Après 30 années d'indifférence, d'omerta et de secret défense, la loi Morin du 5 janvier 2010 a fait naître beaucoup d'espoir chez les vétérans des essais nucléaires et les veuves. Ces dernières, rarement salariées, ont été abandonnées sans soutien ni ressources avec parfois de jeunes enfants à charge.
Après une année de mise en application, le ministre de la Défense Gérard Longuet a présidé la première réunion de la commission consultative de suivi à Paris le 20 octobre dernier.
La présidente du comité d'indemnisation (CIVEN) a fait l'état des lieux. Sur 185 dossiers complets, seules 2 indemnisations de 20.000 euros chacune ont été accordées au titre d'une réparation prétendue intégrale. Le président de l'ANVVEN a dénoncé la rédaction contradictoire de l'article 4 qui, dans la même phrase, reconnaît le lien de causalité pour aussitôt l'assortir de conditions extravagantes. En plus des 3 conditions restrictives posées par la loi Morin, la victime doit remplir une 4e condition perverse, déterminée par un modèle mathématique venu des USA. Des données personnelles sont utilisées pour calculer une probabilité de risque relatif supérieur ou inférieur à 1 % C'est à cause de ce logiciel-gadget que des marins exposés aux tirs atmosphériques et contaminés, voient leur dossier rejeté, à charge pour eux de se pourvoir devant le tribunal administratif dans les 60 jours. Ce n'était pas l'objectif annoncé par la loi Morin qui se voulait juste, équitable et même généreuse.
Dés octobre 2009, l'ANVVEN a contesté cet article auprès du rapporteur pour le Sénat (MP Cléach) et aussi sur la chaîne LCP le 10 décembre 2009. Cet article, rajouté par les sénateurs de la majorité présidentielle, fonctionne comme une guillotine et annule de fait, le renversement de la charge de la preuve. C'est encore au cancéreux de tout prouver tandis que le gouvernement considère au vu des résultats produits par le logiciel. Une probabilité aussi scientifique et sophistiquée soit-elle ne peut pas constituer une preuve. L'esprit de la loi a été détourné par les sénateurs (les députés n'avaient pas osé concevoir un tel piège mais ils se sont ralliés pour voter cette disposition)
Le 20 octobre en commission de suivi, le président de l'ANVVEN a mis en lumière de façon expresse, l'effet pervers de cet article 4 et demandé son amendement aussitôt refusé par le rapporteur du Sénat. Le temps presse pour revoir la copie et l'ANVVEN a adressé un courrier à J.-P. Bel, nouveau président du Sénat pour solliciter son appui et voter l'amendement n° 32 avant Noël. Modifier seulement le décret d'application pour rajouter quelques pathologies (lymphome, myélome..) élargir les secteurs géographiques réputés contaminés, ne servirait à rien si, au préalable, on n'a pas supprimé la phrase litigieuse de l'article 4 de la loi Morin 2010-2 du 5 janvier 2010.
A noter que 85 % des dossiers déposés concernent des ex-militaires dont la grande majorité a été exposée aux tirs atmosphériques sans véritable protection.
En seconde intervention, l'ANVVEN a demandé une modification du code des pensions militaires d'invalidité (articles L2 et L3) en s'appuyant sur les propositions concrètes avancées par le Médiateur de la République le 22 mars 2011. Ce code archaïque et obsolète, conduit à des jugements iniques comme on l'a vu au tribunal des pensions de Brest au printemps dernier. Un dossier anormalement retardé, tronqué, truqué et saboté. A charge pour le vétéran cancéreux de faire appel dans les 60 jours. C'est tellement facile à dire !
Sur demande de l'ANVVEN, le ministre a prévu une seconde réunion de la commission de suivi vers la mi-janvier 2012. Une échéance importante avant le départ en campagne des députés.
Pierre Marhic, président de l'ANVVEN (02 98 47 02 84)
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■Jacques LECOQ