Originaire de Taulé près de Morlaix, Annick Cojean est une Bretonne dotée du courage qui, avec le talent, fait les grands reporters. Elle a reçu en 1996 le prix Albert-Londres pour une série de cinq reportages, « Les mémoires de la Shoah », réalisés aux États-Unis et en Europe et publiés dans Le Monde, à l'occasion du cinquantenaire de la libération des camps d'extermination. Elle est également la directrice de la collection Empreintes, diffusée sur France 5. Elle vient de publier «Les Proies», un livre qui, à travers des témoignages émouvants et vérifiés, raconte la descente aux enfers de jeunes filles libyennes kidnappées et réduites en esclavage dans le harem qui se trouvait dans les sous-sols du palais du dictateur Khadafi.
Quelques jours après la mort de Khadafi, Annick Cojean, s'est rendue en Libye. Elle voulait retrouver ces femmes qui ont activement participé à la révolution, et qu'on ne voyait pourtant jamais. Et tout à fait par hasard, elle est tombée sur Soraya, une rescapée de l'enfer privé de Khadafi où le barbe-bleu assouvissait ses fantasmes les plus pervers, violant à la fois hommes et femmes kidnappés jusque dans les écoles et les universités et transformés en esclaves sexuels.
Comment les leaders occidentaux ont pu normaliser des relations avec ce tyran ? La réponse est implicite et sera évidente pour beaucoup de lecteurs. Un rapprochement historique devient même inévitable : ceux qui voulaient garder Khadafi en place ou qui veulent préserver Assad en Syrie, dans les deux cas, pour nous protéger des islamistes, se trompent tout autant que ceux qui voulaient collaborer avec Hitler pour nous protéger du communisme et des soviets. On ne peut que répéter la phrase attribuée à Benjamin Franklin : « Ceux qui sont prêts à sacrifier la liberté pour un peu de sécurité ne méritent ni l'une ni l'autre ».
Les Proies, d'Annick Cojean, Grasset, 326 p., 19 euros.
Philippe Argouarch
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