Quand Jean Kergrist était petit, il voulait mettre un nez de clown à tous les hommes politiques qui passaient à la télé. Il leur plaquait, sur l'écran du poste, un rond rouge.
Quelques dizaines d'années ont passé, le clown est devenu atomique, médecin-chef, chomdu, il a passé en revue les militaires, les fonctionnaires, la bêtise humaine. Il s'est mis à écrire des histoires («Grand bal à Saint Lubin, La gavotte du cochon ...»), il a fait visiter la tranchée du Canal de Nantes à Brest à Glomel, le bagne, il a mis un nez de cochon pour aller jouer à Avignon des histoires de son enfance à Kergrist-Moelou, lieu mythique où le jeune Jean Hamon avait changé de nom.
Il milite depuis longtemps pour les talus et les rivières, il vient à tous les événements qui marquent l'histoire de la Bretagne, depuis Plogoff à la défense de l'hôpital de Carhaix, où déguisé en infirmière, il vient aguicher les CRS sur les quais de l'Odet pour se reconvertir car il va perdre son emploi ...
Il se transforme en Secrétaire d'Étable, en singeant les hommes politiques, en notant précisément leurs paroles, pour les mélanger à des faits divers, des histoires anodines... En apparence seulement.
Il déclenche le rire, le sourire, il est notre fou du roi breton, le porte-parole des sans-papiers, des cochons en batterie, des volailles enfermées, il est le poète-paysan, la fleur au fusil, et les dents bien acérées ...
Les fous du roi se font rares. À France-Inter, Stéphane Guillon et Didier Porte ont été renvoyés tous deux le 23 juin 2010, lors de la «liquidation totale des humoristes», Manuel Pratt les a suivis le 2 septembre 2010. Le rire est en danger. Il est souvent pourtant le dernier rempart contre la dictature, la dernière chance de ceux qui n'ont pas la parole. Le clown est nécessaire, surtout en temps de crise.
■Le clown est nécessaire dites-vous ? Je dirais même plus (et je ne m'appelle ni Dupond, ni Dupont !) le clown est indispensable. Le nôtre, outre faire rire, sait taper en douce par en dessous, là où ça fait mal, mal aux hommes, à la nature... Bravo à lui.