L’immersion est le seul espoir des langues menacées

Communiqué de presse publié le 26/08/22 15:17 dans par pour
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L'immersion en Europe

Le réseau Network to Promote Language Diversity (NPLD) vient de présenter une étude comparative des modèles « d’éducation dans la langue » en s’appuyant sur quatre exemples : le Pays Basque, le Pays de Galles, la Bretagne et l’Irlande. Le verdict est sans appel : l’enseignement par immersion totale est le seul espoir d’avenir pour les langues menacées de disparition.

L’étude compare ainsi les résultats obtenus par les enfants selon les modalités de leur scolarisation et la répartition de l’exposition des enfants durant le temps scolaire, en classe et hors la classe, entre la langue menacée et la langue officielle dominante. Ainsi en est-il entre basque et espagnol, gallois et anglais, breton et français et gaélique et anglais.

Au Pays Basque (Euskadi)

Les Basques sont répartis sur sept provinces historiques : Labourd, Basse Navarre et Soule dans l’Etat français, la Navarre, et les trois provinces de la Communauté Autonome Basque, la Gipuzkoa, la Biscaye et l’Alava. Dans la Communauté Autonome Basque, il y a plus de deux millions d’habitants, dont un tiers environ sont bascophones (631.000) auxquels s’ajoutent 356.000 locuteurs passifs selon l’étude sociolinguistique réalisée en 2016.

Le système éducatif actuel est en vigueur depuis 1982, date de l’autonomie obtenue après la chute du franquisme. La loi sur la normalisation de l’usage de l’euskara énonce le droit pour tous d’être scolarisés aussi bien en basque qu’en castillan, et fixe comme objectif « une compétence pratique suffisante dans les deux langues officielles à la fin de l’éducation obligatoire ».

Pour cela il est proposé aux parents trois possibilités :

- Cursus A dont la langue d’instruction et de la vie scolaire est le castillan, et où le basque est seconde langue obligatoire ;

- Cursus B, où le bilinguisme est général ;

- Cursus D dont la langue d’instruction et de la vie scolaire est le basque, et où le castillan est seconde langue obligatoire.

Le cursus faisant la part belle au basque a été largement plébiscité par les parents. Dans l’école primaire, au départ, en 1985, le cursus B-espagnol était majoritaire (70% des enfants), le cursus D-basque loin derrière (20%) et le reste pour le cursus B-bilingue (10%). Au tournant de l’an 2000, après 15 ans, les proportions étaient inverses : le cursus D-basque accueillait 52% des élèves, le cursus B-bilingue 30% et le cursus A-espagnol 18%. Vingt ans plus tard, en 2019, les écarts se sont encore creusés : cursus D-basque 77%, cursus B-bilingue 18% et le cursus A-espagnol moins de 5%.

Dans le secondaire la tendance est la même : cursus A-espagnol 73% des enfants en 1985, 6% en 2019 ; cursus B-bilingue 7,5% en 1985, 22% en 2019 : cursus D-basque : 15% en 1985, 72% en 2019.

Entre les trois cursus les résultats obtenus concernant la maîtrise de la langue basque sont incomparables :

- En cursus D-basque, le pourcentage des enfants maîtrisant le basque en fin de scolarité varie de 56,4% dans l’enseignement public à 67,5% dans l’enseignement privé.

- En cursus B-bilingue, le pourcentage des enfants maîtrisant le basque à l’issue de la scolarité est de 22,3% dans le public et 42,2% dans le privé.

- En cursus A-espagnol, les pourcentages s’effondrent à 1,8% dans le public, et 12,4% dans le privé.

Au total, sur les trois cursus confondus, 54,4% des enfants basques sortent du système scolaire en maîtrisant la langue basque alors que seulement 19,2% venaient d’un milieu familial où le basque est pratiqué.

Ce bon résultat est entièrement dû au développement de l’enseignement par immersion, tant dans le privé que dans le public.

Parallèlement la maîtrise du castillan par les jeunes Basques est excellente pour 86,8% d’entre eux, soit un résultat supérieur à celui de l’Espagne entière qui est de 77,3%. Pour le français, les études montrent un taux de bonne connaissance du français, à la fin de la scolarité primaire, de 79,3%, sur la base de six critères : sens des mots, syntaxe, maîtrise des phrases, compréhension des textes, capacité à la lecture, à l’écrit comme à l’oral.

Au Pays de Galles (Cymru)

Le Pays de Galles compte 562.000 locuteurs du gallois pour une population d’environ trois millions d’habitants. La planification linguistique décidée par le gouvernement autonome gallois fixe un objectif d’un million de locuteurs en 2050 (Cymraed 2050).

Le système éducatif gallois en vigueur date du « Welsh Language Act » de 1993 qui fixe une obligation d’égalité entre anglais et gallois et prévoit en conséquence de favoriser le gallois face à l’anglais largement dominant.

Comme au Pays Basque leur système éducatif propose un enseignement « welsh-medium » où le gallois est langue d’enseignement et langue de toute la scolarité ; un module english-medium où le gallois est enseigné comme seconde langue ; et un système intermédiaire bilingue, avec des graduations allant de 20% à 70% pour le gallois. En fait il s’agit d’un statut de transition par lequel le gallois prend progressivement plus de place dans une école, jusqu’à remplacer l’anglais en évoluant vers un site « welsh-medium » au bout de plusieurs années.

Sur 475.000 enfants scolarisés en primaire et secondaire dans l’ensemble du Pays de Galles, 350.000 sont dans des écoles classiques « english-medium », 80.000 (16,9%) dans la filière immersive « welsh-medium » et 50.000 dans des sites bilingues intermédiaires. La proportion d’élèves « welsh-medium » dans le primaire est de 21%, l’immersion se développant en commençant par les plus petites classes.

L’étude de ces modèles conclut ainsi : « L’éducation en immersion « welsh-medium » est la méthode principale qui assure que les enfants sont capables de développer leurs compétences en gallois, et de créer de nouveaux locuteurs en gallois » ; « les enfants qui ont suivi le cursus « gallois seconde langue » ne sont pas capables d’user de leurs compétences acquises en dehors de la salle de classe ».

Pour les enfants ayant suivi une scolarité « welsh-medium », l’évaluation faite à l’âge de 11 ans montre 80,3% de locuteurs maîtrisant le gallois. Pour la maîtrise de l’anglais, 78% réussisse les tests, contre 72,7% des enfants issus d’une scolarité en anglais comme langue véhiculaire.

En Bretagne (Breizh)

L’UNESCO catégorise la langue bretonne parmi les « langues sévèrement menacées de disparition ». Il y avait 1,1 million de locuteurs bretons au début du 20ème siècle, ils sont 210.000 en 2018, dont 80% ont plus de 60 ans.

La langue bretonne est présente dans l’enseignement selon trois cursus : écoles associatives Diwan qui pratiquent l’enseignement par immersion ; dans les écoles publiques bilingues ; dans les écoles privées bilingues.

Le système Diwan scolarise 4.500 enfants environ, sur les 20.000 qui reçoivent un enseignement significatif du breton, les autres étant scolarisés dans les écoles bilingues publiques (2/3) et privées (1/3).

A l’issue du collège, en classe de 3ème, les évaluations donnent une compétence linguistique B2 pour 65,4% des élèves Diwan. Ce taux chute à 26,8% dans le bilingue public, et 18,8% dans le bilingue privé. Les taux de réussite au Brevet est de 99% pour la filière Diwan, alors qu’elle est de 87,30% nationalement.

En Irlande (Eire)

Le Gaélique en Irlande est évalué comme une langue « définitivement menacée de disparition », bien qu’elle soit langue co-officielle avec l’anglais, et bien qu’elle soit une des 24 langues officielles de l’Union Européenne.

40% des Irlandais peuvent parler irlandais, et 4,2% le font quotidiennement. Dans un partie du territoire bien délimitée, appelée Gaeltacht, où vivent environ 100.000 habitants sur les 5 millions d’Irlandais, les deux tiers connaissent et peuvent s’exprimer en gaélique.

Dans les écoles « English-medium », le gaélique est enseigné comme une seconde langue obligatoire. Les écoles « Irish-medium » sont bien moins nombreuses, et l’étude distingue celles qui sont implantées dans Gaeltacht, et celles qui sont dans le reste de l’Irlande.

La proportion d’enfants du primaire dans une école « irish-medium » est faible, 7,5%. Il n’est que de 4,5% dans le secondaire, dont 2,5% en immersion totale.

Les résultats sont sans appel : dans les écoles « english-medium », seuls 2% des enfants parlent couramment le gaélique à leur entrée en sixième, dans les écoles immersives, cette proportion est de 56%, proportion qui monte à 75% quand ces écoles sont sur le territoire Gaeltacht.

Ce communiqué est paru sur François Alfonsi


Vos commentaires :
iffig
Lundi 25 novembre 2024
MAIS l'enseignement en immersion n'est pas du tout suffisant, car il manque l'essentiel, l'existence effective d'une vie sociale qui n'existe plus en Breton depuis 60 ans au moins. Combien d'anciens élèves des filières bilingues y trouvent leur conjoint et fondent des familles. En Bretagne ce chiffre est proche de ZERO....

Penn Kaled
Lundi 25 novembre 2024
La situation irlandaise laisse dubitatif pour un pays indépendant ,à la limite c'est pire que en Bretagne .J'ai eu l'occasion de visiter des exploitations agricole en Irlande en 1995 J'avais de toute bonne foi demandé à un éleveur ayant une exploitation importante s'il parlait le gaélique ,je me suis fait gentiment envoyé promener . Malgré que le pays de Galles est partie intégrante du royaume uni il parvient beaucoup mieux à promouvoir la langue celtique .

KLG
Lundi 25 novembre 2024
@ Penn Kaled,

Même si j'ai bien des explications historiques, en particulier que l'Irlande est devenue indépendante par le biais de circonstances très particulières, et d'une aide extérieure importante (USA, pays qui a adopté l'anglais comme langue communautaire depuis le départ), et par la personnalité d'un dirigeant comme Eamon De Valera, je pense que le sort du gaélique dans l'Irlande indépendante est pour bonne partie lié au régime très centralisé du pays, totalement jacobin serais-je tenté de dire et complétement «centré» sur Dublin.
Regardez le réseau routier du pays (principales routes), c'est éloquent. Il y a Dublin et ses périphéries. Les régions de l'Ouest, le Donegal etc où le gaélique s'est un peu maintenu s'en plaignent énormément...

Or Dublin, c'est la caserne historique anglaise en Irlande à la base. Leur point d'entrée sur l'île, c'est eux qui ont fabriqués cette ville en quelque sorte. Le nom de Dublin en gaélique n'a d'ailleurs rien à voir avec le nom anglais, ce qui n'est pas le cas des autres villes.
C'est une ville qui a été anglaise pendant des siècles. Même pendant les périodes de reflux anglais sur l'île, c'est resté un ilôt anglo-normand. Et elle était anglaise avant même les hautes terres galloises qui lui font directement face ! Il y a d'ailleurs étrangement peu de liens entre la côté ouest galloise et Dublin malgré la géographie.
Une grande partie de l'Irlande de l'Est et du Sud était également propriété anglaise (ou anglo-normande), bien des siècles avant l'Union entre l'Ecosse et l'Angleterre au sein d'un Royaume-Uni.

Je pense que c'est cette dimension républicaine jacobine, centrée sur Dublin «l'anglaise» qui a condamné quelque part le gaélique en Irlande, malgré les efforts et l'héritage de De Valera, dirigeant qui a fait beaucoup pour l'Irlande. Il n'y a pas forcément eu des dirigeants de cette carrure ensuite. Franchement, l'indépendance est intervenue dans des criconstances tout à fait exceptionnelles.
Maintenant relancer le gaélique demande de gros efforts alors que l'Europe est quasi une invention Etats-Unienne...le Brexit n'a pas remis en cause la place de l'anglais à Bruxelles par exemple.


Naon-e-dad
Lundi 25 novembre 2024
Edifiant!
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Liberté, Egalité, Fraternité !
Dieubidigzh, Ingalded, Breudeuriezh !
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L’égalité républicaine, c’est aussi de pouvoir accéder à la connaissance et donc l’enseignement, de la langue autochtone de la région quand cette langue existe (cas du Basque, du Corse, du Breton, de l’Occitan, etc…).
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Est-ce qu’un jour la France deviendra vraiment Républicaine ? Si possible , sans trop tarder. En fait sans attendre : dès maintenant ! Tout de suite…
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Daoust hag e teuio bro-Frañs da vezañ republikan evit gwir, deizh pe zeizh ? Matres a-walc’h, hep re a zale. Hep gortoz. Bremaik ! Diouzhtu …

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