Voir des mouvements d'extrême droite utiliser la croix celtique fait énormément de tort aux mouvements d'émancipations des petites nations celtes en Europe et en particulier cela fait du tort à la Bretagne. Dans une interviewBFM-TV le dimanche 12 mai 2024, qui faisait suite à une manifestation de groupes d'extreme droite à Paris, un élu PS du Calvados, Arthur Delaporte, annonçait avoir déposé une proposition de loi visant à interdire, entre autres, la croix celtique, qu’il qualifie de « symbole suprémaciste blanc, ethnodifférentialiste ». On en est là. Faudra t'il désacraliser certaines tombes bretonnes et demander à l'Irlande d'abattre ses calvaires ? Et Alan Stivell de commenter «qui propose d' interdire le drapeau tricolore utilisé par les fascistes du temps de Vichy et depuis ?
C'est d'autant plus frustrant que tous les mouvements d'extrêmes droite au monde briment les minorités nationales une fois au pouvoir. Il y a même eu des génocides. On sait ce que les Nazis ont fait aux Juifs et aux Tziganes. On se souviendra de Franco qui faisait garrotter les nationalistes basques. Vous pouviez être arrêté, emprisonné et fouetté juste pour parler basque dans la rue. Aujourd'hui c'est l'extreme droite espagnole qui est le plus farouchement opposée à l'indépendance de la Catalogne. En France, le rassemblement national a pris des positions nettes contre le bilinguisme et même les régions - que Marine Le Pen appelle des «baronies». Elle rêve de les supprimer. Elle s'était opposée à la fusion des deux départements alsaciens. L'extrême droite française n'est rien autre que l'extrême jacobinisme : un peuple, une nation, une langue. Historiquement l'extrême droite a toujours prôné l'unité nationale quoiqu'il en coûte. On se souviendra des accords de Montoire entre Pétain et Hitler : pour «sauver l'unité de la France» aurait déclaré le Maréchal. L'extrême droite au pouvoir c'est l'irrédentisme, voire l'impérialisme, plutôt que la protection des minorités et les droits fondamentaux des cultures et des peuples. C'est un fait historique. Personne ne peut le nier.
En Birmanie, la repression des militaires au pouvoir contre les minorités Shan, les Karen, les Karenni, les Mon, les Kachin, les Chin et les Rakhine touche au génocide. L'attitude du gouvernement chinois ,qui oui, est une dictature d'extreme droite, envers les Ouighours, est aussi génocidaire. Et Poutine envoie au casse-pipe de préférence les minorités nationales comme les Bourriates.
La croix celtique est apparue en Irlande au haut Moyen-âge mais seulement au 4e siècle car avant, la croix, un instrument de torture des Romains qui ne fut aboli que par l'empereur Constantin, était une chose infamante comme le rapporte Louis Brehier dans son livre Les origines du Crucifix dans l'art religieux. Il signale que les premiers crucifix ne datent que du VIe siècle. Qui décida d'en faire un symbole de l'église celtique ? rien n'est sûr, mais comme le rapporte l'historien Erwan Chartier , elle a pu être choisie pour symboliser une continuité entre le druidisme et le christianisme. Les rouelles et les roues à quatre branches furent gravées un peu partout dès l'Âge du bronze et même avant au néolithique en Europe et ailleurs. C'était un symbole solaire représentant à la fois les 4 points cardinaux, les 4 saisons et la roue pour le cycle annuel solaire. Pour rappel le [[christianisme celtique]] fut une branche du christianisme apparue en Irlande à une époque où Rome, conquise par les barbares, n'existait plus. Ce seraient des missionnaires irlandais comme saint Colomban ou Saint Gall qui auraient, après avoir débarqué en Bretagne, re-converti l'Europe. La tradition bretonne a qualifié de saints, beaucoup de ces Irlandais installés en Armorique, comme Saint Ronan et d'autres.
On retrouve les croix celtiques dressées dans tous les pays avec un heritage celtique : en Irlande, en Irlande du Nord, en Écosse, au Pays de Galles et en Cornouailles. Elle est plus rare en Bretagne bien qu'on la retrouve sur les sites comme l'abbaye de Landevennec ou autres ermitages fondés par les moines irlandais . La Bretagne a fait partie de cette branche du christianisme jusqu'en 818, la date du passage à la règle bénédictine et aux rites imposés par Rome et son bras armé : l'empereur Louis le Pieux. On peut encore voir des croix celtiques sur les pierres tombales des ruines des anciens ermitages comme à la chapelle de Languidou en Plovan. La dalle réinstallée au seuil d'entrée comme marche-pied montre une ancienne croix celtique circulaire sans pied. Depuis le XIXe siècle, avec l'apparition de la revendication celtique bretonne on la retrouve sur les tombes de certains militants.
L'utilisation politique de la croix celtique semble avoir débuté sur une peinture, celle de la bataille de Poitiers (la bataille de Tours pour les Anglo-Saxons). La toile représente la victoire de Charles Martel sur les Sarrasins en 732. Elle fut réalisée par Charles de Steuben(1788-1856) entre 1835 et 1837. Sa toile monumentale fait 4,65 m de haut sur 5,42 m de long . Aristocrate allemand d’origine russe qui a étudié la peinture à Saint-Pétersbourg puis à Paris, il a reçu une ample commande de portraits royaux pour le musée royal en France. La toile représente, à gauche de la mêlée et en hauteur, une énorme croix celtique. Anachronisme d'un symbole celtique au milieu d'une armée germanique de Francs. Une idée sans doute sortie du méli-mélo romantique de l'époque où on lisait Ossian, un recueil de poèmes qui serait issu de la mythologie écossaise. Même Napoléon l'aurait lu, aurait mémorisé des poèmes du barde Témora et avait commandé deux tableaux sur les thèmes d'Ossian(cf. Cain n°34). C'est dans ce contexte de la percée du légendaire celtique dans la littérature européenne, sept siècles après celle de la période arturienne, qu'il faut situer l'introduction de cette croix celtique sur cette fresque historique de Steuben.
Au milieu de la bataille, sous les combattants, il y a une femme avec son bébé qui représenterait l'Europe ou du moins la France devant la menace des Arabes, en l'occurence l'armée omeyyade menée par Abd al-Rahman, gouverneur général d'al-Andalus. Que l'extrême droite française se soit emparée de ce tableau et de son symbolisme exprimé il y a deux siècles n'est donc pas un hasard. Il leur fallait une croix, la gammée étant interdite, la croix de lorraine étant celle des Gaullistes, ils se sont emparés de la croix celtique ! Capucine Licoys dans le journal Lacroix écrit « Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des mouvances d’extrême droite détournent la croix celtique et en font leur nouveau signe de ralliement. Une manière de trouver de nouveaux symboles débarrassés de tout rattachement au fascisme ou au nazisme, contrairement à la croix gammée devenue impossible à arborer »
C'est entre les deux guerres que sous l'influence du père Doncoeur que la croix celtique fait son apparition dans le scoutisme. Elle est même sur l'autel de ce prêtre tres influent comme révélé dans le petit livre La Croix celtique de Thierry Boussard. Sous Vichy, la croix celtique apparait parmi les insignes des cadres des Chantiers de jeunesse ou des Equipes Nationales. Elle est blanche sur fond noir. La récupération de la croix celtique par ces groupes paramilitaires ne se limitera pas à la croix celtique puisqu'on y trouve aussi le béret basque. Des jeunes portant un beret basque et une croix celtique, quoi de mieux pour symboliser l'unité nationale ? Pour les grands serviteurs de l'État, la décoration sera plus parlante en ce qui concerne qui commande qui : une francisque.
Après la guerre, en 1949, un ancien Pétainiste, Pierre Sidos, est co-fondateur du parti d'extrême droite Jeune Nation. Pierre Sidos adoptera la croix celtique comme drapeau pour ce parti qui sera dissout en 1954. Elle fut ensuite adoptée par le parti Occident, puis par Ordre Nouveau, le GUD, et tous les partis de l'extrême droite française, et meme italienne, adopteront ce symbole usurpé.
■Premièrement, concernant l'aspect «récupération». Ce sont souvent des intégristes chrétiens dans ces groupuscules identitaires...qu'ils reprennent une croix chrétienne n'a rien de délirant par rapport à leur idéologie, quant à la dimension «gauloise», «celtique», elle est au centre du nationalisme français du XIXème siècle (et le XIXème siècle est le siècle du nationalisme, où le peuple est le socle, et non l'aristocratie) comme l'illustre très bien d'ailleurs le tableau de Charles de Steuben. Les symboles peuvent être anachroniques, mais il s'agit bien d'une bataille chère aux chrétiens, marquant l'Histoire du christianisme sur ce tableau quoiqu'on en pense. Personnellement je n'ai pas grande appétence pour la Religion, et encore moins pour l'Islam que le Christianisme.
Tout le monde fait de la récupération si l'on va par là...finalement le fait même d'accoler «croix et »celtique« est de la récupération, l'identité celtique elle-même reposant sur une religion singulière, vigoureusement combattue par le christianisme !
l'Hermine à proprement parler n'est pas du tout un symbole breton à la base, pas plus que le Triskell ou même la »croix celtique« à vrai dire.
Deuxièmement, et c'est le plus important, l'idée que »eux sont méchants , identitaires, qui excluent l'autre« et s'approprient» indûment ce symbole« revient quelque part - et c'est grave - à légitimer la politique d'interdictions, une politique galopante ces dernières années et qui met clairement à mal les libertés publiques et en particulier celles des minorités culturelles autochtones. Un autochtone a plus de droits à être con chez lui je serais tenté de dire, tant que l'on en reste au stade des symboles et des manifestations que des coups de couteau ou intimidations physiques.
Le drapeau français est utilisé par tous les mouvements nationalistes français. Quelqu'un préconise t-il d'interdire le drapeau bleu-blanc-rouge ? Bien sûr que non. Le bleu blanc rouge était aussi le symbole de la France de Pétain. La croix celtique était très peu utilisée pendant la seconde guerre mondiale et encore moins par les nazis ! Quelle légitimation à l'interdire ? Combien de meurtres à caractère communautaires ces dernières années liées à un intégrisme à croix celtique ?
Autant interdire ces mouvements et ces manifestations bizarrement tolérées par le pouvoir en place actuellement, non ? Au moins les choses seront claires.
Que ce soit la croix celtique qui soit visée, quand bien même seule l'une de ses variantes (très singulière) est utilisée par ces groupes, n'est absolument pas anodin,et que ce soit un député de la NUPES qui la porte encore moins.
Quand c'est pour barbouiller les escaliers ou le Mur des Justes de symboles pro-terroristes ou antisémites, nous ne les entendons pas si ce n'est pour soutenir ces actions. Et là le lien avec les atrocités de la seconde guerre mondiale peut être clairement établi pourtant.
Récemment je me suis promené dans un cimetière parisien, la croix celtique était présente (tombe d'avant seconde guerre, d'après seconde guerre). Va t-il falloir détruire ces tombes ?
N'est-ce pas au fond une manière perverse de s'attaquer avant tout à un symbole (parmi d'autres) du passé de l'Europe, de ce qui fait une singularité ?
Personnellement, je le crois malheureusement. Il faut faire de la place ! (un peu comme dans les cimetières). Le Triskell, l'Hermine ne sont-ils pas avant tout l'apanage de »groupusculaires identitaires« (»sécessionnistes ?" en plus ! ), il serait facile de jeter l'opprobre également.
En réalité, le découpage départemental portait déjà largement en germe la fin de la Bretagne historique et tout particulièrement le détachement du 44. Il y a eu de nombreux regroupements «volontaires» entre 1790 et 1956, tous aboutissaient à une débretonisation (généralisée pour toute la Bretagne), à une "Ligérisation du 44 (qui géographiquement n'est pas totalement incongrue convenons-en) ou des espaces biens plus vastes que la Bretagne.
Notons que l'on a jamais autant parler de la Bretagne dans le 44 que depuis que le découpage actuel existe.