Mais à quoi servaient les haches emmanchées stylisées du néolithique ?
Chronique publié le 9/07/23 11:21 dans Histoire de Bretagne par Mickael Gendry pour Mickael Gendry
Dalle de chevet de la Table des Marchand, dolmen de Locmariaquer (Morbihan) avec une hache emmanchée stylisée au plafond et des signes de crosse, au centre.
Les haches emmanchées stylisées associent les signes de la hache polie et de la crosse. Les haches polies sont les outils de prédilection des sociétés néolithiques qui permettent de défricher de nouveaux territoires agricoles. Celles-ci peuvent se présenter à emmanchement direct avec la pierre polie insérée dans le manche en bois ou indirectement dans un amortisseur qui peut être en bois de cerf. La crosse traditionnellement interprétée comme bâton de berger a la forme du « lituus » étrusque, arme de jet et insigne royal puis instrument des augures, que l’on retrouve aussi dans la Grèce antique avec le « lagobolon », sorte de boomerang pour la chasse rituelle ou en Egypte. Elle permet de chasser les animaux ou capter un espace, l'indicible. La combinaison de ces deux outils est une abstraction. Les haches emmanchées sont toujours représentées de manière stylisée, artistique, dans la partie supérieure des monolithes. Elles n’ont pas donné lieu à la construction d’objets. En effet les archéologues n’ont pas retrouvé ces objets, même détruits rituellement. En fait, tout laisse à penser qu’elles pouvaient servaient à ancrer un territoire dans l’au-delà, le délimiter en créant une rupture de plan qui renvoie au système de pensée et de croyances des Hommes du néolithique.
Une des clés de cette énigme réside peut-être dans la lecture du Menhir de Saint-Samson-sur-Rance. De façon étonnante, l’ensemble des haches emmanchées sont disposées de façon à figurer un diagramme ou «templum» (« temple du ciel ») qui circonscrit le monde sauvage, la forêt et la mer, la périphérie du territoire approprié. À l’intérieur de la forme quadrangulaire, les haches emmanchées définissent un quadrillage secondaire. Les formes des parcelles sont modifiées à la hauteur des haches emmanchées. Elles semblent indiquer un changement d’état, comme s’il s’agissait de soustraire cet espace. L'agencement des haches emmanchées sur le menhir de Saint-Samson-sur-Rance semble poser la question de la territorialisation des sociétés du néolithique, sur terre mais aussi dans un ailleurs, supra-terrestre, l’au-delà.
Voir à ce sujet l’article ABP : « Et si les mégalithes se racontaient ? Le menhir de Saint-Samson, «pierre de Rosette» du néolithique ? »
Lien du site : (https://abp.bzh/et-si-les-megalithes-se-racontaient-le-menhir-de-la--58029)
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Vos commentaires :
Naon-e-dad
Dimanche 24 novembre 2024
Ce qui est le plus impressionnant dans tout ces vestiges (antiquité, néolithique, art pariétal, etc……) c’est que la question existentielle est fondamentalement au cœur de leur interprétation. Comme une évidence, pour les scientifiques. Et ils ont sans doute raison.
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Alors que , parallèlement et paradoxalement, les tenants de la même démarche scientifique se refusent – trop souvent et pour une large partie d’entre eux - à ce type de questionnement existentiel en ce qui concerne nos sociétaires contemporaines, lesquelles sont un peu vite déclarées « post-chrétiennes » ou « postérieures au judéo-christianisme ». En clair : la question de la Divinité est acceptable, voire incontournable, quand il s’agit de comprendre nos ancêtres lointains, elle devrait être évacuée – sous le seul motif de la « scienticité » de nos connaissances - , pour nos contemporains.
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Certaines écoles militent même, stupidement, pour une échelle de temps calée sur le « BP » (« Before Present », « avant le Présent ») dans le seul but d’évacuer le « Before our era », qui est lui-même un décalque affadi du « Before J-C » ou « Avant Jesus-Christ »). Ces gens semblent oublier au passage que la datation an 1 (il n’y pas d’année zéro) est en retard de quatre à sept ans sur l’événement de Bethléem (en terre d’Israël), cela pour des raisons technico-historiques trop longues à évoquer. Le « BP » appliqué à Lascaux, par exemple, fait « vieillir » la grotte de deux mille ans (si l’on retient la datation à -14.000, elle passe de facto à -16.000). Gênant. Nos menhirs datés à -6000 (before J-C) passent d’un coup à -8000 (BP). César a envahi la Gaule en 52 av J-C. Et donc en 2023+52=2075 BP, aujourd’hui. Mais dans une génération, on dira en 2095 BP et dans deux générations en 2115 BP. J’espère ne pas avoir fait de faute de calcul. Superbe imbroglio en perspective pour nos écoliers et chercheurs, à l’avenir. Tout cela par pure idéologie matérialiste. Ou, disons-le, dans une posture où un incommensurable orgueil le dispute à la bêtise la plus effarante.
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Ou veux-je en venir ?
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Nous sommes faits du même bois que nos ancêtres. La guerre en Ukraine a fait litière de la prétendue « fin de l’histoire » (sous-entendu « fin des guerres ») que l’on nous annonçait à grand tapage, il n’y a pas si longtemps. Il en est / il en sera de même pour le point évoqué plus haut (le gommage du « divin »).
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Bref, les connaissances issues des sciences dures ne peuvent pas tout. Il serait temps de reconnaître leurs limites, même si ces dernières reculent sans cesse. Et je ne parle pas de l’indigence assez générale des médias grand-public en matière de culture scientifique. Bref. Reconnaître que la matière fait écran à l’être. Et donc replacer Dieu au milieu du jeu. Quel que soit le mot utilisé pour désigner notre Etre-source d’ailleurs, à l’égard duquel l’univers entier est en dépendance..
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Voilà « in fine à quoi nous mènent les « hâches » en pierre polie… A considérer notre avenir. Voulons-nous encore nous « civiliser », ou nous laisser happer par la « décivilisation » ? Voulons-nous croire à ce qui dépasse et précède le monde créé, ou non ? Voulons-nous nous appuyer sur les expériences intimes (ou spirituelles) et enseignements reçus et compilés, en Orient moyen ou proche, depuis environ quatre mille ans, ou non ? Ou préférons nous la « table rase » ?
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Petra diwar-benn hon dazont deomp-ni ? Sevenadur pe disevenadur ? Bezañ ha bevañ e doare speredek pe disperedek ?
Yann L
Dimanche 24 novembre 2024
Merci pour cette excellent article culturel et son commentaire. J'en profite pour signaler ce qui me semble être une évolution récente de la langue bretonne. On dit et écrit, aujourd'hui, «Jesus Krist» (JK) là où l'on disait et écrivait, il y a 20 ou 30 ans «Jesus Hor Salver» (JHS). Quelqu'un d'autre a-t-il remarqué ce phénomène?