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La pratique du brezhoneg à Trignac entre 1880 et 1940
Le CREDIB Sant-Nazer, Centre de Recherche et Diffusion de l'Identité Bretonne, recherche des témoignages sur la pratique de la langue bretonne à Trignac / Trinieg avant la seconde guerre mondiale. Une importante communauté brittophone a marqué la vie sociale de la commune ouvrière briéronne durant plus de 60 ans.
Au cours de la Révolution industrielle en Bretagne les Forges de Trignac, créées en 1880, ont été le creuset d'un brassage linguistique et culturel original jusqu'à leur fermeture en 1932. On y entendait, à côté du français et du breton, du gallo de Brière et du pays de Redon, de l'espagnol, de l'allemand, du polonais, de l'italien, du tchèque...
Voici les premiers témoignages recueillis
« Mon arrière grand-mère qui ne parlait que breton écoutait dans les années 1930 les émissions en gallois de la BBC : elle en comprenait une partie et disait dans un français approximatif “moi comprends !” ».
« Jusqu'à l'age de 5 ans je ne parlais que le breton. J'ai commencé à apprendre le français en septembre 1929 à l'école de Landevant. Ma famille arrive à Trignac début 1930 où mon père avait trouvé du travail aux Forges ».
« On n'avait pas ce complexe des adultes vis-à-vis du français ».
« Ma mère ne parlait pas français. Elle avait des difficultés dans les commerces. Je me souviens avoir vu avec elle le film “La Brière” en 1930 ou 31 : je devais lui traduire les textes, ce qui énervait certains spectateurs qui ne supportaient pas les chuchotements »
« Les bretonnants formaient une communauté : ils se retrouvaient pour parler leur langue. Il existait une certaine honte chez ceux qui parlaient mal le français ».
« Aux Forges le breton était très répandu parmi les ouvriers ».
« Il y a quelques années en faisant du rangement après la mort de ma grand-mère j'ai trouvé un livre de messe en breton ».
Ces témoignages de personnes nées dans les années 1920-1930 mettent en évidence la présence du breton parlé par une partie importante de la population de Trignac / Trinieg jusqu'au début des années 1940 et qui n'a jamais fait l'objet de recherches.
Si l'on étudie les registres de recensements et les travaux du chercheur Bernard Hazo (1) on constate qu'entre 1880 et 1930 c'est environ 40 % de la population trignacaise qui arrive du Morbihan dont plus de la moitié des zones brittophones. Si l'on ajoute les habitants arrivés du sud Finistère, c'est en moyenne 20 % des Trignacais, soit environ 1.000 personnes qui pratiquent quotidiennement la langue bretonne entre 1880 et 1940 avec 1/4 de monolingues jusque dans les années 1920.
Lors d'une manifestation à Trignac en mai 2009, un retraité de la CGT portait une pancarte avec cette mention en breton ironisant sur la revalorisation des pensions de retraites par le gouvernement de Nicolas Sarkozy : « Trugarez bras St-Nicolas. Boued ar groug » (Grand merci St-Nicolas. Gibier de potence). Ce fait qui peut paraître anecdotique montre que la langue bretonne est encore dans le cœur et l'esprit de nombreux trignacais. Voilà un beau sujet de thèse pour un étudiant.
1 – Bernard Hazo, chercheur au CNRS et spécialiste du mouvement ouvrier trignacais.
(voir le site) du Credib Sant-Nazer.
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