Les femmes de pouvoir sont à l’honneur ce Noël sur les chaînes de télévision nationales ou autres. Arte a diffusé un film sur Marie-Thérèse d’Autriche. Chérie 25 a diffusé Marie de Bourgogne. En ce qui concerne la Bretagne, bien sûr pas de film sur Anne de Bretagne, car un tel film n’existe pas. Faire un film sur la duchesse et reine risquerait trop de remettre en question l’histoire officielle. France 3 nous a par contre ressorti Bécassine, une chaîne qui avait d’ailleurs participé au financement du film. France Télévisions participe au financement de certains films en échange du droit de diffusion. En fait votre redevance a payé pour ce navet.
La culture dominante veut faire de Bécassine notre duchesse. On veut nous substituer une bonne à tout faire à la plus glorieuse des femmes que la Bretagne ait produite car à l’opposé de Bécassine, la duchesse fut la première des femmes modernes.
La créatrice du personnage Bécassine, Jeanne Spallarossa, fut une romancière et rédactrice en chef du magazine pour filles La semaine de Suzette des éditions Henri Gautier. Elle fut aidée par le dessinateur Joseph Pinchon. En 1913, Maurice Languereau, neveu de l’éditeur, reprend l’écriture des scenarii et en remet une couche. Il la fait naître en 1905 dans la famille Labornez à Clocher les Bécasses, un village imaginaire au nom évocateur qu’il situe près de Quimper. Il lui donne même le prénom d’Annaïck. Comme les paysannes de cette époque qui montaient à Paris ne parlaient que breton ou gallo, dès la création du personnage, le dessinateur avait omis de lui mettre une bouche. A noter que Mme Spallarossa comme Maurice Languereau, sans doute pas très fiers de leur création, écrivaient sous des pseudonymes.
Il n’est pas question ici de remettre en question la liberté de création et d’expression. Il est incontestable d’ailleurs que cette BD a eu un énorme succès dans la première partie du siècle dernier auprès des jeunes adolescentes des familles aisées de Paris ou d’ailleurs. Les ados pouvaient identifier leurs problèmes de défrichage du monde adultes à ceux de Bécassine. Il en va autrement des deux films qui ont été produits sur Bécassine, en 1938 et 2018. Ce que l’on peut remettre en cause, ce sont les choix éditoriaux de France Télévisions et les sélections du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) dans ses choix de financements.
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