Le chemin des morts. Nouvelles conjectures sur les croyances et systèmes de représentations au n

Chronique publié le 30/07/23 17:32 dans Histoire de Bretagne par Mickael Gendry pour Mickael Gendry
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Proposition de lecture du menhir de la Tremblais à Saint-Samson-sur-Rance au début du IVe millénaire avant notre ère, sur la base des travaux de Serge Cassen et Valentin. La figure représentée en jaune définit un diagramme quadrangulaire, interprété comme un "templum" ("temple du ciel"). Les barques entourées en rouge représentent un chemin des morts, dessiné en bleu. Il part de la Terre (faces Nord et Ouest), le parcellaire agricole vers le ciel avec la barque solaire (face Est). Le signe dit du cétacé est placé sur ce chemin. Inventaire des signes gravés du menhir de la Tremblais à Saint-Samson-sur-Rance au début du IVe millénaire avant notre ère par Serge Cassen et Valentin Grimaud (CASSEN, Serge, GRIMAUD, Valentin, La clef de la mer. Une étude des représentations gravées sur la Pierre de Saint-Samson (Côtes-d'Armor), Laboratoire de recherche archéologie et architectures, 2020, figure 50 p.90)
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Menhir de Saint-Samson-sur-Rance (Côtes-d'Armor), début du IVe millénaire avant notre ère

Cet article constitue le troisième volet d'une réflexion sur l'interprétation des signes gravés du menhir de Saint-Samson-sur-Rance, celui d'un chemin des morts (2).

Parmi les signes gravés répertoriés par les archéologues sur la pierre de Saint-Samson se trouvent ceux de la crosse ou lituus, la hache emmanchée, un aviron de gouverne, des formes quadrangulaires, des animaux domestiques (bovin -auroch, bœuf-, caprin -bélier-) et sauvages (suidé -sanglier-, cervidé - cerf ou élan - et peut-être un cétacé) (3)

La stèle de Saint-Samson propose un agencement des symboles qui se raconte comme une histoire. Le récit débute sur la face nord de la stèle et se termine à l’Est. Il oppose la Terre, identifiable aux formes quadrangulaires de la base du menhir et le Ciel, au sommet. Les haches emmanchées stylisées (signes de la haches emmanchée et de la crosse ou «lituus») délimitent un diagramme ou «templum» (« temple du ciel ») (4) qui circonscrit l'espace sauvage des territoires appropriés, vécus par les sociétés du néolithique. Les formes des parcelles sont modifiées à la hauteur des haches emmanchées stylisées. Elles semblent indiquer un changement d’état, comme s’il s’agissait de soustraire cet espace du territoire habité.

Sur le diagramme sont disposées cinq barques. Le trajet des barques semble décrire une diagonale, un chemin qui serpente du nord au sud, de la terre au ciel, passant par la figure du cétacé, « la chose » ou constellation, sorte de chemin céleste ou chemin des morts. La première barque est située dans la partie inférieure du menhir, associée aux parcelles quadrangulaires, face Nord. La seconde sur la face Ouest est intégrée au diagramme, elle est associée à une forme quadrangulaire déformée et un oiseau pour souligner son envol ou le voyage. Dans son prolongement vers le Nord se trouve une troisième barque. Elle conduit à la suivante qui a la particularité d’être double. La double barque est associée à un point qui peut être un astre lumineux (une étoile) ou un point focal. Elle se situe au niveau de la « chose » (5), l'astre (6) ou le cétacé. Sur la face suivante Sud du menhir, se trouve dans la partie supérieure, une nouvelle barque dont le symbole de la croix, inventorié ailleurs, par les archéologues indique qu’il s’agit d’un homme. Cette barque se situe au même niveau que celle de la dernière face, côté Est. Plus grande, dans la partie supérieure du menhir, elle est une barque céleste.

La représentation du diagramme liée à des barques est proche de celles du dolmen de Kercado, au sud des alignements de Kermario, à Carnac (7). Si les traits ont fait songer longtemps à « des filets de pêcheurs, à des plans cadastraux, à des jeux de marelles, sans convaincre personne...» (8), l'hypothèse de diagrammes territoriaux arrimant Terre et Ciel paraît en effet plus plausible. Les traits gravés entrecroisés en ligne de certaines stèles (R3, R4) du couloir sont présentés avec des barques et des crosses qui conduisent à la dalle centrale de la chambre (P6), représentant, la chose, le « cétacé » (9). Sur la stèle R4, des formes quadrangulaires se promènent avec les barques. Le premier signe quadrangulaire, à gauche est associé à 5 traits verticaux. Il est mis en relation avec une première barque, représentée par un aviron de gouverne qui croise un signe de la crosse. Sur la barque sont gravés 4 traits verticaux, interprétés par les archéologues comme un équipage embarqué. La barque est contiguë d'une seconde de 3 traits verticaux dont l'aviron en forme de crosse indique un stade supérieur, supra marin, l'au-delà, océan primordial. Un second symbole quadrangulaire est à sa droite... Les chiffres de 5 a 3 indiquent proposent un discours narratif, celui d'un cheminement ou d'une voie à suivre, comme la barque céleste de Saint-Samson.

Tout aussi fascinante, la stèle Men Bronzo à Locmariaquer associe le signe de la crosse a un « oiseau augural » (10) dont le relevé par Serge Cassen et Valentin Grimaud plaide en faveur d'un « corvidé, probablement un corbeau ou une corneille » (11). Cet oiseau « le plus valorisé de l'univers mythologique celte », présent dans les légendes de fondation de Lyon et Londres (12) est comparable aux vautours, de la légende de fondation de Rome avec Romulus et Rémus, héritée des Étrusques. Comme le rappelle Michel Pastoureau, le corbeau est l’oiseau de prédilection de la divination dans les mythologies antiques : « Nombreuses furent en Europe les sociétés anciennes qui ont vénéré le corbeau. Il était l’oiseau solaire par excellence, le créateur du monde, le messager des dieux, le guide des âmes dans les ténèbres, celui qui voyait tout, entendait tout, présageait tout. Il passait en outre pour l’ancêtre de certains peuples et, à ce titre, faisait l’objet de différentes cultes, rites, interdits ou pratiques fétichistes. En Europe, les mythologies portent la trace de cet ancien statut primordial de l’oiseau, et ce, aussi bien chez les Celtes et chez les Slaves, que les Germains » (13). Lointain écho probable de ces traditions, le cri des corbeaux était perçu en Bretagne comme un présage de la mort : « marv, marv, marv » («mort, mort, mort») (14).

Les menhirs sont des pierres longues, (en breton «maen» « pierre » et «hir» longue) dressées («peulvan» ou «peulven») vers le ciel. Certains des symboles du menhir de Saint-Samson ont une dimension céleste, cosmique. Comme dans l'Antiquité égyptienne, il y a 4000 ans, l'au-delà représente « le lieu traversé par l’astre solaire quand il disparaît derrière l’horizon » (15) ; Les morts se repèrent par rapport aux étoiles. Le symbole du serpentiforme que l'on a longtemps imaginé comme un culte du serpent ne traduirait-il pas alors, comme la pierre de Saint-Samson semble l'indiquer, une sorte de chemin des étoiles ou chemin des morts, exprimé de façon symbolique ? Un peu comme un panneau de circulation signalant des voies dangereuses, la symbolique du serpentiforme indiquerait la voie à suivre, soit comme un avertissement ou une rupture de seuil. Dans l'alignement de Kermario, le géant du Manio, - le menhir plus haut des files (de près de 4 mètres) - est orné à la base de cinq signes de serpent, placés à la verticale avec un dépôt de cinq haches polies, disposées aussi verticalement, talon, en bas et tranchant, vers le haut (16). Ce n'est pas un hasard, non plus si le signe du serpent est gravé verticalement vers le ciel surmonté du signe de la crosse ou du «lituus» sur le menhir de la Bretellière. L'étude récente de Stefan Maeder publiée dans le bulletin de la société archéologique du Finistère en 2022 suggère même que la représentation du signe du cachalot, le cétacé ou « la chose » pourrait être une constellation, celle des étoiles les plus brillantes autour du pôle (17). Comme animal, le serpent pouvait aussi exprimer la médiation entre le monde terrestre et le monde sous-terrain, l'au-delà. Il pouvait aussi exprimer la médiation entre le monde terrestre et le monde sous-terrain, l'au-delà. Le voyage des défunts, la barque sacrée - référence à la course du soleil -, le ciel et les mondes sous-terrain sont aussi les invariants des mythes de l'Antiquité égyptienne. Ainsi, le dieu Rê voyageait chaque jour à travers le ciel dans sa barque sacrée (parcours du Soleil, d'est en ouest), et chaque nuit, dans les mondes souterrains, la « Douât » (d'ouest en est).

De la même façon, l'orientation des alignements à Carnac suit imparfaitement la course de la lumière d'est en ouest, comme une ondulation dans le paysage vécu et approprié par ces sociétés. Elle apparaît déjà clairement dans le relevé de 1832 de Murray Vicars, considéré comme le premier plan général des mégalithes de la région de Carnac. La trajectoire est-ouest des files de monolithes devient en effet vite « spécieuse » dès que l'on entre dans le détail des calculs astronomiques (18). Les files de menhirs épousent les formes du relief. Elles dévalent les pentes à travers champs, escaladent les versants et reliefs. Cette barrière minérale des alignements de menhirs offrait, sans aucun doute, une limite immédiatement perceptible dans le paysage, une rupture ontologique pour ces sociétés. C'est le cas encore aujourd'hui, entre le littoral et l'intérieur des terres à Carnac. Le concept de la « stèle seuil » partagé par certains archéologues, dont Serge Cassen souligne qu'en en deçà et au-delà des alignements de menhirs deux mondes distincts pouvaient être établis (19). La proximité des tumulus inscrit les alignements de menhirs dans le cycle de la vie et de la mort. Aubrey Burl a proposé de voir dans certaines paires de files privilégiées des alignements des allées ou des voies processionnelles reliées aux enceintes de pierres (20).

La découverte dans ces enceintes, notamment à Er-Lannic, de « foyers, de caissons à ossements et d'une série de fragments de «coupes à socle»- brûle parfum - » peut supposer que des cérémonies rituelles s'y déroulaient (21). L'ambiance est clairement celle de « sanctuaires » (22). Ces enceintes étaient placées sur des points hauts du territoire d'où se détachaient les lignes de menhirs vers l'horizon, où l’on pouvait apercevoir le coucher du soleil sur la mer. Le tracé sinueux des alignements, moins que le dessin d'un serpent, ne traduirait-il pas, alors un chemin symbolique, une voie processionnelle, sorte de chemin des morts, où l'effacement du soleil à l'horizon permettait de se relier dans l'au-delà, perçu comme un océan primordial? Le passage était déterminé par le dessin d'un diagramme, le «templum» (« temple du ciel »), porte d'accès à l'univers, le macrocosme. Le récit de la pierre de Saint-Samson en propose le déroulé.

L'interprétation de certaines stèles traditionnellement assimilées à des idoles, sur le modèle des statues menhirs du sud de la France pourraient-elles également revêtir une autre signification dans le contexte atlantique ? Serge Cassen a dit toutes les réserves qu'il y avait à considérer les idoles en forme d'écusson comme des statues anthropomorphes dans le contexte atlantique : « La tendance moderne à voir une représentation anthropomorphe dans tous les menhirs de l'Ouest de l'Europe nous paraît très critiquable. Ce penchant pour l'anthropomorphisme semble une conséquence du mode de fonctionnement de notre système cognitif et nous imaginons des agents à forme humaine parce que la personne humaine est plus complexe que les autres types d'objets, et nos processus cognitifs retirent autant d'informations pertinentes que possible de l'environnement afin de produire le maximum d'inférences » (23) ; « C’est en 1910 que Luquet introduit de manière définitive - mais anecdotique à l’échelle de son article - le thème de la «marmite», qui aura la vie dure tout au long du XXe siècle, pour informer la forme d’une déesse (24) ; seulement, il combat, par cette analogie se voulant ironique, les thèses de Déchelette qui ne voit là rien d’autre qu’un bouclier. Le premier auteur suppose plutôt une «dégénérescence stylisée de figure humaine» dont le bouton supérieur est la tête, simplification du corps humain entier, féminin. En sorte que l’étranglement est celui du buste au-dessous des seins tandis que les «anses» sont les bras. Ces bras, on le sait, seront interprétés comme des oreilles beaucoup plus tard » (25).

Le symbole de l'écusson donné comme une idole a la forme du cercle de pierres de Kergognan, sur l'Île-aux-Moines. Celui du dolmen des Pierres-Plates à Locmariaquer est composé de deux signes de la crosse, tête vers le haut qui convergent vers un axe central, vertical. Replié dans sa symétrie, il apparaît tel une barque céleste entourée de points lumineux figurant des astres solaires. Les vagues sont déroulées à la façon d'oiseaux aux ailes déployées, comme une interface pour accéder dans l'au-delà. Cette figuration est très proche de celle de Corn er Houët à Caurel dans les Côtes-d'Armor, construite là aussi, autour des deux signes de la crosse, disposés selon un axe symétrique. Traditionnellement aussi perçue comme un signe de l'écusson, la stèle de Mané er Hroëck à Locmariaquer attire l'attention par l'envol d'oiseaux et de signes de de la crosse. L'écusson est entouré d'une forêt de haches emmanchées et de signes de la crosse qui semblent l'emporter vers le ciel.

Si le sentiment du sacré n'est pas nécessairement la religion, à l'évidence le développement de la pensée symbolique et des mythes traduit déjà une forme de spiritualité. Les mythes étiologiques de fondation racontent le monde. Ils organisent le cosmos, proposent un discours des origines, en interrogeant l'au-delà, avant et après autant qu'ils légitiment les élites en place. Toujours selon cette lecture, les figures traditionnellement à des seins ne seraient-elles pas, aussi, des astres, soit une possible course du soleil avec la représentation en forme de torque, soit le soleil et la lune selon le rite de contemplation étrusque (26) ? Cela expliquerait la présence de barques inexpliquée, à proximité. Ainsi que l'ont relevé les archéologues, « le jeu des correspondances structurales associant la hache emmanchée stylisée, une forme quadrangulaire et un croissant, celui de la barque » (27) est incontestable. Ils se réfèrent à trois dimensions : terrestre (carré), céleste (hache emmanchée stylisée) et cosmique (la barque). C’est le cas par exemple de Spézet (carré, barque et hache stylisée), le Vieux-Moulin (carré et barque), la Table des Marchands (carré, barque et double voûte), Kermaillard (carré et cercle), Portela de Mogos 25 (carré et barque), Vale Maria do Meio 18 (carré, barque). Comment lire encore la stèle de Buthiers de la Vallée aux Noirs (Seine-et-Marne) ? S'agit-il là encore de l'idole à la façon des statues anthropomorphes méditerranéennes ou d’une projection, sorte de carte pour l’au-delà, voire des deux à la fois ? Comme une mécanique des symboles, les trois symboles sont représentés, cette fois, surdimensionnés : à gauche, une immense hache stylisée, au centre, la forme quadrangulaire et à droite, la barque (28). La partie inférieure représente un menhir inversé, avec des racines qui le relie à la Terre. A l’opposé, vers le ciel siège celle qui est souvent donnée comme « un motif anthropomorphe » (29) ou une idole. Le corps de l’idole est un carré qui renvoie au territoire, sacré ou non. La tête a une forme semi-circulaire. Le dessin des yeux et de la bouche rappelle ceux des astres, la course du soleil, peut-être aussi la lune, le soleil et le torque de la voûte céleste. Le sommet du crâne de « l’idole » a la forme d'une flèche ou l'envol d'un oiseau pour indiquer la direction à suivre, vers le ciel. La « barbe » (30) a des figurés linéaires qui convergent vers la tête, à la façon des alignements attachés aux cercles de pierres. Enfin les signes plumes (31) ou les cheveux de l’idole, aux formes ondulatoires sont traités à la façon de vagues. Ils ouvrent sur l’au-delà, comme un océan primordial. Confirmation du jeu de ces symboles, les gravures de la barque et de la forme quadrangulaire de Kermaillard à Sarzeau sont liées à des formes ondulatoires, à la façon des cheveux ou de lignes de stèles, au sommet du menhir.

Ainsi, les signes gravés de Locmariaquer avec le Grand menhir, ceux Mané Lud et de Kercado à Carnac ou de Buthiers en Seine-et-Marne, et un peu partout les autres dans le contexte atlantique, parfois à plusieurs centaines de kilomètres de distance racontent la même histoire que la pierre de Saint-Samson. Cette histoire est celle que se représentent les sociétés néolithiques de l'au-delà. Une telle projection plaçait la question de la territorialisation ici-bas et dans l'au-delà au cœur les représentations des sociétés néolithiques. L'au-delà était un nouveau territoire à défricher, la hache emmanchée stylisée, son instrument de prédilection (32). L’enjeu était la fondation, voire la refondation ( les deux cercles de pierres conjoints de Er-Lannic) des territoires habités par les communautés du néolithique. Le but était d'arrimer le Ciel à la Terre, comme dans les mythes étiologiques de l'Antiquité (33).

(1) EVIN, Florence, « Les signes, support des mythes », Hors-Série Le Monde, mai 2017, p.38-39

(2) GENDRY Mickaël, « Et si les mégalithes se racontaient ? Le menhir de Saint-Samson, «pierre de Rosette» du néolithique ? » , site ABP, publié le 2/07/23 ; lien (https://abp.bzh/et-si-les-megalithes-se-racontaient-le-menhir-de-la--58029) : ; Id. « Mais à quoi servaient les haches emmanchées stylisées du néolithique ? » , site ABP, publié le 9/07/23 ; lien : (https://abp.bzh/mais-a-quoi-servaient-les-haches-emmanchees-stylise-58076)

(3) CASSEN, Serge, GRIMAUD, Valentin, « La clef de la mer. Une étude des représentations gravées sur la Pierre de Saint-Samson (Côtes-d'Armor) », Laboratoire de recherche archéologie et architectures, 2020.

(4) Dans l'Antiquité, les augures étrusques utilisaient le lituus pour délimiter dans le ciel – ou le découper –, un diagramme : le templum (« temple du ciel ») afin de légitimer une fondation (un sanctuaire, une ville), en préciser l’implantation et l’orientation. La figure céleste quadrangulaire du templum était perçue comme un miroir du monde. La crosse traditionnellement interprétée comme bâton de berger a la forme du « lituus » étrusque, arme de jet et insigne royal puis instrument des augures, que l’on retrouve aussi dans la Grèce antique avec le « lagobolon », sorte de boomerang pour la chasse rituelle ou en Egypte avec le sceptre (heqat) des Pharaons ou les bâtons de jet (âmâat) pour chasser les oiseaux des marais. La crosse, arme de jet permettait de chasser les animaux, le lituus, son évolution symbolique sous forme d'insigne, de capter un espace, l'indicible.

(5) MASSON MOUREY Jules, « Call them « sperm whale» ? », International Newsletter on Rock Art, n°90, 2021, p. 16-20 ; Traduction en ligne sur le site du Laboratoire Méditerranéen de Préhistoire Europe Afrique : Appelez-les «cachalot» ?

(6) MAEDER, Stefan, « La voilà qui (ne) souffle (pas) Gravures néolithiques près du Moulin de Keriolet à Beuzec-Cap-Sizun », Finistère », Société Archéologique du Finistère, t.CXLIX, 2021, p.23.

(7) CASSEN, Serge, GRIMAUD, Valentin et PAITIER, Hervé, « Les monolithes gravés dans la tombe à couloir néolithique du Mané er Groez à Kercado (Carnac, Morbihan) », Gallia Préhistoire [En ligne], 58 | 2018, mis en ligne le 04 octobre 2018, consulté le 03 août 2023. URL : ; DOI :

(8) BAILLOUD, Gérard, BOUJOT, Christine, CASSEN, Serge, LE ROUX, Charles-Tanguy, Carnac, les premières architectures de pierres, CNRS éd., Paris, 2009, p 105.

(9) CASSEN, Serge, GRIMAUD, Valentin et PAITIER, Hervé, « Les monolithes gravés dans la tombe à couloir néolithique du Mané er Groez à Kercado (Carnac, Morbihan) », id.

(10) CASSEN, Serge, GRIMAUD, Valentin « Résolution d'un signe (2). La stèle Men Bronzo à Locmariaquer (Morbihan) à la lumière du vase Cerny de Belloy-sur-Somme », dans Denaire, A et al. (dir.), Mélanges offerts à Christian Jeunesse, AVAGE, Strasbourg (Mémoires d'Archéologie du Grand Est 8), p. 354.

(11) Id.

(12) Id.

(13) PASTOURAU, Michel, Le corbeau, une histoire culturelle, Paris, éd. du Seuil, 2021, p17.

(14) GIRAUDON, Daniel, Sur les chemins de l'Ankou, éd. Yoran Embanner, Fouesnant, 2012, p.133.

(15) VOLOUKHINE, Youri, « De la Douât à l'Hadès, comment l'Antiquité se représente-t-elle l'au-delà ? », Podcast Radio France, épisode 3/4, mai 2019.

(16) BOUJOT Christine VIGIER Emmanuelle, Carnac et ses environs. Architectures mégalithes, éd. du Patrimoine, collection : Guides archéologiques de France, p 74

(17) MAEDER, Stefan, « La voilà qui (ne) souffle (pas) Gravures néolithiques près du Moulin de Keriolet à Beuzec-Cap-Sizun », Finistère », Société Archéologique du Finistère, t.CXLIX, 2021, p.23.

(18) BAILLOUD, Gérard, BOUJOT, Christine, CASSEN, Serge, LE ROUX, Charles-Tanguy, Carnac, les premières architectures de pierres, CNRS éd., Paris, 2009, p 64.

(19) CASSEN, Serge TINEVEZ, Jean-Yves, Les mégalithes de Locmariaquer« p. 32

(20) BURL , Aubrey, »Guide des dolmens et menhirs bretons«. Paris, éd. Errance, 1987.

(21) BAILLOUD, Gérard, BOUJOT, Christine, CASSEN, Serge, LE ROUX, Charles-Tanguy, Carnac, les premières architectures de pierres, CNRS éd., Paris, 2009, p.81.

(22) Idem

(23) CASSEN, Serge, « Sites de passage. Le modèle carnacois des pierres dressées à l'épreuve des steppes et des légendes », Guillaume Robin, André D’Anna, Aurore Schmitt & Maxence Bailly. Fonctions, utilisations et représentations de l'espace dans les sépultures monumentales du Néolithique européen / Functions, uses and representations of space in the monumental graves of Neolithic Europe, Presses Universitaires de Provence, p.358.

(24) LUQUET, Georges-Henri, « Sur la signification des pétroglyphes des mégalithes bretons», Revue de l’École d’anthropologie de Paris, 1910, p. 224.

(25) CASSEN, Serge, « Un pour tous, tous contre un… Symboles, mythe et histoire à travers une stèle morbihannaise du Ve millénaire », in: Pratiques funéraires et sociétés : nouvelles approches en archéologie et en anthropologie sociale : actes du colloque interdisciplinaire de Sens, 12-14 juin 2003, Baray L., Brun P., Testart A. (Dir.), Dijon, Editions universitaires de Dijon, 2007, note 2, p. 61.

(26) Dans la tradition étrusque, la partie gauche (« dextra ») de l'augure, l'Ouest (« pars hostilis, inimica »), était associé à la lune et désignait le secteur néfaste des présages tandis que là droite (« sinistra »), l'Est (« pars familiaris, amica »), du côté du soleil, le côté faste. Le célèbre foie de Plaisance était un reflet du cosmos : « La face convexe du Foie est divisée par une ligne en relief, entre les deux lobes ou fibrae où on lit »usils« à droite et »tivr« ou »tivs« à gauche, c’est-à-dire les noms du soleil et de la lune. On admet donc que chacun des deux lobes correspond à une moitié de l’espace ou du temps et que chaque moitié était considérée comme solaire, lumineuse et favorable et comme lunaire, nocturne et défavorable. Cette structure coïncide avec celle qui commande l’art fulgural, où les seize régions du ciel sont réparties en deux moitiés, de part et d’autre de l’axe Nord-Sud, la gauche, vers l’Est, favorable et la droite, à l’Ouest, défavorable. Cette division peut être mise en rapport avec la distinction de deux parties, une »pars familiaris« et une »pars hostilis« ou »inimica«, dont parle Cicéron », GUITTARD, Charles Guittard, « Les animaux dans l’Etrusca disciplina », Schedae, 2009, p.94.

La représentation de la tête de Buthiers avec les deux cercles et un signe en forme de »v« au dessus rappelle étrangement la découverte en 2022 d'un tambour vieux de 5 000 ans dans une tombe ayant accueilli les ossements de trois enfants en Angleterre dans l’Est du Yorkshire (https://www.maxisciences.com/archeologie/un-tambour-vieux-de-5-000-ans-et-les-ossements-de-3-enfants-enlaces-decouverts-en-angleterre_art46625.html?fbclid=IwAR1Fw0-5bUDelA7w795hiA78YHJqIOBw9O8251g4q9Lo2UyXFI8RVRIprUg). Le symbole du »v« est vraisemblablement un oiseau, les deux cercles, peut-être des astres, soit la course du soleil ou le soleil et la lune. Ainsi interprété le tambour, objet rituel avec les symboles de la lune, du soleil et un oiseau en position d'envol pourrait être considéré comme un viatique funéraire accompagnant les défunts dans l'au-delà. Les signes traditionnellement interprétés comme des seins et d'autres aux oreilles des idoles trouvés sur les stèles néolithiques peuvent aussi faire référence à des astres, course du soleil, soleil et lune, comme reflet du cosmos.

(27) CASSEN, Serge, GRIMAUD, Valentin, LESCOP, Laurent, CADWELL, Duncan, « Le rocher gravé de la Vallée aux Noirs (Buthiers, Seine-et-Marne) », Bulletin du Gersar, 2014, Art Rupestre, 65, p.36.

(28) Idem, p.27-32.

(29) Id. p.32.

(30) Id. p.31.

(31) Id. p.31

(32) GENDRY Mickaël, « Mais à quoi servaient les haches emmanchées stylisées du néolithique ? » , site ABP, publié le 9/07/23 ; lien : (https://abp.bzh/mais-a-quoi-servaient-les-haches-emmanchees-stylise-58076)

(33) En Mésopotamie, certaines pierres de fondation ou bornes frontière (»kudurru«) présentent à leur sommet, deux symboles du soleil entourant la lune et à la base des formes quadrangulaires (cf les Kudurru calcaires ou bornes frontières babyloniens :

GENDRY Mickaël, « Et si les mégalithes se racontaient ? Le menhir de Saint-Samson, »pierre de Rosette« du néolithique ? » , site ABP, publié le 2/07/23 ; lien (https://abp.bzh/et-si-les-megalithes-se-racontaient-le-menhir-de-la--58029) :

L’étude des signes gravés propose un discours narratif, dont la lecture est proche des mythes étiologiques de l’Antiquité. Il est question de territorialisation, de fondation, de rites de contemplation et de consécration, d’accès à l’au-delà et de chemins des morts. La finalité du « process » reste largement méconnue. Un culte dédié à certaines entités ou divinités y était-il associé ? Le sentiment du sacré n'implique pas nécessairement la religion. L’échantillon de monolithes qui rend compte de l’existence d’idoles est insuffisant (une dizaine) et géographiquement limité, à la région de Carnac. Les signes traditionnellement dit de l’écusson en Bretagne ont été interprétés successivement comme symboles de déesses mères, des signes phalliques, voire de culte des ancêtres. Si la représentation anthropomorphe des statues menhirs du sud de la France ne fait guère de doute, ni d’ailleurs celle de Buthiers - qui ne comporte pas de seins -, cela apparaît beaucoup moins évident dans le contexte atlantique. Le concept de déesse-mère ou de matriarcat primitif, afférent au néolithique est aujourd’hui largement mis en cause dans la recherche (cf. par exemple : Jean‐Loïc Le Quellec, « Terre mère, matriarcat, primitifs et autres vieilles lunes », »Des Martiens au Sahara. Deux siècles de fake news archéologiques", 2023, Bordeaux, éditions du Détour, p.291-296). Aucune des statuettes dites de déesses-mères n’a pas été retrouvée près des mégalithes. L’identification des déesse mères par les signes gravés sur les menhirs bretons n’a par ailleurs rien d’évident. Selon l'interprétation qui en est proposée, le demi-cercle, avec un rostre sommital serait la tête, les lignes ondulés, les cheveux, le carré en dessous de la tête, le corps, les cercles au milieu du corps, les oreilles. Tous les symboles présentés comme caractéristiques ne figurent pas sur l’ensemble des stèles si bien que toute tentative de définition d'un archétype se révèle au final très fragile. L’autre alternative de signes phalliques paraît, guère mieux assurée. Outre, qu’elle repose là encore sur un nombre très limité de cas, la description anatomique interroge car elle revient à placer les testicules au milieu de la verge, et de considérer celle-ci comme un carré. Également, la séparation du gland de la verge jugé caractéristique apparaît dans un nombre limité de cas (cinq seulement sur la dizaine recensée : Mané Rutual, Mané er Hroëck, Table des Marchands à Locmariaquer, le Petit Mont à Arzon, Le Moustoir à Carnac). Surtout, la dizaine de stèles considérée comme représentative de ce culte apparaît concurremment avec celles de « la chose », le signe dit du cachalot, également les stèles de crosse avec (Mané er Hroëck) ou sans oiseaux (Table des Marchand), ce qui pose aussi la question des correspondances. La représentation du cosmos, par la combinaison du carré (la Terre) et le cercle (le Ciel), sorte de quadrature du cercle ou interface, entourée d’astres, de vagues pour l'Océan primordial paraît tout aussi vraisemblable. Une telle interprétation permet de combiner tous les signes gravés des menhirs, considérés avant, de façon disparate, aléatoire ou séparée, dans un système global et cohérent de pensée, étendu à l'ensemble des sociétés bordières de l'Atlantique au néolithique.


Vos commentaires :
Pascal Lafargue
Vendredi 22 novembre 2024
Bonjour,


C’est là une réflexion intéressante sur cette énigmatique trace du passé.


Je ne peux m’empêcher de penser ici au travail passionnant de l’anthropologue Jean-Loïc Le Quellec, spécialiste des images rupestres.

À l’origine était… la caverne (radiofrance.fr)

S’étant posé la question de savoir pourquoi les hommes du Paléolithique s’obstinaient à peindre/graver profondément dans les grottes, il a émis l’hypothèse que cela pouvait être lié au “grand mythe d’origine”, (“Jean-Loïc Le Quellec, met en œuvre une méthode originale, la “phylomémétique des mythes”, c’est-à-dire l’établissement des liens de parenté entre les mythes du monde par l’analyse de leurs composants. Il démontre qu’un grand mythe de création nourrissait l’ontologie des artistes du Paléolithique : celui de l’émergence primordial, qui s’est rependu sur toute la surface du globe a mesure que Sapiens découvrait de nouveaux territoires”). Selon ce mythe, les hommes et les animaux vivaient au départ sous terre, puis ils sont sortis de la grotte originelle pour se rependre sur la surface du globe.

Dans le cas du menhir de St-Samson, nous n’avons pas à faire à une paroi de grotte comme support, mais cette scène peut tout de même nous faire penser aux entrailles de la terre, avec sa série de galeries. Les petites barques pourraient symboliser le cheminement vers l’extérieur*.

Dans ce mythe, il est aussi dit que l’émergence vers l’air libre est à un moment donné interrompu, certaines versions racontent que la sortie est bloquée à cause d’une femme qui s’est retournée quand elle n’aurait pas du, mais il est aussi souvent question d’un gros animal ou monstre qui bloqua la sortie, le cachalot pourrait être ici l’obstacle. Et peut-être les grandes barques seraient vides puisque les hommes ne pouvaient plus sortir de la grotte…

*Peut-être vers l’intérieur d’ailleurs, car les animaux semblent être positionnés de façon à descendre, et puis les grandes barques vides du dessus pourraient signifier que les hommes les ont quittées pour aller vers l’intérieur de la grotte(?)


Mickael Gendry
Vendredi 22 novembre 2024
Effectivement, les symboles semblent sur un support des mythes. Comme pierres dressées vers le ciel, je continue cependant à penser que les menhirs regardent vers le ciel. Alignements et dolmens sont majoritairement positionnés sur la course du soleil. Le symbole de la seconde barque est clairement associé à un oiseau dans la stèle de Saint-Samson. Les symboles du lituus se retrouvent de façon récurrente dans les mythes étiologiques de l'Antiquité. C'est le cas des Etrusques par exemple mais il en existe bien d'autres. La fondation de Rome est délimitée par un templum céleste par le jeu des augures. Le signe de la crosse qui lui est lié peut être un instrument de chasse à la façon d'un boomerang . Quant à l'outil de la hache emmanchée stylisée, j'ai précisé sa fonction dans le seconde volet de cette interprétation du menhir de Saint-Samson. Levoici : «Les haches emmanchées stylisées associent les signes de la hache polie et de la crosse. Les haches polies sont les outils de prédilection des sociétés néolithiques qui permettent de défricher de nouveaux territoires agricoles. Celles-ci peuvent se présenter à emmanchement direct avec la pierre polie insérée dans le manche en bois ou indirectement dans un amortisseur qui peut être en bois de cerf. La crosse traditionnellement interprétée comme bâton de berger a la forme du « lituus » étrusque, arme de jet et insigne royal puis instrument des augures, que l’on retrouve aussi dans la Grèce antique avec le « lagobolon », sorte de boomerang pour la chasse rituelle ou en Egypte. Elle permet de chasser les animaux ou capter un espace, l'indicible. La combinaison de ces deux outils est une abstraction. Les haches emmanchées sont toujours représentées de manière stylisée, artistique, dans la partie supérieure des monolithes. Elles n’ont pas donné lieu à la construction d’objets. En effet les archéologues n’ont pas retrouvé ces objets, même détruits rituellement. En fait, tout laisse à penser qu’elles pouvaient servaient à ancrer un territoire dans l’au-delà, le délimiter en créant une rupture de plan qui renvoie au système de pensée et de croyances des Hommes du néolithique. Une des clés de cette énigme réside peut-être dans la lecture du Menhir de Saint-Samson-sur-Rance. De façon étonnante, l’ensemble des haches emmanchées sont disposées de façon à figurer un diagramme ou »templum« (« temple du ciel ») qui circonscrit le monde sauvage, la forêt et la mer, la périphérie du territoire approprié. À l’intérieur de la forme quadrangulaire, les haches emmanchées définissent un quadrillage secondaire. Les formes des parcelles sont modifiées à la hauteur des haches emmanchées. Elles semblent indiquer un changement d’état, comme s’il s’agissait de soustraire cet espace. L'agencement des haches emmanchées sur le menhir de Saint-Samson-sur-Rance semble poser la question de la territorialisation des sociétés du néolithique, sur terre mais aussi dans un ailleurs, supra-terrestre, l’au-delà.»

Mickael Gendry
Vendredi 22 novembre 2024
Merci M. Lafargue. J'avais omis de préciser la place de l'oiseau essentielle dans le discours symbolique. Ce symbole (identifié par Serge Cassen) est présent dans de nombreux dolmens comme celui du Mané Lud. Voici la phrase complétée et intégrée au texte : « La seconde sur la face Ouest est intégrée au diagramme, elle est associée à une forme quadrangulaire déformée et un oiseau pour souligner son envol. »

Mickael Gendry
Vendredi 22 novembre 2024
Votre réflexion très intéressante sur le paléolithique m'amène à une seconde remarque. Les mythes du Paléolithique sont liés à des Hommes en mouvement, des sociétés nomades souvent inscrites dans des courants migratoires. La problématique au néolithique est différente car elle s'applique à des sociétés sédentaires attachées à un territoire qui pratiquent l'agriculture et l'élevage et aussi la chasse en périphérie, la pêche pour les sociétés littorales. Comme je le précise à la fin de l'article, il est question de territorialisation. L'enjeu à la fin du néolithique est la fondation ou la refondation d'un territoire : «Une telle projection plaçait la question de la territorialisation ici-bas et dans l'au-delà au cœur les représentations des sociétés néolithiques. L'au-delà était un nouveau territoire à défricher, la hache emmanchée stylisée, son instrument de prédilection (19). L’enjeu était la fondation, voire la refondation ( les deux cercles de pierres conjoints de Er-Lannic) des territoires habités par les communautés du néolithique. Le but était d'arrimer le Ciel à la Terre, comme dans les mythes étiologiques de l'Antiquité»

Jean BOIDRON
Vendredi 22 novembre 2024
Superbe travail !

P. Argouarch
Vendredi 22 novembre 2024
Donc si je comprends bien, il s'agit d'une écriture hiéroglyphique, c'est à dire un système d'écriture figurative, car les caractères qui la composent représentent en effet des objets divers, naturels ou produits par l'Homme tels que des plantes, des figures de dieux, d'humains et d'animaux, etc.

Mickael Gendry
Vendredi 22 novembre 2024
Comme les premières écritures, les symboles sont des systèmes de signes qui sert à transmettre des informations. Les hiéroglyphes sont des écritures sacrées (hieros, sacré en grec) Ils apparaissent à la fin du IVe millénaire avant J.C. Ces signes peuvent représenter un mot (l’œil), un son (ir), une idée (voir, la vue). Il existe plus de 5000 hiéroglyphes. L’écriture en Mésopotamie, contemporaine est d’abord faite de pictogrammes, à l’origine, une suite de dessins. En associant deux dessins, il était possible d’exprimer une action ou une idée. Plus tard, en simplifiant le dessin, les scribes ont créé des signes plus stylisés et complexes, à l’apparence de clous, l’écriture cunéiforme qui comporte aussi des sons. Les symboles encore appelés « éléments signes » sont présents dès le paléolithique. Il est par exemple étonnant que certaines des représentations de Lascaux comportent, elles aussi, des formes quadrangulaires, parfois avec des flèches, associés aux grands animaux, comme s’il s’agissait de territoires de chasse. Ces éléments signes ne sont pas construit comme une écriture « c’est un espace éclaté et non une page qui se lit » (Florence Evin, « Les signes support de mythes, Le Monde, 2017, p.39). Ils laissent la possibilité d'associations mentales diverses. « Ce sont des codifications comme un langage, mais pas sous forme écrite » (Florence Evin, id., p.39). Comme symboles, ces idéogrammes permettent d’appréhender les capacités conceptuelles et sociales. Par exemple, l'étude de Serge Cassen des huit stèles gravées du Mané Lud indique qu'elles s'inscrivent dans un programme iconographique cohérent. Ces symboles ne sont pas des icônes car il ne saurait être question de religion ou de dogme fondées sur la transcendance mais d’un système de croyances ou de vision du monde. Si l'on se réfère à l’étymologie du mot symbole, issu du grec ancien sumbolon (σύμβολον), elle désigne un objet partagé entre deux parties. Appliqué au sacré, le symbole évoque à la fois l’unité perdue et retrouvée au travers des rites. Les mythes étiologiques (de aitia « la cause ») proposent un discours sacré, autrement dit un récit qui donne aux Hommes l'explication de leur monde, le cosmos et leur mode de pensée, tout aussi bien dans le fond que la forme. lls mettent en scène par un jeu d’associations « des univers considérés comme hétérogènes » (DELATTRE, Charles, « ΑΙΤΙΟΛΟΓΙΑ : mythe et procédure étiologique », Mètis 7, 2009, p.288), complémentaires ou opposés, sorte de « pont entre deux mondes » (DELATTRE, Charles, id. p.289) autrement dit « un jeu de miroir et d’illusion » (DELATTRE, Charles, p.307). Tout le récit n'a d'autre but que d'arriver au dénouement, là où sont exprimés les realia, « les choses réelles », dans le cas des mythes de fondation : un territoire, une famille ou la quête des origines. Derrière les realia, la fondation engage les commanditaires qui attendent en retour, autorité ou légitimité. C'est à l'évidence le cas des monuments funéraires que sont les cairns et tumulus destinés à une élite au néolithique et plus largement les menhirs ou les alignements (MOHEN, Jean-Pierre, « Les menhirs magnifient probablement à la fois le lieu et la propriété du territoire. La fonction sociale de cette architecture de la démesure, qui renforce le prestige du chef, se superpose sans doute à une fonction religieuse. Ces monuments étaient supposés mettre en relation le monde tangible avec les forces spirituelles qui présidaient aux représentations du monde », citation dans MAYO, Marielle, « Des pierres dressées pour l'éternité », Les Cahiers de Science et Vie, n°124, 2011, p.85-86). La compétition territoriale très forte voire « le stress territorial » (MAYO, Marielle, « Des pierres dressées pour l'éternité », Les Cahiers de Science et Vie, n°124, 2011, p.79) à cette époque, surtout près de l'océan pouvait rendre favorable « un bouillonnement culturel et idéologique » (MAYO, Marielle, idem, p.79.) . Il était lié à l'affirmation des identités locales. Garant de l'élite - et peut-être lié à « un culte voué à un ou des ancêtres fédérateurs » (GUILAINE, Jean, BOURDAL, Isabelle, « Le passage des esprits aux divinités s'est construit au néolithique », Interview de Jean Guilaine, propos recueillis par Isabelle Bourdal, Les Cahiers de Science et Vie, n°124, août-septembre 2011, p.13), le discours symbolique assurait la cohésion sociale et l’attachement à un territoire, une union entre les hommes et leur terre (« Les ancêtres deviennent une justification de propriété du sol », GUILAINE, Jean, BOURDAL, Isabelle, Interview, op.cit., p.13.). Il est question de fondation et de refondation, une territorialisation ici-bas et dans l’au-delà, selon trois dimensions : terrestre (les signes quadrangulaires), céleste (la hache emmanchée stylisée) et cosmique (les vagues, signe de la chose, le cachalot ou du cétacé, la barque). Le discours symbolique traduit donc un langage, support de mythes. Les mythes se déploient comme un comme un mode de pensée symbolique déterritorialisé, variable selon le temps et l’espace. Ils se racontent à l’envi, au gré des contacts et des échanges. L’agencement des symboles de la pierre de Saint-Samson est probablement, la plus riche à exprimer ce discours (cf. article : « Et si les mythes se racontaient. Le menhir de Saint-Samson-sur-Rance, pierre de Rosette du néolithique ? »)

Mickael Gendry
Vendredi 22 novembre 2024
L’interprétation de la stèle de Saint-Samson-sur-Rance comporte trois dimensions : la dimension terrestre, induite par le tracé réticulaire du parcellaire agricole à la base du menhir, les dimensions supraterrestre, l’au-delà avec la dimension céleste du « templum », délimitée par les haches emmanchées stylisées, la dimension cosmogonique par le chemin des morts et des étoiles, avec les barques posées sur le diagramme, conçu comme un miroir de l’univers (le macrocosme), interface entre le Ciel et la Terre. Au titre des archéologues Serge Cassen et Valentin Grimaud, « La clef de la mer. Une étude des représentations gravées sur la Pierre de Saint-Samson (Côtes-d'Armor) » (2020), je serai tenté d’ajouter que la pierre de Saint-Samson comporte aussi une clé des champs (clé de la Terre) et une clé du cosmos de la conception des sociétés du néolithique. La clé des champs est le territoire habité, approprié et vécu des sociétés du néolithique. La clé céleste est celle qui se donne au coucher quand la course du soleil s’efface à l’horizon, la clé du cosmos, le trajet des étoiles, la nuit.

Mickael Gendry
Vendredi 22 novembre 2024
J’ai réalisé la première esquisse du diagramme ou « templum » céleste de la stèle de Saint-Samson alors que surveillais les épreuves de brevet d’histoire-géographie, fin juin 2023. Disposant ce jour-là, uniquement du dessin figurant la synthèse des signes gravés proposés par les archéologies Serge Cassen et Valentin Grimaud, je me suis amusé à colorier les symboles, pour fixer mon attention dans la salle. M’appuyant sur une conception de la géographie, telle que la conçoit Roger Brunet sur « le déchiffrement du monde » j’ai tenté alors de retrouver les points, lignes et surfaces qui pouvaient être à l’œuvre dans la composition. C’est alors qu’en reliant les symboles, je me suis aperçu que, rien, en fait, ne relevait du hasard. Il en a découlé le diagramme du « templum » et la ligne diagonale du chemin des morts. Ce déclic est cependant le résultat d’une recherche entamée depuis deux décennies dans la recherche sur les rites de consécration, d’inauguration et les mythes étiologiques dans l’Antiquité («L’église, un héritage de Rome», 2009), comme le fruit d’un long cheminement, patient.

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