Double vainqueur de la Route du Rhum-La Banque Postale, en 2006 dans la catégorie multicoque 60 pieds, et il y a tout juste quelques jours dans la classe Multi 50, Lionel Lemonchois revient de loin. Victime d'une avarie en début de course, le skipper de Prince de Bretagne avait dû se dérouter vers l'Espagne avant de réparer avec les moyens du bord. En effectuant une remontée fantastique sur ses concurrents, le détenteur du record absolu de l'épreuve s'accroche à sa légende.
Et de deux ! Lionel Lemonchois vient de remporter pour la seconde fois consécutive la Route du Rhum-La Banque Postale. Il y a quatre ans, ce marin chevronné plutôt taiseux et taciturne avait crée la surprise en laissant littéralement sur place l'armada des multicoques 60 pieds. Son surf sublime sur Gitana 11 de 7 heures, 17 heures, 19 minutes et 6 secondes allait rester dans les annales de la course au point d'inaugurer sous ses foils acérés une véritable « Autoroute du Rhum ».
« Contrairement à ce que certains pensent, j'ai effectué plus de deux empannages sur le parcours, même si c'est vrai qu'il n'y a pas eu énormément de manœuvres. Des fois, dans la vie, les choses s'emmanchent nickel, comme dans un rêve » explique le marin. Une sérénité que le skipper normand aurait bien voulu connaitre sur l'édition 2010 en catégorie Multi 50 à bord de son flamboyant Prince de Bretagne. Victime d'une avarie après seulement quelques jours de course - la pièce qui maintenait la grand voile sur son chariot ayant subitement cédé- il a bien cru qu'il ne reverrait pas de sitôt le soleil des tropiques. Le navigateur alors en tête de la course devant Franck-Yves Escoffier (Crêpes Whaou) décide la mort dans l'âme de se dérouter vers l'Espagne. En accord avec son équipe technique, il monte en haut de son mât de 25 mètres afin d'essayer de réparer avec les moyens du bord. Pendant trois heures, seul au milieu de l'océan avec 10 nœuds de vent, le marin jouera les fils de l'air, dans un savoureux et inédit numéro d'équilibriste. « C'est un peu comme si j'étais perché en haut d'un immeuble de 9 étages et qui avance en bringuebalant dans tous les sens » Après avoir récuré les pièces du «lashing» coincées là-haut, le skipper qui ne sait plus comment se libérer de son système pour redescendre tranquillement le long du mât, s'en tire avec une belle frayeur et quelques courbatures.
GRAVIR L'HIMALAYA
Enfin sur le pont, il annonce fièrement mais sobrement à l'organisation « envoyez la météo, pour moi c'est reparti, je suis d'ores et déjà en configuration course.» Dès lors, il était plus que certain qu'un tel enragé rattrape son retard et fasse au minimum un podium, même si les abandons de Franck-Yves Escoffier (Crêpes Whaou) et de Yves Le Blevec (Actual) ne faisaient pas partie de son programme. «Je n'avais pas la haine, juste une envie terrible de bien faire pour les producteurs de Prince de Bretagne, je ne l'ai pas fait pour moi, mais pour le projet et pour eux. Après, il me restait l'objectif de faire le podium, même si c'était comme gravir l'Himalaya » a-t-il expliqué à son arrivée en Guadeloupe 15 jours, 4 heures, 50 minutes et 48 secondes après son départ. Incertain quant à son inscription à la 9e édition de la Route du Rhum-La Banque Postale, Lionel « le bon choix » comme il est parfois surnommé par ses pairs a paradoxalement cherché désespérément des sous pendant deux ans. Débarqué en 2008 de l'équipe Gitana propriété du prestigieux homme d'affaires Benjamin de Rothschild, le skipper qui selon ses dires « ne plaisait pas à Madame la baronne », se devait de retrouver un nouveau sponsor plus en phase avec sa vision de la course au large. « J'estime avoir des valeurs communes avec mon sponsor Prince de Bretagne. Ce sont des gens issus du terroir pas des banquiers ou une compagnie d'assurances. J'ai un contrat de 3 ans sur le programme 50 pieds, mais je rêve de pleins de choses comme de faire des bateaux » confie t-il.
Désormais libre de continuer à gagner des titres, Lionel Lemonchois qui compte également à son actif le record du Trophée Jules Verne sur le Groupama 3 de Franck Cammas en 2010, peut tranquillement envisager la saison Multi 50 ainsi que sa participation en double à la Transat Jacques Vabre 2011.
« A 50 balais, je fais du rabe. J'ai connu de belles courses mais c'est vrai que mes deux victoires sur la Route du Rhum-La Banque Postale resteront à jamais gravées dans ma mémoire ».
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