Lettre ouverte au Président du Conseil régional de Bretagne

Lettre ouverte publié le 10/11/19 9:27 dans Langues de Bretagne par Yann-Ber Kemener, Paolig Combot,Yvon Ollivier pour Yann-Ber Kemener, Paolig Combot,Yvon Ollivier

Le Collectif des Artistes, Auteurs, Morlaix, le 6 novembre 2019, de Bretagne

A Monsieur Loïg CHESNAIS-GIRARD Président du Conseil régional de Bretagne

Copie à : Monsieur Jean-Michel LE BOULANGER, Premier Vice-Président, chargé de la culture et de la démocratie, Madame Lena LOUARN, Vice-Présidente, chargée des langues de Bretagne

Madame Kaourintine HULAUD, conseillère régionale en charge du gallo

Monsieur le Président,

Récemment, vous avez été informé de l’Appel des Auteurs et Artistes, des Universitaires, opposés à la francisation des noms de lieux en breton et gallo. La manifestation de Telgruc-sur-Mer qui répond à cet appel, a rassemblé près de 600 personnes. Depuis cet événement, nous recevons des centaines de signatures de particuliers qui s’associent à cette opposition.

Dans ce contexte, vous avez pris l’initiative d’écrire au Président de la Poste afin de lui demander des éclaircissements, ce dont nous vous sommes reconnaissants.

Mais au-delà de ces actions ponctuelles qui ont touché un large public et suscité un émoi médiatique, la question posée par ces auteurs, artistes, universitaires est celle de la politique linguistique du Conseil régional de Bretagne.

En effet, ils s’inquiètent de la situation catastrophique dans laquelle se trouvent aujourd’hui les langues de Bretagne et leur enseignement. A droits et moyens constants et en l’absence de réaction énergique, il en sera bientôt fini de nos espérances de voir sauvegarder nos langues, ce trésor qu’il nous appartient de léguer aux générations futures.

3% seulement de nos enfants sont scolarisés en classe bilingue alors qu’ailleurs la situation est beaucoup plus favorable : 50 % des jeunes Basques du nord reçoivent désormais un enseignement dans leur langue.

Nous ne pouvons accepter cet échec et il est difficile de ne pas y voir un manque de volonté politique.

Combien de générations d’enfants sacrifiées, privées de leur langue, de leur culture et de leur histoire ? En faudra-t-il de nouvelles ?

Il est temps d’élever la politique linguistique au rang de priorité première de l’action publique en Bretagne et de décupler l’effort consenti. Avec moins de 1% du budget de la Région, cette politique demeure secondaire, ce qui n’est plus tolérable.

Nous demandons solennellement au Conseil régional de Bretagne de placer la sauvegarde de nos langues au rang de priorité première :

- de consacrer à la politique linguistique un budget digne d’une principale politique publique.

- de mettre en place un rapport de forces politiques avec les services de l’État afin de former au plus vite, plusieurs centaines d’enseignants dans nos langues, comme cela se fait en Corse, afin d’aboutir à moyen terme à la généralisation de leur enseignement.

Cette action résolue doit passer par la création d’une licence d’enseignement dans chaque université bretonne ainsi que par des aides significatives aux étudiants désireux d’investir ces formations.

L’introduction de l’anglais ou d’une troisième langue, pourra se faire dès la maternelle selon les nouvelles pédagogies. À défaut, le développement de l’enseignement bilingue français/anglais se fera au détriment de nos langues.

La réussite scolaire de nos enfants est également en cause tant il est établi que le bilinguisme précoce est l’une des clés de la construction de l’enfant et du développement de son intelligence. Pour l’instant, ce n’est pas un hasard : c’est à Paris que le bilinguisme éducatif se développe.

Nous sommes à un moment crucial de notre histoire collective bretonne.

C’est un véritable plan Marshall qu’il faut pour nos langues. Ne rien faire ou si peu, tergiverser plus longtemps, nous conduira à l’effacement et à la disparition de notre Histoire et de nos langues, ces piliers de notre existence collective.

C’est une responsabilité historique qui pèse à présent sur les épaules de nos élus du Conseil régional et du Président de la Région Bretagne.

Un échec en la matière, quelles qu’en soient les raisons, ne serait plus tolérable. La survie de nos langues est à ce prix.

Les signataires de la présente lettre vous prient de bien vouloir les recevoir pour un entretien portant sur cette question fondamentale pour notre avenir collectif.

Cette lettre, compte tenu de la situation critique dans laquelle se trouvent nos langues, sera une Lettre ouverte adressée à la presse.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de notre haute considération,

Les Signataires

Philippe ABJEAN, président de la Vallée des Saints - Yannig BARON, fondateur de Dihun - Kristian BRAZ, traducteur - Alain BIENVENU, directeur ESRA Bretagne Rennes (École de cinéma et d'audiovisuel) - Philippe BLANCHET, professeur de sociolinguistique Université Rennes 2, écrivain en langue provençale - Michel BOUVIER, secrétaire général de Bretagne Prospective - Olivier CAILLEBOT, auteur - Anne-Sophie CLOAREC, auteure - Paolig COMBOT, président d'Ar Falz / Skol Vreizh - Michel CHAUVIN auteur, producteur, réalisateur, Président fondateur de Dihunerien - Cédric CHOPLIN, maitre de conférence en breton et celtique, université Rennes 2- Frank DARCEL, musicien, écrivain, producteur, – François DE BEAULIEU, écrivain, ethnologue et naturaliste - DENEZ, auteur, compositeur, chanteur - Gwendal DENEZ, professeur de littérature et langue bretonnes à Rennes2 - Patrice DERIANO, linguiste - Daniel DEVAUX, secrétaire des Assembllées Gallèses - Jean-Claude EMEILLAT, président de l'association «War roudoù ar Gelted» - Jean FAILLER, auteur de romans policiers, historiques, de pièces de théâtre- Gabrielle GARCIA, auteure - Ronan GUÉBLEZ, président de Dastum - Yann GUESDON, auteur - Hervé GRALL, auteur - Patrick HERVE, auteur et dessinateur de presse (DRIG) - Maripol GOURET, Conservateure du Patrimoine, Présidente du KDSK (Centre de Ressources Culturelles Celtiques) Nantes - Glenn GOUTHE, musicien/ilin-pipe, professeur de breton - Bernard HOMMERIE, responsable des éditions Kerig - Angèle JACQ, écrivaine, présidente de Galv, Collectif Breton pour la Démocratie et les Droits de l'Homme - Mike JAMES, musicien - Tieri JAMET, éditeur, Le Temps éditeur - Paol KEINEG, poète, auteur de pièces de théâtre - Tugdual KALVEZ, philosophe, écrivain, professeur de breton - Yann-Bêr KEMENER, auteur en langue bretonne - Lukian KERGOAT, universitaire, écrivain - Per-Vari KERLOC’H, Grand Druide de Bretagne - Nolwenn KORBELL, auteure, compositrice, interprète, actrice - KRISMENN, rappeur, auteur compositeur, interprète - Jean-Luc LACQUITTANT, auteur, conteur - Youenn LANGE, chanteur, musicien - André LAVANANT, ancien président de Diwan - Yves LEBAHY, géographe, ancien président des Géographes de Bretagne- Ronan LE COADIC, professeur de langue et de culture bretonnes université Rennes2- Fañch LE HENAFF, graphiste, créateur de la police Brito - Dominique LE PAGE, professeur d'histoire à l'Université de Dijon - Jean-René LE QUÉAU, rédacteur en chef des éditions Skol Vreizh - Pierre-Yves LE PRIOL, journaliste - Jean-Claude LE RUYET, professeur de breton, auteur - Hervé LOSSEC, écrivain, ouvrages sur la culture bretonne et langue bretonne : les Bretonnismes - Bérénice MANAC'H, auteure - Rozenn MILIN, journaliste, directrice du programme de sauvegarde des langues, Sorosoro- Stefan MOAL, maître de conférences HDR en langue et culture bretonnes, université Rennes 2 - Emmanuel MORUCCI, docteur en sociologie - Pierre MORVAN, président du Festival du Chant de marin, Paimpol - Bèrtran ÔBRÉE, linguiste du gallo et chanteur-parolier gallophone - Yvon OLLIVIER, auteur - Gunevel PEDRON, président de l’Association des Géographes de Bretagne - Fañch PERU, auteur en breton - PLANTEC Yannick, Odran, musiciens, compositeurs - Lucien POUËDRAS, auteur et peintre - Émilie QUINQUIS, musicienne, compositrice - Serj RICHARD, universitaire professeur de breton et de didactique du breton, traducteur- Gaël SQUIBAN, président de Breizh Impacte - Yann TIERSEN, musicien, compositeur.


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