Le nouveau CD de Brieg Guerveno « 'Vel ma vin » :

Chronique publié le 19/02/20 9:51 dans Culture par Gérard Simon pour Gérard Simon
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Jaquette du CD de Brieg GUERVENO "'Vel ma vin"
Brieg GUERVENO "Vel pa vefemp" - Extrait de 00:57. CD de Brieg GUERVENO

En marge des traditionnelles sonorités bretonnes ou celtiques ou des rythmes à danser que l’on retrouve, couramment, dans le répertoire des groupes de rock celtique ou de leurs ex-voix lead évoluant, à présent, en solo, Culture et celtie, l’e-MAGazine est, régulièrement, très heureux de vous proposer, sur ces pages en ligne, avec identique plaisir de découverte partagée, d’autres paysages mélodiques de fort belle et fine facture qui font, eux aussi, intégrante partie de l’évolution de la culture musicale actuelle, « made in Breizh » !

Surtout, lorsque la publication discographique présentée est, comme depuis toujours, pour cet artiste, entièrement, chantée en langue bretonne, ô combien représentatif élément identitaire, s’il en est !

« Hep Brezhoneg, hep Brezhoneg,

Hep Brezhoneg, Breizh ebet ! »

« Sans langue bretonne, sans langue bretonne,

Sans langue bretonne, il n'y a pas de Bretagne ! »

chantait, dès 1973, Alan STIVELL dans son légendaire « Brezhoneg' raok », figurant sur l’album du harper hero breton, « Chemins de terre ».

De surcroît, la langue usitée n’apparaît pas, ici, comme vecteur de quelconque militantisme, mais, tout simplement et naturellement, comme une expression textuelle et vocale logique, puisqu’il s’agit de la 2ème langue maternelle de ce brillant musicien et chanteur briochin, aujourd’hui, ancré à quelques encablures du sud-ouest de Rennes, en Pays de Brocéliande.

Ne précise-t-il pas, dans l’une de ses interviews ? : « Le breton étant une langue minorée, la pratiquer c’est déjà militer, sans avoir besoin de le dire ».

Ami visiteur et lecteur, rassurez-vous, nous sommes bien, de plain pied, en Bretagne et croyez-nous, cette fresque musicale de très haute conception pourrait, encore mieux, se savourer lors d’un méditatif cheminement le long du Cap Sizun ou sur la pointe du Raz, en contemplant la mer d’Iroise, ou en arpentant les sentiers de traverse du Centre Bretagne.

De très esthétiques, sombres, mélancoliques ballades qui sonnent, un peu comme des gwerzioù, ces tristes chansons poétiques qui mystifient le répertoire de la chanson traditionnelle bretonne, vous attendent, parées de cette granitique langue bretonne qui sait, aussi, grâce à l’expression nuancée d’un subtil chanteur, dévoiler ses rondeurs de dunes, de landes et d’argoat feuillu.

Ecrit, composé, chanté, joué par Brieg Guerveno « 'Vel ma vin » (Comme je serai), est le 4ème album d’un musicien qui, semblant avoir fait le tour de la fureur du métal, des effluves du rock 70’s ou du rock progressif, antérieurement, pratiqués au sein d’un groupe, styles desquels il reste, malgré tout, toujours imprégné, recherche, en solo, depuis quelques années, un nouveau visage, un nouveau virage durable, pas un détour, plus ambient folk, plus contemplatif, dépouillé, surtout plus profond, plus intimiste, voire introspectif.

Pour cet opus, le format choisi par l’artiste est court : 34 minutes 55, 8 titres, dans la tradition des disques folk vinyl que Brieg affectionne avec une parution, certes, en fichiers numériques, en Compact Disc, mais aussi, en LP 33 tours. Ainsi, vous le constatez, l’image physique et sonore référente des années 70, est préservée.

A l’exception de la deuxième plage, titrée « An Treizh », musicalement cosignée avec Yann LIGNER et Guillaume BERNARD du groupe KLONE qui sont, à l’issue d’un concert parisien où Brieg assurait, en solo, sa première partie, les convaincus incitateurs au projet personnel du chanteur et guitariste breton, toutes les mélodies sont créées par ce talentueux auteur compositeur interprète.

La jaquette précise : tous les morceaux ont été écrits, arrangés et produits par Brieg Brendan GUERVENO, sauf les paroles de « Em digenvez », écrites par Anjela DUVAL et les vers de la chanson « Tra ma vo », écrits par Nolwenn KORBELL.

En effet, Nolwenn KORBELL, autre naturelle locutrice convaincue et convaincante de la langue bretonne intervient, vocalement, précisément sur ce 6ème titre, susnommé et sur l’atmosphérique « Ur wech adarre » qui lui fait suite.

Juste et divin retour des choses, puisque Brieg avait participé à l’album « Avel Azul » du Nolwenn KORBELL’s Band, opus collectif, de la remarquable chanteuse douarneniste (Notre chronique) , en renforçant les chœurs pour « Boud Dieub » et « Luskell », 9ème plage du disque, où il assurait, également, le tonique et final solo de guitare.

Souhaitant maintenir au minimum les arrangements, Brieg a limité ses compositions à l’emploi de guitares acoustique et électrique, d’un violoncelle, d’un piano et de claviers qu’ils soient orgue ou mellotron.

C’est ainsi que l’on retrouve, autour du chanteur qui est lui-même aux guitares folk et électrique, aux claviers et tambourin :

- Bahia EL BACHA, au violoncelle et voix

- Joachim BLANCHET, aux claviers et tambourin (Plages 2,3,4,6,7,8).

- Stéphane KERIHUEL, à la guitare électrique (Plages 1,4,7,8).

- Guillaume BERNARD, à la guitare électrique (Plage 2).

- Yann LIGNER, aux secondes voix (plage 2).

Coproducteur du disque, Joachim BLANCHET a, par ailleurs, au studio de Trébrivan (22) « Ty an Park studio » (Voir site) , enregistré et mixé, avec acuité et belle mise en place, toutes les pièces qui constituent l’opus. Le mastering a été réalisé par Sébastien LORHO au Near Deaf Experience Studio (Voir site) .

Fidèles et attentifs lecteurs de nos chroniques en ligne, vous pouvez constater, qu’au travers de tous ces noms, précédemment énoncés qu’il ne faut jamais oublier, lorsqu’une production, comme celle-ci, est peaufinée, artistiquement et techniquement aboutie, que nous sommes, avec ces musiciens, en pays… armoricain… de connaissance.

Présentant une belle et confortable homogénéité, allant du sombre au rayonnant, qui pérennise, parfaitement, tout au long du programme, une ambiance onirique, atmosphérique, éthérée, on ne peut, toutefois, évoquer la structure d’un album concept, ni dans la façon, pour Brieg, d’édifier ses pièces musicales, ni dans leur contenu.

De « 'Vel pa Vefemp », à « Em Digenvez » en passant par l’instrumental « Litoriennig », chaque poétique pièce a son propos, son univers, son atmosphère spécifique.

« 'Vel pa Vefemp » (Comme si), avec une belle nappe introductive de programmation, rejointe par les classiques et concertantes notes du piano sur lesquelles viennent se poser la voix nuancée de Brieg, le disque s’ouvre sur cette très prenante mélodie qui semble avoir pour rôle immédiat de dépeindre l’univers aérien dans lequel on va, langoureusement, se suspendre…

Sur le jeu des guitares de Brieg et Stéphane KERIHUEL, l’enjôleur violoncelle de Bahia EL BACHA, vient, délicieusement, accentuer cette mélancolique apesanteur où flottent encore des rêves.

« Ha miret t'eus ganit hon hunvreoù strewet ?

An tan en oabl hon eus livet

Ha dalc'het t'eus ennout ar gerioù eskemmet ?

An eñvorennoù dilaosket »

Ha miret t'eus ganit hon hunvreoù strewet ?

An tan en oabl hon eus livet,

Ha dalc'het t'eus ennout ar gerioù eskemmet ?

An eñvorennoù dilaosket,

'Vel pa vefemp o c'hedal hon nozioù glan,

'Vel pa vefemp o talañ skleurenn an deiz,

'Vel pa vefemp oc'h heuliañ lufr ar stered,

'Vel pa vefemp o vont ‘darre gant an hent,

« Avez-vous gardé à l'esprit les rêves que nous avons dispersés ?

Nous avons peint un feu dans le ciel.

Avez-vous gardé à l'esprit les mots que nous avons échangés ?

Les souvenirs laissés derrière.

Nos sentiers cassés ont disparu,

Le flux du temps a brûlé,

L'horizon de nos rêves perdus a disparu,

La mousse emportée.

Comme si nous attendions nos nuits si pures

Comme si nous nous accrochions à la lumière du jour

Comme si nous suivions le scintillement des étoiles

Comme si nous avancions le long de la route ».

Musicalement, la voix de Brieg aidant à ce possible rapprochement, on peut retrouver les spires mélodiques des Moody Blues, qui s’échappent, notamment de leur album symphonique « The days of future past »

Dès ce premier titre, l’auditeur est, irrésistiblement, séduit, capté, enrôlé.

Le deuxième titre « An Treizh » (Le transit) est presque, par exception, dans l’habituel propos de Brieg GUERVENO, plus engagé sur l’un des sujets de société puisqu’il parle du traitement des migrants.

Sur ce titre Guillaume BERNARD joint sa guitare à celle de Brieg, Yann LIGNER, chanteur de KLONE, sa voix... en breton, s’il vous plait ? A nos yeux, plutôt à nos oreilles, il y a, dans ce morceau, du « Wish you were here », de Pink Floyd.

Dans le registre des sujets de société, plus précisément, en ce qui concerne la maltraitance de la planète et la question environnementale, Brieg GUERVENO aborde, également, à la manière d’une « protest-song », l’aspect écologique avec, en plage 4, « Petra zo bet » (Que s’est-il passé ?).

Le texte pose la question de ce qui a bien pu se passer pour que nous saccagions, à ce point notre environnement naturel…

Le jeu de guitare électrique de Stéphane KERIHUEL accentue cette interpellation appuyée, face à notre passivité. La rythmique et la mélodie fusionnent admirablement, faisant de cette pièce le morceau le plus tonique de l’album.

Si nous sommes, dans notre propos, passés de la piste 2 à 4, ce n’est que par souci thématique.

Nous n’avons pas oublié la beauté du 3ème titre, « Ar Sekred » (Le secret), peut-être le plus « celtique », avec la voix mystique de Brieg qui ondule sur la ligne profonde du violoncelle et la guitare du chanteur qui peut évoquer une harpe du même nom, alors que des spires venteuses émanant des claviers, concluent cette évocation quasi-mystique.

« Serr da zaoulagad,

ha klev son hor bed,

An amzer a red.

Heklev hor peurbad. »

« Ferme tes yeux

Et écoute notre monde,

Au fil du temps.

Faisant écho à l'éternité ».

Un trop court, mais sublime instrumental, « Littoriennig », aux sonorités teintées de baroque vous attend, à mi-parcours du programme, en piste 5. Quel suave échange entre guitare et violoncelle qui transpercent le sombre pour atteindre la lumière, comme un soleil qui se lève sur l’horizon d’un océan alourdi d’une chape de lourds nuages. Ma-gni-fique !

L’espoir semble renaître et marquer une seconde partie du disque plus sereine, plus apaisée…

« Tra ma vo », le poétique texte de Nolwenn KORBELL, semble abonder en ce sens.

« Tra ma vo deus ma zreid o vont barzh ar mor, an traezh,

E vo deus ar bugel oc'h evañ e vamm laezh.

Atav 'mañ an delwenn gant he mantell aour.

Atav ra ar riblenn ur vantell d'ar re baour.

'Oaran ket pelec'h mañ ar fin hag ar pezh a chomo diouzhin met goud mat a ran adc’hano ar vuhez warlec'h an tan. »

« Tant que mes pieds me portent vers la mer, le rivage,

Il y aura un enfant qui boit son lait maternel

Une idole drapée d'or

La frontière comme une cape protégeant les pauvres

Je ne sais pas où ça finit et ce qui restera mais je sais que la vie chantera à nouveau une fois le feu éteint. »

La belle voix, bien reconnaissable de Nolwenn répond, puis fusionne, merveilleusement, avec celle de Brieg sur un crescendo de déchirements électriques et des effets sur les voix qui terminent la pièce, en apothéose.

Echappant à l’ambient folk qui imprègne la majeure partie des titres de l’opus, un très ensorcelant éthéré et quasi-symphonique titre, « Ur wech adarre » (Encore une fois), vous attend en piste 7.

Pour ce moment majeur, Brieg GUERVENO, Bahia EL BACHA, Joachim BLANCHET, Stéphane KERIHUEL, Nolwenn KORBELL unissent leurs talents pour nous offrir un véritable « Pagan Te Deum ».

Ah que c’est beau, que c’est grand, que c’est ample !

N’hésitez pas à fortifier le volume de votre installation sonore, la qualité d’enregistrement, de mixage et de mastering du disque, l’autorisent, largement, cette action vous permettra d’apprécier toutes les strates instrumentales et vocales qui convergent et fusionnent pour un moment émotionnel d’exception.

« Ur wech adarre » aurait pu être le morceau final de ce très riche et captivant opus.

Brieg GUERVENO en a décidé, autrement, en nous proposant, presque comme un rappel, à la fin d’un concert, un texte de la célèbre poétesse bretonne, native, à l’époque, des Côtes du Nord, devenues en 1990, Côtes d’Armor, Anjela DUVAL et mis en musique par le chanteur et guitariste.

Plus dépouillé, retrouvant le style folk avec voix, guitares et claviers « Em digenvez » est donc, en quelque sorte, l’épilogue poétique à cet émotionnel voyage.

…/..

« Da c’hortoz Heol ar Beure

Heol ar Frankiz

Peurbadel. »

…/…

« En attendant le soleil du matin

Le soleil de la liberté

Pour toujours. »

Nous vous conseillons, plus que vivement, ce magnifique album qui, peaufiné par l’artiste, durant deux hivers, vous offre un véritable plan séquence au travers de paysages sonores mélancoliques, méditatifs, mystiques, souvent sombres, mais éclairés par des interventions de guitares d’une remarquable beauté et délicatesse, qu’elles soient acoustiques ou électriques.

L’album sonne, très largement folk, ambient folk, sur des bases conceptuelles acoustiques, splendidement habillées d’électrique, issu de l’univers « prog », qu’il s’agisse des subtiles lignes de premier ou second plan sonore, signées de Stéphane KERIHUEL ou des nappes et des effets issus des claviers de Joachim BLANCHET et de Brieg.

N’oublions, surtout pas les sensuelles effluves classiques qui, sous l’archet du violoncelle de Bahia EL BACHA, enrobent, à merveille, la voix modulée du chanteur et qui, quasiment, tout au long du disque, créent le lien et l’homogénéité de ce fort beau périple musical et linguistique, en Bretagne.

Pour ceux que l’on nomme séniors qui ont, comme nous, connu ces années 70 de très riche création musicale où les guitares électriques les plus échevelées parvenaient, en authentique cohérence, à s’accorder avec les orchestres symphoniques des plus titrés, belles lignes mélodiques obligent, c’est un bonheur de retrouver, dans « «’Vel ma vin » ces sonorités et ses architectures, si bien travaillées.

Pour nos plus jeunes visiteurs, écoutez, sur une bonne installation, pas, comme on le voit souvent, sur le trop petit et nasillard haut-parleur d'un smartphone, ce très bel album signé d’un, encore, jeune créateur breton, avec grande attention en oubliant, ne serait-ce que pour plus de 30 minutes, les simplistes musiques récurrentes pétries d’envahissantes rythmiques qui n’ont, souvent, que pour seul mérite, celui de vous faire bouger.

Nous attendons la tournée durant laquelle Brieg GUERVENO, proposera « ‘Vel ma vin », selon plusieurs formules, solo, duo, quatuor, voire, ou sextuor.

Mersi bras, Monsieur Brieg GUERVENO de nous avoir adressé votre enregistrement qui véhicule la qualité vocale et musicale, notamment, guitaristique, une actuelle et brillante création qui honore la Bretagne !

Gérard SIMON

NB : Les traductions des textes, initialement chantés en breton, ont été réalisées avec le traducteur Google à partir de leur version anglaise figurant sur la page du site de Brieg GUERVENO, en regard de 5 des 8 titres (Voir la page) . Il peut en découler certaines approximations dont vous voudrez bien nous excuser, le sens global primant.

Illustration sonore de la page : Brieg GUERVENO «Vel pa vefemp» - Extrait de 00:57.

Le site Internet de Brieg GUERVENO : (voir site)

D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine (Voir site)

Les titres du CD de Brieg GUERVENO « 'Vel ma vin » :

01. Vel pa vefemp (Brieg GUERVENO) - 05:38.

02. An Treizh - (Brieg GUERVENO), Yann LIGNER, Guillaume BERNARD du groupe KLONE ) - 05:48.

03. Ar sekred - (Brieg GUERVENO) - 04:02.

04. Petra zo bet - (Brieg GUERVENO) - 04:00.

05. Litoriennig - (Brieg GUERVENO) - 02:39.

06. Tra ma vo - (Brieg GUERVENO - Texte de Nolwenn KORBELL) - 04:35.

07. Ur wech adarre - (Brieg GUERVENO) - 05:08.

08. Em digenvez - (Brieg GUERVENO - Texte d'Anjela DUVAL) - 03:05.

Durée totale : 34:55.

CD de Brieg GUERVENO « 'Vel ma vin » :

Parution : Janvier 2020

Edité chez KLONOSPHERE - (Voir site)

Réf : BG2020CD/1 - CD, LP Vinyle, Numérique.

En vente sur Bandcamp à partir du site officiel de Brieg GUERVENO : Cliquer ICI

Ou, à partir de KLONOSHERE sur Fnac, Amamzon Music, Spotify, Deezer... Cliquer ICI

© Culture et Celtie


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