Ma Bretagne, par Colette Trublet

Chronique publié le 2/08/14 12:09 dans Littérature par Colette TRUBLET pour Colette TRUBLET

Ma Bretagne

Je suis breton(ne) et j'en suis fier(e)

Et pour ceux qui sont nés ailleurs :

« Ce n'est parce que la chatte a fait ses petits dans le four de la cuisine que les petits sont des biscuits » …

Entendu dans un concert par Glenmor

Aux Bretons, d'origine ou d'adoption

Résidant en Bretagne

Et partout dans le monde

Sur Terre, sur Mer, et depuis peu dans l'espace…

Et salut à tous les Terriens

Bretagne Réunie

Pour commencer :

La Bretagne au temps de nos Grands Parents

Les petits anneaux de chaque côté et en haut de la carte permettaient de l'accrocher sur le tableau noir.

Je me souviens :

A l'école, nous n'apprenions pas que nous étions bretons. Nous apprenions « nos ancêtres les Gaulois », des sauvages et des vaincus derrière Vercingétorix. Des Celtes cependant qui avaient peuplé l'Europe de l'Oural à l'Atlantique et qui tous parlaient la même langue. (Ceci dit après les dernières découvertes. À vérifier).

Nous croyions être français. Nous parlions français (à vrai dire, plus ou moins bien : les moqueries et les punitions pouvaient pleuvoir avec pour conséquences la honte, l'humiliation, rarement la révolte, toujours silencieuse celle-ci) : les autres langues le gallo et le breton étaient des patois et des dialectes, à oublier, le plus vite serait le mieux.

Mais nous sommes un peuple qui voyage. Donc, ailleurs, on vous demande d'où venez-vous ? Qui êtes-vous ? On vous demande d'où vous vient votre accent ? Votre façon de prononcer certains sons, votre manière de dire ?

De question en question vous dites : ah oui, la Bretagne, la mer, la pluie, la lande, l'ajonc, le genêt, et chez nous il fait beau plusieurs fois par jour, et les paysages sont d'une beauté à couper le souffle, etc.

Et miracle : vous devinez que vous êtes breton(ne).

Ça change tout.

Avoir

Alors, quand vous revenez au pays vous le parcourez en long en large et en travers :

C'est chez moi…

Crapahutage dans les rochers, festival interceltique de Lorient, celui de Monterfil, Les festivités bretonnes de Guingamp, de Quimper, de Douarnenez, de Carhaix, les concerts des bagadoù et les festoù noz, les ballades initiatiques en Pays de Brocéliande, dans la baie de Douarnenez, au Méné Bré, à Braparts, sur le canal de Nantes à Brest, dans la micheline Dinard-Dinan-Dol-Rennes.

Et les spectacles !

Merci à tous les cercles celtiques, aux poètes, aux Bardes et aux chanteurs, merci à Yvon Le Men, Xavier Grall, Alan Stivell, Glenmor, Gilles Servat, Youenn Gwernig, Tri Yann, Yann Fañch Kemener, Dan Ar Braz, Myrdhin, Maripol, Roland Becker ou encore la troupe Ar Vro Bagan, Nolwenn à présent, et tant et tant d'autres.

Merci aux merveilleuses petites villes et Cités : Pont Aven, La Gacilly, Moncontour, Locronan, Rochefort, Saint-Goustan, Comper, La Roche Jagu, Pornic, Clisson, Ancenis et tant d'autres, tant d'autres.

Chaque estuaire, chaque aber, chaque rocher, chaque arbre, chaque motte de terre, tout me parle et je me sens chez moi. Et je sais qu'il m'en reste beaucoup à découvrir.

Ça change quoi ?

Sur le tard (plus ou moins) vous apprenez ou réapprenez la langue du vieux pays, celle d'avant les Français.

Le prof de breton qui vous accueille dans le cadre d'un « crash course » à Lorient ou à Plouguenast, ou à l'université de Rennes, sépare les jeunes des plus âgés :

« Au delà de quarante ans, c'est plus difficile d'apprendre une nouvelle langue ».

Il m'a porté la poisse celui-là. J'ai appris, oublié, réappris, re-oublié, recommencé, travaillé par correspondance et oublié encore.

Bon mais …

Chez moi, les jeunes parlent désormais breton ou/et gallo si le coeur y est. Les écoles, les deux collèges et le lycée « Diwan » les prennent en charge. C'est trop peu et tout le monde ne peut bénéficier de l'immersion dans la langue. Mais c'est une avancée. Merci Diwan, merci aussi à Div Yezh et à Dihun, les classes bilingues de l'enseignement privé et public, hélas si peu nombreuses.

Tel petit garçon fait toute sa scolarité à Diwan (Dinan, Plijidy)

C'est lui qui dit un jour, (il aura 6 ans, huit jours plus tard) : « Hein Mamm gozh, (Mamie), nous les Bretons, on est obligés de défendre notre paysage avec l'idée française ». C'est du «Mona Ozouf avant l'heure. Il ne croit pas si bien dire, mais il a compris. Ça donne des racines.

Donc c'est une grande et belle satisfaction …

Être

Alors, ça veut dire quoi être Breton ?

Ça veut dire :

C'est comme ça.

On n'y peut rien et il vaut mieux être d'accord avec ce qu'on est si on ne veut pas boitiller entre être et ne pas être, coupé au milieu de son « parler-être ».

Un petit exemple : En breton on dit ank - anken- ankounac'h pour parler de la mort de l'angoisse et de l'oubli. Le breton les exprime à partir d'une seule racine : ank. Le français dissocie les trois mots et chacun va de son côté. Une langue construit l'être qui parle au plus intime de sa personne. Et les Français s'étonnent que les Bretons soient si familiers avec la mort. C'est probablement lié au fait que la même racine relie la cause et ses effets. C'est comme un chemin tracé pour que l'angoisse ne se perde pas dans les méandres des sentiments. Et ceci n'est qu'un tout petit exemple.

Merci à Martial Ménard qui a appris le breton en prison, emprisonné qu'il a été durant deux ans pour avoir commis un délit de lèse-majesté française. Il est devenu un grand nom de la syntaxe et de la grammaire bretonne, lui le gallo, plus Breton que lui, tu ne trouves pas.

C'est comme ça.

C'est ça la culture. Ça te donne des ailes ou ça te les coupe. Il faut se battre et se débattre pour résister. Sinon on reste mutilé.

Et voilà que Pétain, le grand maréchal de France qui a fait gober à la France entière qu'il allait la sauver en collaborant avec les nazis, mutile notre terre de Bretagne en la séparant d'un de ses départements, la Loire-Atlantique. Ce que les gouvernements successifs entérinent sans honneur et sans gloire, juste de quoi nous anéantir un peu plus dans un hexagone irrespirable désormais.

Nous souffrons

C'est comme ça.

Autant ne pas trop s'appesantir. La révolte du pot de terre contre le pot de fer ne sert qu'à nous briser davantage. Alors ça fuite dans tous les sens ; du reniement à l'allégeance, avec délégation faite aux révoltés de maintenir un semblant de solution, de l'acceptation du mensonge à l'élaboration d'une conduite d'équilibriste au bord du précipice avec colère permanente invalidante, avec abêtissement dans l'incapacité à défendre sa cause à égalité d'argumentation savante avec les élites de la « nation » (française).

C'est comme ça

Sauf que

Faire

Nous redevenons savants.

N'est-ce pas Morvan Lebesque ? N'est-ce pas P.-J. Hélias ? N'est-ce pas Mona Ozouf ? N'est-ce pas Henri Queffelec et après lui Yann Queffelec avec son dictionnaire amoureux de la Bretagne.

Et voilà que des Bretons développent à grand renfort d'ingéniosité et de patience, de ténacité et d'entêtement des mouvement comme le CELIB (Comité Économique de Liaison des Intérêts Bretons) qui a « désenclavé la Bretagne » en obtenant-exigeant- argumentant-discutant la mise en place des travaux d'aménagement, des routes et des infrastructures qui vont faire revivre l'économie.

Merci le CELIB

Ensuite le MOB prendra la relève et continuera le travail.

D'autres s'y attellent, peu connus encore ; merci Jean Ollivro et à tous les intellos qui travaillent sans relâche.

Nous redevenons prospères, un peu.

Sauf que :

Peu à peu la France décline, s'enlise dans ses arguties jacobines, cède aux sirènes de la mondialisation, brade ses industries, les délocalise, bêtement.

On assène aux citoyens que c'est pour leur bien ; on les abrutit à l'aide des média, la télé surtout ; les peurs de tout et de rien sont propagées comme de la poudre, nous sommes tous dans l'avion qui s'écrase en Malaisie, nous mangeons tous des pesticides, les grands labos nous empoisonnent. Tout ça nous immobilise.

Et pendant ce temps-là, de cet abêtissement généralisé, et en Bretagne nous en savons quelque chose, les finances se mélangent les pinceaux, autorisent les banques de dépôts (nos sous, quand même) à spéculer, à faire joujou dans les jeux de la bourse et de l'économie virtuelle, à faire des fortunes mondialisées et à assécher les revenus de l'Europe et de la France.

L'Angleterre et l'Allemagne jouent le jeu de l'argent d'abord et essaient de convaincre les laissés-pour-compte, les pauvres, les petits porte-monnaie, les sans-emploi, que les riches doivent s'enrichir pour les sortir d'affaire, mais après combien de pertes, de suicides, de désespoirs et de malheur ?

Ça ne marche pas ! Le système est en panne.

C'est comme ça ?

Je sais, tout ça est trop vite dit. Chacun peut se renseigner par ailleurs. Je trace les grandes lignes.

Écoeurement, désespoir à l'oeuvre.

Où allons-nous ?

Nous attendons la reprise ?

Mais il n'y a plus assez de travail pour tout le monde : Les robots, la mécanisation font ça très bien. N'est-ce pas les paysans ? Avant il fallait des bras dans les champs, dans les usines, à présent il y a des machines.

Et pourquoi pas ?

A condition de répartir les revenus.

Alors ?

Au boulot !

Je veux et je désire à partir de ce que je suis

Nous sommes capables !

Mais il faut inventer un autre système. Agir au niveau de la proximité pour ne pas perdre de vue nos modernes argentiers, nos financiers, pour échapper à la spéculation. Cessons de déléguer à des élus lointains neutralisés par le système tout ce qui relève de notre pain quotidien et de nos vies de chaque jour.

Nos dirigeants auront assez à faire au niveau de chaque pays et de l'Europe pour organiser des stratégies de gestion des biens mondialisés, des défenses des territoires, des polices et des tribunaux internationaux, etc.

Nous aurons à nous organiser entre nous pour vivre et travailler au pays dans un ensemble suffisamment riche et productif pour vivre ensemble, réunis, ce qui ne nous empêchera pas de nous disputer joyeusement. Nous ne serons pas toujours d'accord mais nous règlerons nos conflits nous-mêmes.

Les petits pays se débrouillent mieux que les plus grands :

Il y a des exemples comme l'Irlande, le pays de Galles, la Belgique, le Danemark la Suède, la Norvège et dans le lointain l'Islande, qui se débrouillent beaucoup mieux que les États plus grands, centralisés comme la France, et dans lesquels les populations sont mieux traitées.

A chaque fois ils sont un peu plus ou un peu moins nombreux que les Bretons sur des terres de dimensions semblables.

Facile à dire mais on a rien sans mal.

Intelligence à l'oeuvre, au boulot !

Quelles solutions

Il y a des exemples à suivre comme celui de Pierre Rabbi qui a mis en place le mouvement «Colibris» (à voir sur son site) et bien d'autres initiatives dans le monde entier (c'est ça la mondialisation, on peut aller à la pèche sur internet pour trouver ce qui nous convient chez nous et au passage nouer des liens d'amitié ; et il y en a des associations, des jumelages, des échanges : il s'agit de les développer).

Ils revisitent et réinventent des activités professionnelles et économiques avec de l'emploi à la clé.

Cherchez, vous trouverez.

Bichonnons nos artistes et nos rêveurs, nos utopistes et nos créatifs : impossible de faire un inventaire ; mais quand même il y a cette aventure des entreprises culturelles qui développent des activités professionnelles, économiques, commerciales, qui créent à chaque fois quelques postes de travail, de la formation, des échanges (et du bonheur d'être et de faire enfin retrouvé).

Brest, Douarnenez et les bateaux, le CREC (Centre régional économique et culturel) à Dinan, Bécherel, Cité du livre (livres anciens, rares ou d'occasion, neufs parfois : 700 habitants, 18 à 22 boutiques, de la calligraphie à l'édition en passant par la librairie).

L'artisanat d'art et d'histoire comme à Dinan, à Moncontour, il y a Loudéac et Carhaix et de nombreuses moyennes ou petites villes, une quantité de villages avec des activités enracinées dans le terroir qui réaniment le centre Bretagne oublié des grands axes, ceux qui mènent à Paris en direct, en panne des directions Nord-Sud de la Bretagne et pourtant si féconds, n'est-ce pas Plouay, n'est-ce pas Guingamp, n'est-ce pas Redon, Ploermel, Josselin, Pontivy, Landerneau et tous les autres ? etc.

Internet expose toutes ces réalisations et on peut y aller assis dans son fauteuil ; Si le coeur vous en dit bien sûr. Mais c'est une manière comme une autre de se sentir partout chez soi en Bretagne et d'en reprendre possession.

Ça donne de l'espoir tout ça. Et ce n'est qu'un début. Les occupations manquent aux chômeurs ? Il y a des pistes. Mais il ne suffit pas de tourner le bouton de la télé ou de jouer avec son portable. On a bien le droit de se rendre utile … Et à chacun son plaisir selon ses « sept possibles » (ça c'est du Jakez Hélias).

A nous le « Faire » et la bonne santé mentale libérée …

Et revoilà le triskell en conclusion provisoire.

Ça c'est nous

Un tremplin pour relancer la culture, l'économie, la justice, l'éducation, l'enseignement, la recherche, l'université, en toute solidarité et fraternité avec nos cousins celtes, avec nos voisins immédiats comme les Français, plus loin avec les Européens et enfin avec tous les Terriens.

Faut pas être petit dans sa tête, nous qui ne sommes (chacun et même ensemble réunis) qu'une minuscule partie de l'univers, invisible à l'½il nu.

Bevet Breizh, Bevet Breizh, Bevet Breizh,

Vive la Bretagne

Vive la Bretagne réunifiée

«La voilà la blanche hermine

Vive la mouette et l'ajonc,

Vive Fougères et Clisson»

Gilles Servat


Vos commentaires :
Stefan Bian
Vendredi 15 novembre 2024
Ma foi, nous avons la meme Bretagne vous et moi !

Paul Chérel
Vendredi 15 novembre 2024
Très joli tableau, bien dressé, bien parlant, bien complet. il faut que les Bretons s'y regardent comme dans une glace et la Bretagne sera sauvée et libérée de ce voisin agonisant. Paul Chérel

Léon-Paul Creton
Vendredi 15 novembre 2024
Surtout ne pas vous tresser des louanges, mais nous rassembler nombreux à penser ce que vous dites tellement bien...Mais surtout pour aller )plus loin!

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