutile d'insister.
…et du Web
Et puis est arrivé l'ordinateur. Quelques clics sur le clavier et il vous délivre de la même manière le message du « communicant ». Ou encore, il permet au journaliste de savoir ce qui se passe dans votre ville, en Bretagne, dans le reste du monde. Il ne lui reste plus qu'à compléter l'information, par le biais d'un ou plusieurs contacts avec des personnes susceptibles de lui donner les tuyaux complémentaires nécessaires. Du journalisme en chambre, en quelque sorte. N'exagérons pas. Cette pratique n'est pas générale. Elle a quand même tendance à prendre une certaine ampleur.
Comment ne pas y voir pour conséquence une certaine désaffection ou une méfiance du public vis-à-vis des médias, tous supports confondus ?
Cette désaffection ou cette méfiance ont aussi une autre origine : dans ce qu'il est la « peopolisation » de plus en plus importante de l'information. Plus évidente, certainement, dans la presse audiovisuelle qu'écrite, hexagonale que régionale. Un drame s'est produit et le journaliste doit rapporter de préférence au bureau émetteur une personne en pleurs ; l'arrivée des soldes et se sont des courses éperdues d'acheteurs dans des magasins ; à propos d'un sujet grave dramatique, on tendra le micro sur le trottoir à des personnes qui auront de préférence des avis diamétralement opposés. Etc.
Il faut aussi évoquer les « marronniers », les sujets qui reviennent de manière cyclique (la rentrée, le froid, le chaud, la grippe, les soldes, encore). La présence parfois trop présente de la publicité. Etc.
Ombres et lumière
Et les médias bretons dans tout ça ?
Certains n'échappent pas à la tendance générale qui faisait dire à une certaine époque : « Trop de radios ont l'accent parisien ».
C'est parfois vrai encore aujourd'hui sur certaines antennes bretonnes. Il n'en demeure pas moins vrai qu'en ce qui concerne les radios, « de pays », « décentralisées » et autres, la Bretagne est bien couverte, de qualité acceptable. Mais, faute de moyens suffisants -vrai aussi pour la télé dite régionale-, les programmes ne sont pas toujours à la hauteur des espérances des auditeurs. Le breton n'a pas la place qu'il mérite sur les antennes, dans les journaux de la Bretagne administrative. La Loire-Atlantique y est régulièrement absente. Etc. On peut aussi regretter que trop souvent nos médias ne se démarquent pas assez de la presse parisienne. Inévitable dans un pays hyper-centralisé !
Il faut quand même redire que la Bretagne, par comparaison avec d'autres régions, a des médias d'un bon niveau. « Peut faire mieux quand même », dirons-nous.
Aux lecteurs, aux auditeurs, aux téléspectateurs de chez nous de l'exiger ; aux professionnels de s'atteler à la tâche.
Jean-Charles Perazzi
(1) Il ne faut pas oublier la montée en puissance des sondages. Bref dialogue significatif : « J'ai pas de sujet pour demain, chef. T'as une idée ? » « Pas grave. Je t'envoies un sondage, tu vas pouvoir travailler dessus. »
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