Par le Collectif des Géographes de Bretagne sous la direction de Yves Lebahy et de Gael Briand, (160 p.) – Skol Vreizh
Nous vivons dans un pays où seul un tiers du corps électoral est représenté au Parlement et où le parti majoritaire représente moins de 20 % des électeurs inscrits, comme d'ailleurs le pouvoir exécutif.
C'est ce Parlement, une moquerie de la démocratie représentative, qui le 17 décembre 2014 à une semaine des Fêtes de fin d'Année a voté dans la précipitation, une loi qui impose aux peuples de ce pays un découpage administratif régional qui défie le bon sens.
Faut-il souligner que sur les 577 députés seuls 162 ont participé au vote, avec 95 voix pour, 56 contre et 11 abstentions, voilà comment s'est décidé l'avenir de 64 millions de Français pour des décennies !
Clairement cette loi est dirigée contre les territoires ayant une forte légitimité géographique, historique et culturelle, doublée d'une grande pertinence s'agissant de l'aménagement du territoire et du développement économique, spécialement visée, l'Alsace incluse dans un amas informe de 9 départements où Reims est à 300 Km de Strasbourg et Charleville-Mézières à 250 Km de Langres !
Et aussi la Bretagne, elle, depuis toujours objet de la peur ou de la haine du pouvoir central, reste mutilée comme elle l'est depuis juin 1941, par la décision du régime de Vichy. Cette « Bretagne » réduite à quatre départements, fait fi de la grande idée du pouvoir, les « grandes régions à taille européenne ! » Pour souligner le mépris du pouvoir pour le peuple toutes les manifestations organisées par le peuple breton contre le charcutage vichyste depuis des décennies et en particulier en 2014 n'ont suscité que l'indifférence du pouvoir, quant aux élus des cinq départements bretons ils ont dans leur grande majo- rité suivi la « ligne générale » comme le disait Lénine, celle de leur parti.
C'est pourquoi l'ouvrage ici présenté est la réponse démocratique de patriotes bretons au coup de force d'un pouvoir à la douteuse légitimité démocratique, il faut donc le lire d'urgence.
Car sont présentés dans ses cent-soixante pages tous les arguments qui légitiment et justifient depuis des décennies la réunification administrative de notre Bro Gozh.
Evidemment, la première question posée par les auteurs est celle-ci, « Ne serait-ce pas plutôt à la société de revendiquer les découpages en fonction de ses intérêts économiques, sociaux et culturels, de ses espaces vécus, de ses sentiments d'appartenance, de ses aspirations et de ses projets ?»
Tous les éléments actuels du débat sont clairement présentés, avec une réflexion sur la notion de frontière, qui est évidemment discutable s'agissant de limites administratives, sur l'état-nation, dont « la philosophie politique est de fondre des peuples divers dans un moule commun. », sur le département et sa ridicule définition équine.
Evidemment c'est l'approche géopolitique du territoire breton par Yves Lebahy qui doit retenir toute l'attention du lecteur, car elle replace la péninsule armoricaine dans le contexte européen, géographique, historique, économique et culturel. L'étude de Mikael Bodloré-Penlaez sur la réforme territoriale et l'exception bretonne souligne la faiblesse de la pensée des responsables politiques dans ce domaine qui les a amenés à imposer au peuple, ce qu'il faut bien appeler un « charcutage administratif » encore plus inepte que celui qui fut décrit par un grand géographe comme « une ineptie administrative ubuesque » s'agissant de la région dite des pays de la Loire, une région maintenue en l'état alors que ses seuls « défenseurs » sont ceux qui vivent de ses prébendes, ses élus et ses fonctionnaires.
Et la question de fond est posée, « Dans peu de pays démocratiques la reconfiguration des régions revient au seul exécutif sans consultation du peuple. », ce n'est bien entendu le cas dans aucun pays vraiment démocratique, ce que n'est pas ce triste pays.
Pour souligner le caractère antidémocratique de ce projet il faut y ajouter ce « droit d'option » qui fait dépendre un choix populaire majoritaire de l'accord d'une majorité des trois cinquièmes du conseil départemental concerné ce qui est légitime, mais aussi des deux conseils régionaux impliqués et il est clair que dans le cas de la Loire-Atlantique, le conseil régional de la région dite des pays de la Loire n'acceptera jamais de se séparer du département qui est la seule justification de son existence, empêcher la réunification administrative de la Bretagne.
Il faut noter aussi la remarquable étude de Loeiz Laurent qui pose la question « Démembrement ou dilution de la Bretagne ? » et sa conclusion est lourde de menaces potentielles, la Bretagne se diluera-t-elle dans un hypothétique Grand Ouest ou restera-t-elle amputées ?
Les chapitres consacrés aux enjeux sont évidemment d'une grande importance car ils soulignent bien
les intérêts rivaux qui s'affrontent entre le pouvoir central et les régions, car « réunifier c'est décentraliser », ce dernier mot étant inacceptable pour les oreilles des hauts-fonctionnaires parisiens. Dans cette optique, il est évident qu'une Bretagne réunifiée et puissante a été hier et serait demain perçue par le pouvoir politico-administratif comme une menace pour l'unité et l'indivisibilité de sa « république ».
Et pourtant tous les arguments en faveur de la réunification administrative de la Bretagne sont rassemblés et explicités par Yves Lebahy qui souligne spécifiquement les problèmes sociaux liés à cette partition antiéconomique et en définitive antisociale.
La valeur d'un tel ouvrage c'est aussi et bien entendu le « projet » qu'il présente à ses lecteurs. Il est évidemment impossible de résumer toutes les idées à la fois intéressantes et pertinentes dont, pour certaines la mise en ½uvre irait au delà des limites de la seule Bretagne, ainsi pour « le projet original de société » que présente Yves Lebahy, ou « le rayonnement international » qu'évoque Jean Ollivro.
Mais il ne faut pas oublier que la « grande idée » du quinquennat de monsieur Hollande aura été la « métropolisation », deux chapitres lui sont consacrés, qui soulignent bien le risque de cette métropolisation mal pensée qui « tuerait la spécificité bretonne », aurait des conséquences, économiques, sociales et démographiques désastreuses et irait à l'encontre de l'urbanisation en réseau proposée par le CELIB dans sont livre Blanc de 1970 et considérée alors comme l'un des atouts de la Bretagne.
La conclusion reprend bien entendu tous les points importants évoqués dans l'ouvrage et pose la question de la démocratie : « Oui, la réunification est une nécessité pour que vive la Bretagne. C'est un droit fondamental, inscrit dans la constitution, que les citoyens doivent pouvoir exercer démocratique- ment ». Il est évident que si cela n'était pas le cas il serait du devoir de tous les citoyens de se lever pour défendre une démocratie ainsi foulée aux pieds par le pouvoir parisien.
Jean Cévaër
■Si les Nantais veulent faire cavalier seul, qu'ils le fassent. Ne venez alors pas vous plaindre dans quelques années d'une décision hâtive, prise à la légère. Cela demande plus de réflexion, sur du long terme, avec des hommes et des femmes du cru, posés, intègres, ce qui n'est pas la tasse de thé des intérimaires du spectacle politique minable qui se joue actuellement . Demain ils ne seront plus là, vous, vous resterez seuls avec vos remords, ou fiers d'avoir renié votre mère patrie...