Le livre “Douarnenez et ses environs vus par les peintres” d'André CARIOU

Chronique publié le 10/10/18 9:36 dans musique par Gérard Simon pour Gérard Simon
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Peinture de Maurice DENIS - Sardinier à Douarnenez 1929 - Coop Breizh
LES GABIERS D'ARTIMON - "La révolte des sardinières" de l'album "Longévitude 35" (2014) - Extrait de 00:54. LES GABIERS D'ARTIMON - "La révolte des

Après la publication de 3 précédents ouvrages, « Gauguin au Pouldu », « Pont-Aven et ses peintres », « Le pays bigouden vu par les peintres », s’insérant, naturellement, judicieusement, dans la suite d’une collection lancée, en 2016, par l’auteur, chez Coop Breizh, André CARIOU nous propose, depuis mai 2018, son nouveau livre, « Douarnenez et ses environs vus par les peintres ».

Broché à rabats, au format 150 x 210 mm, cette nouvelle édition de 96 pages nous offre, au-delà de très substantiels textes, par ailleurs, forts abordables, même pour le néophyte avide d’apprendre, pas moins de 90 illustrations de grande qualité !

Ce petit format léger et d'épaisseur, tout à fait, raisonnable, avec une large place laissée à de bien belles représentations photographiques des œuvres picturales originales, peut se glisser, aisément, dans le sac à dos du touriste de passage au pays des « Penn Sardin », comme dans les poches du finistérien désireux de mieux connaître son milieu maritime et l'attrait que les artistes du XIXe siècle ont pu avoir pour lui.

Ce livre demeure, ainsi, dans la droite ligne de la série susmentionnée, dont l’idée de création est née de la volonté pour l'historien de l'art, André CARIOU, qui, au moment de la parution, en 2015, de son ouvrage « Gauguin et l'École de Pont-Aven », désirait renouveler l'approche portée sur ce moment et mouvement artistique intenses.

En effet, depuis le début du XIXe siècle et, notamment, avec l’arrivée du chemin de fer permettant un accès plus aisé à la Bretagne, en 1863 à Quimper, en avril 1884, à Douarnenez jusqu’à sa fermeture aux services voyageurs en 1972, les artistes parisiens, en quête d’exotisme, sont séduits par le remarquable site de Douarnenez. Ils y trouvent une multitude de lieux à peindre, depuis le Ris jusqu'aux Sables blancs, en passant par les Plomarc'h, le Rosmeur, le Port-Rhu ou l'île Tristan.

Le premier groupe artistique de Bretagne s'y développe autour d’Emmanuel LANSYER et Jules BRETON.

Ils seront rejoints par de nombreux peintres aussi différents que RENOIR, SERUSIER, RIVERA, PICABIA, MOSER ou ROSSI.

Durant l'entre-deux-guerres, ils se retrouvent à Tréboul autour de Max JACOB.

On peut y croiser DERAIN, MARCOUSSIS, SURVAGE, WOOD ou HUGO.

TANGUY y attire ses amis surréalistes.

Nous constatons cet engouement des peintres pour Douarnenez, jusqu'à nos jours avec, certes, des formes renouvelées, ce qui donne à cette cité portuaire finistérienne une place spécifique dans l'histoire de la peinture de souffle maritime et de lumière armoricaine.

Dans ce petit livre passionnant, André CARIOU revient sur cette épopée artistique et, finalement, sur ce pérenne lien pictural.

André CARIOU Photo X

L’auteur est historien de l’art, spécialiste de la vie et de l’œuvre de Paul GAUGUIN et des peintres de l’école de Pont-Aven. Il a consacré de nombreuses années de recherche au milieu artistique de Pont-Aven, au travers de publications et d’expositions qui ont fait date et référence.

Il est conservateur en chef du patrimoine et ancien directeur du musée des Beaux-arts de Quimper. C’est un, le, spécialiste de la peinture d’inspiration bretonne.

Deux découvertes majeures confiées par ce spécialiste de l'art pictural, au quotidien de l’ouest, « Le Télégramme », ont incité André CARIOU à écrire cet ouvrage : « Douarnenez et ses environs vus par les peintres ».

Il y a quelques années, alors qu’il se promenait dans le nord du Mexique et visitait la maison natale du peintre Diego RIVERA, il tomba, avec grand étonnement, sur le portrait… d’une Douarneniste !

Une huile peinte en 1910, représentant une jeune Penn Sardin, devant un buffet de pure facture bretonne, tableau que vous pourrez retrouver en page 59 du livre.

Une deuxième pulsion incitative à la rédaction de cet ouvrage a pris naissance, à Trévise, il y a trois ans, lorsque l’auteur a appris que Gino ROSSI, le plus grand peintre fauve d’Italie, avait effectué deux très longs séjours à... Douarnenez !

Il résultera du passage de l’artiste vénitien en Finistère, datée de 1909, une huile sur toile dénommée « La jeune fille aux fleurs » que vous pourrez apprécier, visage et mains de lumière dans une harmonie de bleus, et en plein format, sur la page 60 de l’ouvrage.

Nous ne pouvons que louer ces deux rencontres qui ont enfanté ce recueil !

Si, au fil des pages, les reproductions lumineuses, colorées, chatoyantes des œuvres, vont, dès le premier feuilletage de ce livre, caresser voluptueusement votre rétine, la description que l’écrivain lorientais, Jacques CAMBRY, par ailleurs, fondateur de l'Académie celtique, fait de Douarnenez, certes, en 1794, est à l’antipode de cette prime impression.

Il est très intéressant… mais, tout aussi, surprenant, voire déconcertant, de lire dans l’avant-propos :

« Il est difficile de voir une ville plus mal tenue, malgré l’aisance et le riche commerce de ses habitants. Le défaut de police, le défaut d’ordre laisse jeter sur le quai, dans les rues, les sardines pourries, les saumons corrompus ; il est impossible, même en hiver, de sentir des odeurs plus infectes que celles que l’on respire en approchant de la ville, elles sont insupportables, en été, pour celui qui n’y est pas accoutumé, dès son enfance ».

Cela, n’incite guère, à l’époque, à y séjourner.

Mais, il termine, néanmoins, ce descriptif peu flatteur, par ces mots :

« Mais, je le répète : rien de plus grand, de plus beau que la baie, au fond de laquelle, elle est située ».

C’est ainsi, qu’à partir de 1830, des artistes, de plus en plus nombreux, emboîtant le pas aux écrivains romantiques, attirés par le passé celtique, les monuments, les traditions populaires, le spectacle des tempêtes, les sites escarpés, les îles, vont explorer la péninsule.

Sans compter que Douarnenez, épousant le développement de la pêche et les activités de transformation du poisson, va rapidement se transformer en s’urbanisant.

Des hôtels aux prix abordables s’établiront, même et permettront aux artistes de trouver logis d’étape ou de plus long séjour.

C’est la baie, plus que le port, qui, comparée à celle de Naples, aiguisera l’œil et le talent des artistes.

« Ainsi, pendant plus d’un siècle, les intérêts des peintres ne cesseront d’osciller, suivant leur curiosités et les sujets à la mode, entre paysages et scènes du monde maritime, mais aussi, entre Douarnenez et Treboul, au gré du développement de la ville et du port qui ne cesse de se transformer », précise, en conclusion de cette entrée en matière, André CARIOU.

Après cet avant-propos figurant sur les pages 9 et 10 de l’ouvrage, nous cheminerons au travers des 10 chapitres qui rythment cette narration historique et artistique illustrée :

- La découverte et les premières représentations.

- La colonie artistique, le Parnasse breton.

- Excursions à la carte, du Cap Sizun à Sainte-Anne-la-Palud.

- La baie de Douarnenez, entre mythologie et symbolisme.

- Les paysagistes à l’œuvre.

- Nouveaux regards… La modernité s’invite.

- L’Hôtel Ty Mad.

- Le décor de la Salle des fêtes.

- D’Audierne à Locronan : de nouvelles attractions.

- Recherches en tous genres.

Ainsi, au fil de ces étapes, vous découvrirez et admirerez, entre autres, les reproductions de magnifiques toiles, tour à tour, aux ponctuelles et subtiles lumières, aux regards profonds et mélancoliques, aux ténébreuses lueurs, à la mystique composition, aux clartés matinales, aux scènes pittoresques, aux couleurs libérées à la Matisse, aux images décorant la salle des fêtes, aux scènes de quasi-reportage pictural, aux graphismes prospectifs, respectivement exprimés dans les peintures « L’île Tristan, baie de Douarnenez », vers 1858 -1860, de Jules NOEL (page17), « La tricoteuse bretonne », vers 1868-1870, de William BOUGUEREAU (page 33), « Rochers en Bretagne » - 1866, d’Henri REGNAULT (Page 40), « Un soir, ma mère a vu la ville d’Ys » - 1898, de Lucien-Lévy DHURMER (page 45), « Douarnenez, la baie, vue de l’île Tristan, le matin » - 1897, d’Eugène BOUDIN (page 48), « Pêcheurs appuyés contre la balustrade » -1907, de Bernhard GUTMANN (page 62), « Le port de Douarnenez » -1936 (page 73), d’André DERAIN, « Le Guet et l’anse de Port Rhu » - 1937-1938 », du Douarneniste GASTON POTTIER (page80), « La Grande Troménie (1) » -1932, de Mathurin MEHEUT (page 84) ou « Douarnenez » -1946, de Jean LE MOAL (page92).

Si nombre des tableaux présents dans l’ouvrage sont issus de collections particulières, plusieurs d’entre eux sont visibles dans toute leur splendeur et leur authenticité, au musée départemental breton, au musée des beaux arts de Quimper, à celui de Brest métropole, à la mairie ou au port-musée de Douarnenez.

Nous avons été, vraiment,séduits par ce livre au sein duquel André CARIOU allie, à merveilles, les faits majeurs, les anecdotes, les contextes, qui ont fait, à travers le temps, cet arrondissement maritime, ce territoire avec le rapport artistique et humain qui existe entre les artistes et celui-ci.

Par une écriture fluide et des mots accessibles, l’auteur nous immerge au cœur d'incéssantes marées de précisions, de notations historiques et d’impressions qui émanent des différentes époques évoquées.

Est-ce une fort vivante encyclopédie, un intime livre de chevet qui ouvre à la mémoire, au rêve, à l’imaginaire, de toutes façons, à la beauté, un livre d’art à l’impression soignée, un précis et précieux guide ?

Peut-être, tout cela, à la fois !

C’est, sans nul doute, un livre captivant, peu onéreux, à vous procurer, rapidement… en n’oubliant pas les 3 précédents qui ouvrent cette judicieuse collection.

Gérard SIMON

(1) Grande Troménie : Procession, à Locronan qui a lieu tous les six ans, suivant un parcours de 12 km, spécialement créée, à travers champs et landes. Il y a tous les ans, une «petite Troménie», plus courte - André CARIOU - Page 84.

Illustration sonore de la page : LES GABIERS D'ARTIMON - «La révolte des sardinières» de l'album «Longévitude 35» (2014) - Extrait de 00:54. Site Internet des Gabiers d'Artimon : gabiersdartimon.free.fr

«Douarnenez et ses environs vus par les peintres», d'André CARIOU.

Parution : 16 mai 2018.

150 x 210 mmm - Broché à rabats - 96 pages couleurs - 90 illustrations - 18 €.

Edition : COOP BREIZH : www.coop-breizh.fr

ISBN-10: 2843468515 - ISBN-13: 978-2843468513

Référence : 346851

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