Les mâchefers de Gouesnou. Lettre ouverte au président de la République

Lettre ouverte publié le 9/08/08 4:32 dans Environnement par Fourrier David pour Fourrier David
https://abp.bzh/thumbs/11/11755/10194_5.jpg
Plateforme de maturation en France.
https://abp.bzh/thumbs/11/11755/10194_2.jpg
Sur le site web de l'EPKG un gisement de mâchefers.

Le 28 juin dernier, monsieur Jean-François Jubert, président de l'association EPKB : Environnement Penhoat Kerbrat Gouesnou a écrit une lettre ouverte aux hautes instances de l'État : au président de la République, au ministre de l'Écologie, du Développement, à la secrétaire d'État à l'Écologie et à la ministre de la Santé faisant état des très nombreuses questions que se pose la population sur le projet de réalisation d'une plate-forme de maturation et de stockage à l'air libre des résidus d'ordures ménagères.

Cette lettre est sans réponse à la date du 5 août 2008.


Association EPKG
Mairie de Plabennec
1, rue Pierre Jestin
29860 Plabennec


À Monsieur le président de la République,
Palais de l'Élysée
75008 Paris

Recommandé avec AR N° 1A 017 938 7142 6
Objet : plate-forme de maturation de mâchefers
Réf. : Loi constitutionnelle N°2005-205 du 1er mars 2005
Décret : 2002-1187 du 12 septembre 2002.


À Plabennec, le 28 juin 2008,


Monsieur le Président,

Je me permets de porter à votre connaissance le fait que le Préfet du Finistère vient de signer, en date du 18 juin 2008, un arrêté d'exploitation d'une plate-forme de maturation de produits résiduels de combustion d'ordures ménagères avec une capacité de traitement de 40.000 tonnes par an.

Notre association, qui aurait dû voir le jour en 2003, si les élus porteurs du projet avaient respecté les obligations de la convention d'Aarhus, ratifiée par la France en 2002, n'a été constituée qu'en 2006, après que l'information de cette implantation soit apparue dans la presse.

Le déroulement des différentes phases de ce dossier ne manque pas de susciter de nombreuses interrogations.

Le choix du terrain, à Plabennec, mais à proximité immédiate d'une autre commune (Gouesnou) n'a été soumis à aucun des deux conseils municipaux. Il semble que le maire de Plabennec ait conclu un accord avec les responsables du pays de Brest.

Par le biais d'un argumentaire particulièrement habile, les exposés faits à partir de l'automne 2006 à la population s'articulaient autour de deux projets, étant précisé que le plus favorable serait retenu. Outre celui qui nous préoccupe, il y avait la possibilité de placer cette plate-forme directement à la sortie des fours d'incinération à l'usine de Brest.

Les deux projets étaient dessinés précisément, et évalués financièrement et par cotation. Finalement, il a été reconnu publiquement et à plusieurs reprises, que les deux projets étaient équivalents. Nous pensons donc qu'il aurait été judicieux de ne pas inclure dans les coûts futurs l'incidence permanente du transport routier de ces matières dangereuses entre les villes de Brest et Plabennec en passant par Gouesnou.

Malgré cela, les élus du Pays de Brest ont décidé que la plate-forme se situerait à Plabennec. Il devenait alors évident que ce projet faisait l'objet d'une décision purement politique et que les diaporamas de présentation de deux sites n'avaient été conçus, de façon habile, que dans l'intention de laisser planer l'espoir que nous pourrions être entendus.

Ce choix a été effectué alors même que le maire de Plabennec ignorait ce qu'il en était d'une telle installation extrêmement pénalisante pour l'environnement, et c'est sur ma proposition qu'un transport a été effectué à Caen sur une plate-forme similaire. Cette visite, qui aurait du ouvrir les yeux de certains décideurs, n'a eu aucun impact.

Cependant, les élus de Plabennec n'étaient pas favorables à un tel choix puisque, lors d'une séance privée, les élus de la majorité ont été partagés par moitiés, lors d'un vote à bulletin secret, ce qui nous laissait présager d'un refus lors du vote officiel, avec l'appui des élus de l'opposition.

Il n'en a rien été puisque les élus de la majorité ont changé d'avis en une semaine (sauf une personne) et le conseil municipal de Plabennec a émis un vote favorable.

L'argumentation était claire, il y aurait enquête publique, réunion du CODERST et avis du Préfet, donc Plabennec pouvait ratifier.

Cependant, l'enquête publique, qui aurait dû se pencher sur une liste de 24 questions précises (remises par EPKG) n'a que très partiellement répondu à celles-ci, et de plus, paradoxalement, la solution alternative proposée dans ce dossier n'était pas évoquée ! Il n'apparaît pas d'explications sur le rejet de cette proposition qui allait dans l'esprit du bon sens.

Le commissaire enquêteur, du reste, apporte des éléments favorables à nos thèses en indiquant la dangerosité des produits, mais a cependant émis un avis favorable.

La phase suivante était le CODERST ; nous avions sollicité du Préfet, dans l'hypothèse où les porteurs du projet seraient présents, l'autorisation d'y assister, de façon à respecter ainsi le principe du « contradictoire ». Le Préfet nous a répondu en nous disant que cette commission était constituée de spécialistes de l'environnement qui étaient à même de prendre une juste décision. Or, nous connaissions l'argumentaire de l'industriel Eurovia qui est à l'origine du projet et nous savions qu'il serait répondu aux interrogations que tout était conforme à la réglementation et qu'un suivi serait effectué avec création d'une CLIS.

Sachant alors que le Préfet devenait le seul personnage à décider de l'avenir de ce projet, nous lui avons adressé un mémoire des questions restées sans réponses et avons sollicité une audience. Cette demande a été appuyée, à deux reprises, par les maires de Plabennec et de Gouesnou.

Les Maires des deux communes ont été reçus.
Nous n'avons pas été reçus et le Préfet a signé l'arrêté d'exploitation.
Nous pensons vivre, au travers de ces faits, un véritable dysfonctionnement des institutions de la République.
Aussi, nous sollicitons votre intervention pour que cet arrêté soit suspendu dans l'attente d'un complément d'instruction.

Tout d'abord, nous avons le droit d'être entendus par la personne qui est l'ultime décideur. Ensuite, vous n'êtes pas sans savoir qu'une réunion vient d'avoir lieu dans le suivi du Grenelle de l'Environnement, sur ce problème de traitement des mâchefers, et que monsieur Jean-Louis Borloo lui-même, a écrit qu'une nouvelle réglementation allait rapidement voir le jour.

Ce recadrage réglementaire apparaît d'autant plus nécessaire que la circulaire sur laquelle s'appuie le projet n'est plus adossée à un décret et que l'on peut émettre des doutes sur sa validité. Des juristes se sont penchés sur cette question. Cette circulaire est par ailleurs très ancienne.
Comment envisager de se lancer dans un investissement de 6,5 millions d'euros à la veille de la parution de nouvelles normes ?

D'autre part, nous avons dit à plusieurs reprises notre opposition à ce projet qui comporte des risques pour la santé publique et l'environnement mais nous n'avons jamais été entendus et encore moins écoutés.

Faut-il qu'il y ait un nouveau scandale pour qu'enfin on entende notre voix ?

Régulièrement, par les médias et la presse, de nouvelles informations nous parviennent au sujet des dangers que peuvent entraîner, pour la santé, la dispersion de ces produits dans l'environnement.

Le sujet nous semble suffisamment préoccupant pour justifier que nous réitérions auprès de vous les questions restées sans réponses.

  • Pourquoi ce projet, qui n'a pas une incidence financière tellement importante, échappe-t-il au secteur public pour se retrouver entre les mains d'une société de droit privé (ce qui permet de sortir du cadre de la réglementation sur les marchés publics), alors que son fonctionnement est basé sur un impôt local, et alors que dans un département voisin, il n'a pas été fait appel à des capitaux privés ?

  • Pourquoi les élus des communes concernées n'ont-ils pas été sollicités en conseil municipal avant que le terrain ne soit proposé pour cette implantation ?

  • Pourquoi n'avons-nous pu obtenir les analyses des mâchefers issus de l'incinérateur de Brest, qui vont être laissés en tas à l'air libre au gré des vents et des précipitations pendant plusieurs mois en attente de « maturation » ?

  • Pourquoi, la plate-forme des Côtes-d'Armor a-t-elle été placée dans un bâtiment à la demande de la DRIRE, alors que près de chez nous, c'est une plate-forme à l'air libre ?

  • Pourquoi aucune étude n'a-t-elle été effectuée sur l'envol potentiel de particules dangereuses dans l'atmosphère ?

  • Pourquoi l'autorisation est-elle donnée à 40.000 tonnes alors que la production de Brest est inférieure à 30.000 ?

  • Pourquoi s'obstine-t-on à enfouir sur d'immenses surfaces, des produits dont il nous a été déclaré en séance publique, par un ingénieur de l'Équipement, que la stabilité de la maturation ne pouvait être garantie sur des sols même légèrement acides, ce qui entraînerait une libération de toutes les particules dangereuses, métaux lourds, dioxines dans les sols et eaux souterraines ?

  • Pourquoi nous a-t-on promis que les installations ne seraient pas visibles de l'extérieur du site alors que le permis de construire montre qu'elles ne seront masquées que vers le sud ?

  • Pourquoi, sur le sujet des odeurs reconnues dans le dossier d'enquête publique et qui proviennent de la décomposition de matières imbrûlées, n'évoque-t-on que l'absence de risque pour la santé et non la gène pure et simple ?

  • Pourquoi considère-t-on qu'un recul de 200 mètres est obligatoire par rapport aux habitations, alors que l'on a l'intention d'implanter à proximité des entreprises dans lesquelles des personnes vivront en permanence ?

    Voila donc, ce que nous voulions évoquer, entre autres questions, devant Monsieur le Préfet avant qu'il ne prenne sa décision.


    Tout, dans cette affaire démontre qu'une décision politique doit être menée jusqu'à la réalisation et que l'on fait fi du contradictoire, de la convention d'Aarhus, et de tout respect de centaines de familles qui se sont manifestées en donnant leurs noms et adresses lors de l'enquête publique.

    Nous ne pouvions qu'en référer à celui qui est, pour nous, le garant du bon fonctionnement de nos institutions, le Chef de l'État.

    Nous sommes prêts, si vous le jugez utile, à participer à une séance de travail avec les autorités concernées.

    Enfin, nous entendons faire connaître notre position, à ce stade du dossier, par voie de presse.

    Nous vous remercions vivement de l'attention que vous-même et vos collaborateurs auront bien voulu accorder à la lecture de cette lettre et vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de notre plus profond respect.


    Jean-François Jubert
    Président de l'association Kerbrat-Gouesnou
    29860 Plabennec


    Copie de ce courrier est adressée en recommandé avec AR à :
    Monsieur le ministre de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement Durables ;
    Madame la secrétaire d'État à l'Écologie, au Développement et à l'Aménagement Durables ;
    Madame la ministre de la Santé.

    (voir le site) de l'association EPKG.

    -----------------------------------------------------------------

    Addendum : Voici le courrier que nous avons reçu du Chef de Cabinet du Président de la République en réponse à notre Lettre ouverte du 28 juin au Président de la République.

    Ce courrier est daté du 15 juillet, mais nous l'avons reçu bien plus tard. Notre courrier arrive à la Mairie de Plabennec et c'était la période des vacances.

    Notre lettre aurait été transmise au ministre de l'Écologie, monsieur Borloo. Nous n'avons pas eu de nouvelles. Nous ne manquerons pas de tenir les lecteurs d'ABP informés.

    Ci-dessous en PDF.


  • Vos commentaires :

    Anti-spam : Combien font 5 multiplié par 9 ?