Alain Croix décrit, pour cette période, une Bretagne remarquablement prospère. Ces dates pourraient laisser croire que l'union de la Bretagne à la France y fut pour quelque chose. Je ne prétends pas que l'auteur le suggère, mais, à mon avis, il n'en est rien. La prospérité de la Bretagne ne perdura que le temps de mettre en place l'appareil d'Etat qui finira par l'étouffer.
La Bretagne connut là son apogée pour des raisons intrinsèques. L'union ne pouvait encore la gêner car l'Etat français avait à construire patiemment l'appareil administratif qui lui servirait de mors et de guides pour l'avenir, et cela prit du temps.
A partir de 1675, et de la Révolte des Bonnets Rouges, la Bretagne s'enfonça lentement dans un déclin inéluctable dont elle ne devait sortir que plus de deux siècles après.
Aussi surprenant que cela paraisse, ce déclin et ses causes n'ont guère été étudiées par les historiens ! Sans doute parce qu'alors il eut fallut désigner des responsables, qui ne fussent pas seulement bretons, voilà la difficulté !
Les Gouverneurs d'abord, les Intendants ensuite, préoccupés surtout de ponts, de routes, de la chose militaire et non de commerce, soucieux de faire de la Bretagne un bastion contre l'Angleterre, ne firent pas illusion. Couper la Bretagne de la mer, source principale de sa richesse, ne les tracassait point. La grande préoccupation de la France fut de soutirer de l'argent à cette nouvelle province, qui peu à peu, perdit la tête (ses pouvoirs de décisions).
En 1532, dans l'Acte d'union à la France (François 1er distribua des fonds secrets pour acheter des voix aux Etats de Bretagne), il est prévu que «Les droits et privilèges de la Bretagne seront gardés et observés inviolablement».
Cependant, dès 1542, les Etats furent contraints de verser une somme forfaitaire pour annuler les décisions royales contraires aux privilèges bretons. Cela devint une habitude et une contrainte sous le nom de «don gratuit», une rançon déguisée. Les exemples ci-après ne sont pas exhaustifs, car les Etats se réunissaient tous les ans puis deux ans; le «don gratuit» dépasse un million de livres en 1624, et atteint souvent 2,5 millions à partir de 1640.
1542, premier «don gratuit».
1661, «don gratuit» de 4 millions de livres en « joyeux avènement » naissance de Louis, dauphin de France !
1663, «don gratuit» de 2 millions de livres
1671, le «don gratuit» est voté avant l'examen du respect des privilèges provinciaux.
1673, la Bretagne «offre» un «don gratuit» de 2,6 millions puis encore 6,3 millions de livres pour abolir les impôts nouveaux, ils sont rétablis un an plus tard !
1675, «don gratuit» de trois millions
1675, Le «don gratuit» devient fixe pour être voté par acclamation dès l'ouverture de la session des Etats
1689, moyennant un «don gratuit» d'un demi-million, le Parlement (exilé) revient à Rennes
1715, mort de Louis XIV, don de 3 millions de livres en «joyeux avènement», une bonne et une mauvaise nouvelle. Son arrière-petit-fils, Louis XV, âgé de cinq ans, lui succède.
1719, Refus du vote du «don gratuit» (Dinan), liste de revendications pour l'autonomie des États et la limitation des charges fiscales
Vers la fin du 17e, la France recevait de la Bretagne, près de 5 millions de livres, entre fouage et «don gratuit». A titre de comparaison, en 1680, la Bretagne vendait pour 9 millions de livres de toiles bretonnes.
Selon Henri Sée, outre les dépenses festives et autres prodigalités, voici les seuls investissements d'intérêt général décidés aux Etats, entre 1598 et 1643 : 54 000 livres pour les captifs des Barbaresques, 25 000 livres de travaux publics !, 12 000 livres pour le collège de Rennes, 1900 livres pour les ouvrages de PP. Le Paz et Albert Le Grand.
Cependant, le niveau d'imposition de la Bretagne restait contenu par rapport aux autres provinces. Le plus grave c'est que la France ne se souciait aucunement d'investir dans les infrastructures locales autres que militaires.
Mais les purges sont bonnes pour l'organisme, paraît-il !
Beaucoup plus grave toutefois : le roi, surtout Louis XIV, pour financer son train de vie dispendieux, ses dépenses somptuaires, les pensions d'une quantité de larbins bien en cour, et ses guerres stupides, fit pleuvoir les taxes nouvelles. Il prend de même des décisions graves pour le commerce et l'industrie bretonne.
1620-1640, quadruplement des taxes sur le vin
1643, fouage extraordinaire de 0,8 millions de livres
1654, six livres de droit sur pièce de serge anglais (au lieu d'une)
1660, l'acte de navigation réserve aux navires anglais les importations
1660, une cinquantaine de commissionnaires Anglais à Morlaix
1665, interdiction de vendre des toiles en Hollande
1667, douze livres sur les pièces de drap anglais
1670, hausse des impôts, sur les moulins, droits sur les péages, pêcheries et batelleries
Vers 1670, il y a 48000 métiers à tisser en Bretagne, première province toilière de France; mais c'est bientôt la fin de l'âge d'or.
1672, guerre de Hollande
1670/1680, à force de taxer les draps anglais, cela aboutit à la perte du marché anglais pour les toiles bretonnes
1673, réformation du Domaine, papier timbré pour les actes authentiques
1675, édit du 27 juin, suppression de la liberté de commerce
1675, marque sur vaisselle d'étain, impôts sur le tabac (20 sols la livre), révolte à Rennes le 18 avril, Révolte des Bonnets Rouges, exil du Parlement à Vannes
1680, apogée de la toile (80 000 pièces en Léon), 9 millions de livres de toiles bretonnes, un huitième des exportations d'Europe vers l'Amérique ! Puis déclin irrémédiable, on comprend mieux pourquoi …
1687, arrêt interdisant l'importation des draps anglais, ils doivent entrer à Calais et Saint-Valery, vingt quatre livres de droits par pièce
1689, guerre de la Ligue d'Augsbourg
Corollaire, à la fin du siècle (17e), la prospérité de la Bretagne fléchit rapidement, ce que montre l'évolution des offrandes aux églises (Jean Tanguy). Historien, spécialiste de l'histoire économique et sociale de la Bretagne des XVIe-XVIIIe siècles. L'économie maritime de la Bretagne était sacrifiée aux intérêts exclusifs de la France continentale, si toutefois ceux-ci furent sauvegardés, ce qui est une autre histoire …
Après le 17e siècle, par suite de cette politique désastreuse, la province bretonne devint un pays d'inscrits maritimes et de gagne-petits, mais attendons la suite …
Sources :
photo : exemple d'un des premiers actes produit sur papier timbré à Quimperlé (9 avril 1674, inventaire après décès rédigé par la juridiction de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé)
Alain Croix, «L'âge d'or de la Bretagne 1532-1675», Ouest-France
H Poisson-JP Le Mat, Histoire de Bretagne, Coop Breizh
Henry Sée, «Les États de Bretagne au XVIe siècle»
Skol Vreiz, Histoire de Bretagne, tIII
Wikipedia, les Etats de Bretagne, Révolte du papier timbré
■Un beau papier!
On note que tout ce qui était industrie et commerce international ont été systèmatiquement détruit.
Et comme par hazard, c'est bien l'industrie et le commerce international qui manquent aujourd'hui à la Bretagne!
Mais soyons clair, est-ce que le CR B4 le CG44 agissent pour un renouveau indutriel breton en dehors de permettre à quelques industriels français de s'installer chez nous, comme Airbus à Nantes/St-Nazaire!
Nombre de nos élus bretons n'ont pas d'autre ambition que de coller à la vision française d'un développement du tourisme pour les retraités français et européens et d'une émigration vers Paris pour les jeunes!
Je pense que votre papier finira par 2013, avec le versement d'1,1 milliard d'€ pour une ligne LGV inutile et d'un 1,6 milliard d'€ pour le projet «Grand Paris».
À quand le changement ?
Oui, vous avez 100% raison, la Bretagne verse à la France environ 26 milliards d'Euro par an.
Cela est très peu connu des médias et des hommes politiques bretons, y comprit les plus miliants.
Hors, c'est un tel chiffre qui choque les citoyens de Catalogne et les poussent vers l'indépendance!
26 milliards + ce que les terrictorialités vont pays pour NDDL (115 millions), la LVG (1,1 milliard), ou le Grand-Paris (1,6 milliard).
La Bretagne est toujours «Perou» pour la France, et pendant ce temps nos jeunes quittent le pays, tellement on a fait entrer dans la tête de leur parent que «pour un jeune, rester en Bretagne c'est gaspiller son avenir»!
A quand en Bretagne : «I Want My Money Back!!!»
Payes par le contribuable ......