Lettre ouverte à Monsieur le Maire de Locmaria

Lettre ouverte publié le 14/11/19 16:55 dans Patrimoine par MICHELINE LOCKWOOD-DAUMAS pour MICHELINE LOCKWOOD-DAUMAS
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Belle-Ile, Batterie de la Ferrière, état actuel

Monsieur le Maire,

Nous avons lu l’article publié par Ouest-France le 4 novembre dernier. « Quid du sauvetage du front fortifié des Grands-Sables » qui évoque d’entrée « un péril imminent » et « l’urgence d’une solution rapide ». Vous y apparaissez en photo devant la porte du fort de Port-Andro au côté de son propriétaire, Monsieur Grégoire Sentilhes. Un autre article, paru dans le Télégramme du 8 novembre, développe le même argumentaire, accompagné d’une photo extraite du dossier de permis de 2017 (pièces graphiques page 12) que la correspondante du journal a pu se procurer. Ces deux articles reprennent des éléments exposés sur le panneau d’affichage installé aux Grands-Sables.

La nécessité de consolider l’ensemble des éléments fortifiés menaçant ruine, comme vous le soulignez, est incontestable ; on note cependant que le propriétaire d’une partie de ces fortifications évoque essentiellement dans cet article une demande de permis de construire déposée en 2017 concernant uniquement la Batterie de la Ferrière (corps de garde type 1846 situé au milieu des Grands-Sables et classé monument historique), qui lui a été refusée. (Ainsi que celle qu’il avait sollicitée en même temps pour la batterie de Port-Blanc en Sauzon dont il venait d’obtenir le classement monument historique). Les articles des journaux, ainsi que le panneau publicitaire apposé à l’entrée de la plage, sont muets sur la raison du rejet des deux demandes de permis, (sont vaguement évoquées des «raisons environnementales et non patrimoniales »). En vérité une restauration hors toute intention spéculative, était tout à fait possible, ce dans le respect absolu de la loi Littoral et des règlements divers notamment environnementaux.

Mais voilà !

Le projet de « réhabilitation » annoncé consiste, non pas à remettre en état la batterie dans son dernier aspect attesté, sans la galerie qui a été très éphémère selon tous les historiens du site pour des raisons évidentes de sécurité, mais à construire sur la plage, en ignorant certaines dispositions de la loi Littoral, une résidence privée de très grand confort au prix d’un certain nombre d’altérations du monument historique, sans tenir compte des règles de la Charte de Venise, tout en bénéficiant de toutes les aides subventions et exonérations fiscales prévues pour un « monument historique », ce qui amène à douter du sérieux de l’information diffusée quand on lit sur le panneau : « nous avons la chance de ce que ce propriétaire privé, depuis 2018, soit décidé de restaurer à ses frais ( !) le fort de La Ferrière et le bastion qui le défendait contre la mer. » On note qu’il n’est question que de la batterie qu’il désire transformer en résidence, et non des autres fortifications.

Déçu du rejet de ses deux projets de résidences privées, Monsieur Sentilhes se pose en victime de l’application de la loi Littoral qui l’empêcherait de remettre en état ce monument. Déjà dans l’émission de France 3 « Des racines et des ailes » diffusée le 26 septembre 2018, il avait tenté d’émouvoir les téléspectateurs. Certains avaient d’ailleurs parlé de « pleurnicheries » (je cite).

Or la loi Littoral n’interdit pas la restauration stricte d’un monument historique :

Dans les articles récents, le propriétaire est présenté comme un « mécène » « amoureux de Belle- Ile » qui va nous « sauver » « dans l’urgence » d’un « péril imminent », menaçant aussi la route côtière (!) et va, selon votre propre affirmation (art. d’Ouest-France), « remettre l’intégralité du site en état » c’est à dire, si on comprend bien, reconstruire non seulement le corps de garde 1846 mais aussi, bien sûr, la totalité des batteries, redoutes et redans détruits depuis la fin des années 40.... Vaste chantier ! Mais dont le détail ne figurait absolument pas dans le dossier du permis refusé.

L’exemple de Monsieur et Madame Larquetoux semble d’ailleurs bien mal choisi : la Citadelle a été restaurée magnifiquement mais le monument est resté ouvert au public. C’est exactement ce qu’on peut suggérer à Monsieur Sentilhes : une restauration à l’identique du dernier état connu de la Batterie avec ouverture au public et préservation du sentier côtier (Le fort d’Hoedic est un exemple.)

Nous sommes convaincus que, dûment informé, vous ne sauriez approuver une demande qui sous couvert de « sauvetage dans l’urgence d’un péril imminent » consisterait essentiellement à autoriser la construction d’une résidence privée pieds dans l’eau à peu de frais en invoquant une « réhabilitation » (et non une « restauration » - les deux mots recouvrent des réalités différentes) d’un monument historique dans la bande littorale des cent mètres. Le respect de la loi Littoral restant une exigence absolue.

Par ailleurs, nous sommes également convaincus que, dans le souci d’assurer la sécurité de tous les usagers de la plage, et comme vous êtes fondé à le faire, vous ne manquerez pas d’exiger du/des propriétaire(s) que soit réalisé dans les meilleurs délais, avec les aides financières prévues pour la préservation du patrimoine, l’entretien normal des fortifications, sans aucune contrepartie.

Enfin, nous considérons que de tels projets aboutissent à une confiscation de l’espace au profit d’un seul et sont ressentis par les citoyens comme une atteinte à leur liberté.

Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’assurance de notre considération distinguée.


Vos commentaires :
Patrick Jonveaux
Lundi 23 décembre 2024
Vice-président société historique de BI
Deux remarques
je suis à votre disposition comme déjà à celle de mon cousin Jean Daumas qui me consulta voici deux ans à ce propos;
dans quel document trouvez-vous: " «exposition aux coups de l’ennemi » par curiosité historique?

Micheline Daumas
Lundi 23 décembre 2024
Cher cousin
Cette expression est extraite de l'article publié sur ce site le 6 octobre 2018 sous le titre «De l'art de construire une luxueuse villa pieds dans l'eau sous couvert de »réhabilitation« d'un monument historique» et rédigé par Patrick Jadé président de l'association 1846, cosigné par les ACR et l'UBED. Elle a été réutilisée dans un article publié dans le bulletin des ACR - dont le texte se trouve en PJ.

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