Lors de cette session d'automne du Conseil régional, les débats les plus nourris ont concerné l'établissement public foncier régional et le projet d'assemblée culturelle bretonne. On a aussi beaucoup parlé de crise et de réforme des collectivités territoriales.
Point d'absentéisme cet après-midi du 23 octobre lorsque s'ouvre la première session depuis l'été. Occupés à fourbir leurs armes pour le congrès du parti socialiste, les élus de la majorité sont pourtant bien là. Sur les bancs adverses, Dominique de Legge, revigoré par son élection comme sénateur d'Ille et Vilaine, est conforté dans son rôle de chef de file de l'UMP. C'est surtout son collègue Paul Anselin qui va faire montre de tout son dynamisme au cours de la discussion sur le sujet de l'économie qu'il affectionne. « Il faut faire l'union de toutes les forces politiques, car il y a urgence », prévient l'ancien maire de Ploërmel. Quelques minutes plus tôt, le discours de politique générale du président Le Drian avait donné le ton : « Notre horizon est aujourd'hui plutôt sombre. La crise est là et malheureusement, elle ne fait que commencer et la Bretagne est évidemment touchée. Les faillites se cumulent, les carnets de commande se réduisent, le bâtiment faiblit, l'automobile vacille. »
Soyons clairs, l'institution régionale n'a guère de moyens pour peser sur une économie qui prend l'eau. Tout au plus peut-elle tenter de limiter les effets de la crise ? Par exemple, en épaulant les PME bretonnes dans l'esprit de l'annonce du renforcement des moyens d'intervention financière de la région par une dotation supplémentaire de 500 000 d'euros au prêt participatif de développement et l'abondement de 3 millions d'euros du fonds régional de garantie, mis en place avec Oséo Bretagne. Les interventions des différents groupes se succèdent et montrent à quel point les élus se sentent désarmés face à la crise.
D'autant que l'avenir de l'échelon régional dans le mille-feuille territorial français pose question au moment où fleurissent sur le sujet commissions, réflexions, rapports et annonces ? Jean-Yves Le Drian craint « une dilution des Conseils régionaux dans des assemblées départementales régionalisées » et prône non pas « la suppression d'un échelon, mais la clarification des missions ». Autre son de cloche chez le vice-président Christian Guyonvarc'h pour qui « le département est dépassé ».
Vers la fin du tunnel pour l'établissement foncier
L'établissement public foncier (EPFR) verra-t-il bientôt le jour en Bretagne ? Le décret nécessaire à sa constitution se fait toujours attendre. Mais, l'UMP qui, depuis le début de la mandature, concentrait ses attaques sur cette question a fait un geste de bonne volonté. Après moult débats et même une suspension de séance, majorité et opposition se sont retrouvées sur ce dossier. « Une manière de sortir par le haut » pour les uns et les autres s'est félicité le chef de l'exécutif breton qui déploie toute son énergie, depuis quatre ans, faire naître cette structure aux forceps. Point bloquant, la création d'une nouvelle taxe régionale a disparu du projet adopté à l'unanimité.
C'est sur fond de crise qu'avait débuté cette première journée soldée par un consensus en matière d'EPFR. Il est plus de 20 heures ; la session reprendra le lendemain par l'accueil à Rennes de représentants malgaches. On entre alors dans le vif du sujet avec Pierrick Massiot qui présente les O.B. , raccourci utilisé pour désigner les orientations budgétaires. « L'État nous oblige à trop attendre de lui », regrette le rapporteur général du budget. Et Christian Troadec d'acquiescer : « L'autonomie fiscale des collectivités locales est sans cesse rognée, revue à la baisse et remplacée par des dotations d'État. Celui qui détient les cordons de la bourse détient le pouvoir ! »
Il y a également de quoi se préoccuper des conditions des futurs emprunts rendus moins favorables du fait de la crise alors que l'endettement régional limité à 356 millions d'euros début 2008 pourrait culminer à 1,2 milliard en 2013/2014 à la fin du chantier Bretagne Grande Vitesse. Une chose est sûre selon Pierrick Massiot, « le maître mot de cette préparation budgétaire 2009 est l'incertitude » sur les concours financiers de l'État aux collectivités locales ainsi que sur l'avenir de la fiscalité locales.
Création d'une assemblée culturelle bretonne
« Parler de la culture c'est bien, mais agir efficacement c'est mieux », met en garde la conseillère régionale MoDem Isabelle Le Bal se référant à « l'apparition de structures nouvelles », à l'instar de cette assemblée culturelle bretonne que Jean-Yves Le Drian appelle de ses vœux. De quoi s'agit-il ? Lorsqu'il évoque les outils de la charte de 1977 que sont le Conseil culturel, l'Institut culturel et l'Agence culturelle, le Président constate « qu'aujourd'hui ça ne marche pas ». Il propose d'engager une nouvelle étape et de remplacer le Conseil culturel par « une assemblée de plein droit adossée au conseil régional et au CESR » qui aurait pour mission de rendre des avis sur les projets régionaux en matière de culture. Ce nouveau conseil serait composé de « représentants d'associations, fédérations, institutions et organismes constitutifs de l'identité régionale mais ouvert aux chercheurs et à des personnalités qualifiées ».
À quoi va réellement servir cette nouvelle institution ? Cette assemblée sans âme ne serait-elle pas un mauvais coup porté à la culture bretonne et à ses militants ? La semaine précédente, le Conseil économique et social avait senti le vent mauvais et voté ce projet du bout des lèvres. « Il n'est pas question d'enlever des prérogatives à qui que ce soit. Je n'en ai pas le droit ni la volonté, veut rassurer Jean-Yves Le Drian. Il s'agit de refonder le Conseil culturel de Bretagne. Nous sommes dans un contexte totalement nouveau. » Il lui faudra convaincre les groupes UMP et UDF-MoDem qui ont voté contre le principe de création de cette assemblée dont l'arrêté constitutif (rôle, missions, compositions, modalités d'administration) est promis pour la session de décembre. Et l'on repart sans rien savoir du sort réservé à l'Institut Culturel, orphelin de son président Yvonig Gicquel.
Les débats s'achèvent après 13 heures, sans un mot sur la disparition de TV Breizh, confirmant que ni la majorité ni l'opposition n'ont fait de la télévision régionale un enjeu. Étonnante passivité ! Il serait temps que l'assemblée bretonne prenne la question de front.
Ronan LE FLÉCHER
article paru dans le magazine armor de décembre 2008
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