LBDH : la France critiquée par le Comité des droits de l'Homme des Nations unies

Communiqué de presse publié le 28/07/08 9:47 dans Justice et injustices par Michel Herjean pour Michel Herjean

La France a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et, à ce titre, le Comité des droits de l'Homme des Nations Unies a procédé à l'examen, en audience publique, de la situation des droits humains en France les 9 et 10 juillet 2008 à Genève.

Afin de préparer cet examen, les organisations non gouvernementales qui avaient présenté des contre-rapports se sont préalablement réunies pendant près de 2 heures avec les experts internationaux membres du Comité.

Étaient présents Giza Eskubideen Euskal Herriko Behatokia (Observatoire Basque des Droits Humains), Human Rights Watch, la FIDH (Fédération Internationale des droits de l'Homme), l'ACAT (Association des Chrétiens pour l'abolition de la Torture), la Ligue Française des Droits de l'Homme ainsi que la CIMADE.

La délégation du Gouvernement français, qui fut longuement interrogée par les membres du Comité, était composée de près d'une vingtaine de fonctionnaires provenant essentiellement des ministères de la Justice et de l'Intérieur.

Suite à cet examen approfondi, le Comité a adopté ses observations finales par lesquelles il a fait part publiquement, «le 25 juillet 2008», de ses principaux sujets de préoccupation et de ses recommandations.

«Les droits des peuples et des minorités»

Auprès des experts du Comité, Behatokia était intervenu de manière spécifique en faveur des droits des peuples et des minorités. L'Observatoire Basque des Droits Humains a souligné l'absurdité de la position de l'Etat français pour lequel, dans une déclaration interprétative du Pacte, les minorités ne peuvent avoir de droits reconnus puisqu'en France les minorités ne peuvent pas juridiquement exister.

«Ainsi, la Constitution française refuse de reconnaître d'autres peuples que le peuple français.» A cet égard, à plusieurs reprises devant le Comité, les autorités françaises se sont réfugiées derrière la conception « française » des droits humains pour refuser de reconnaître tout droit collectif et combattre ce qu'elles qualifient d'expressions du «communautarisme ».

Finalement, le Comité recommande à l'État français de réexaminer sa position concernant la reconnaissance officielle des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, conformément aux dispositions de l'article 27 du Pacte .


La législation anti-terroriste

Dans leurs contre-rapports et interventions, Behatokia et Human Rights Watch avaient insisté sur les atteintes aux droits résultant de l'application en France de la législation anti-terroriste.

À ce sujet, dans ses observations finales, le Comité note que les actes de terrorisme représentent une menace pour la vie mais il s'inquiète de ce que la loi no 2006/64 du 23 janvier 2006 permet de placer en garde à vue les personnes soupçonnées de terrorisme pour une période initiale de quatre jours, avec une prolongation possible jusqu'à six jours, avant de les déférer devant un juge qui décidera l'ouverture de l'instruction judiciaire ou la remise en liberté sans inculpation.

Il relève aussi avec préoccupation que dans le cas des personnes en garde à vue soupçonnées de terrorisme l'accès à un avocat n'est garanti qu'au bout de soixante douze heures et peut encore être reporté jusqu'au cinquième jour quand la garde à vue est prolongée par un juge.

Le Comité note aussi que le droit de garder le silence pendant l'interrogatoire de la police concernant toute infraction pénale, qu'elle soit ou non liée à des actes de terrorisme, n'est pas explicitement garanti dans le Code de procédure pénale .

Selon les recommandations du Comité, la France devrait veiller à ce que toute personne arrêtée du chef d'une infraction pénale, y compris les personnes soupçonnées de terrorisme, soit déférée dans le plus court délai devant un juge, conformément aux dispositions (…) du Pacte.

Le droit de communiquer avec un avocat constitue également une garantie fondamentale contre les mauvais traitements et l'État partie devrait faire en sorte que les personnes en garde à vue soupçonnées de terrorisme bénéficient sans délai de l'assistance d'un avocat. Toute personne arrêtée du chef d'une infraction pénale devrait être informée qu'elle a le droit de garder le silence pendant l'interrogatoire de police, conformément au paragraphe 3 g) de l'article 14 du Pacte.

Le Comité demeure préoccupé par la longueur de la détention provisoire dans les affaires de terrorisme et de criminalité organisée, qui peut atteindre quatre ans et huit mois.

Le Comité note que l'assistance d'un avocat de la défense et le réexamen périodique de la détention par le juge des libertés et de la détention en ce qui concerne le fondement factuel et la nécessité invoquée de la détention sont garantis et qu'il existe également un droit d'appel. Néanmoins, la pratique institutionnalisée d'une détention prolongée aux fins d'enquête, avant la mise en accusation définitive et le procès pénal, est difficilement conciliable avec le droit garanti dans le Pacte d'être jugé dans un délai raisonnable .

Pour le Comité, l'État partie devrait limiter la durée de la détention avant jugement et renforcer le rôle des juges des libertés et de la détention .

«Les autres principales constatations du Comité»

Plusieurs autres questions importantes ont fait l'objet de recommandations du Comité. Pour le Comité, la France devrait réexaminer la pratique consistant à placer des personnes condamnées pénalement en rétention de sûreté après qu'elles ont accompli leur peine de réclusion en raison de leur dangerosité à la lumière des obligations découlant du Pacte.

Selon le Comité, la France devrait intensifier ses efforts pour diminuer la surpopulation dans les prisons et renforcer son contrôle des établissements pénitentiaires de façon énergique, afin de garantir que toutes les personnes en détention soient traitées conformément aux prescriptions (…) du Pacte, dans le respect de la dignité humaine et à l'ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

Le Comité a aussi examiné de nombreux aspects de la politique gouvernementale à l'égard des étrangers : rétention administrative, droit d'asile, regroupement familial, mesures d'éloignement, Le Comité a souligné les nombreuses insuffisances de la législation française dans ce domaine.

Le Comité a critiqué la multiplication des fichiers en France et a recommandé que l'État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour garantir que la collecte, le stockage et l'utilisation de données personnelles sensibles soient compatibles avec les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

Le Comité critique la législation française qui interdit le port de signes religieux dans les établissements scolaires."

Le suivi des recommandations du Comité

Selon l'article 55 de la Constitution française, les stipulations des traités, et notamment celles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ont une valeur supérieure à la loi.

La France, État partie au Pacte, doit s'efforcer de mettre en œuvre les recommandations du Comité. Pour leur part, les organisations non gouvernementales doivent se fixer pour tâche d'en assurer le suivi.

LBDH M. Herjean

PS le rapport peut être adressé sur demande à l'adresse :vefa.herjean-kerrain@wanadoo.fr


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