Certes, la justice d'exception française est condamnable, à chaque fois que nous en avons eu l'occasion à la LBDH, nous nous sommes employés à le faire. A notre avis, ce qui est encore plus pervers et condamnable, c'est la manière employée par les dirigeants politiques, toutes tendances confondues, ou les responsables de cette justice d'exception, pour mentir et tromper les citoyens en orientant délibérément les enquêtes judiciaires. La semaine dernière, en suivant l'actualité nous avons eu l'impression de nous retrouver un peu plus de huit ans en arrière : au lendemain de l'attentat du Mac Do de Quévert.
« L'effet d'annonce comme mode d'accusation pour abuser les citoyens et influencer la justice. »
Sans préjuger de l'idéologie véhiculée par les militants de l'ultra-gauche, nous ne pouvons que constater que les méthodes employées à leur encontre sont détestables. Dès l'arrestation d'une dizaine de personnes dans le cadre de l'enquête sur le sabotage contre des lignes SNCF (sabotage, au demeurant, sans risque pour les personnes), «la ministre française de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, s'est empressée de convoquer une conférence de presse» pour porter de graves accusations contre les personnes interpellées, avant même que ne débute l'enquête.
«C'est exactement ce qu'avait fait la procureure Irène Stoller le jour même de l'explosion mortelle survenue à Quévert le 19 avril 2000 quand elle affirmait avec aplomb connaître l'origine précise des explosifs utilisés et indiquait la seule piste convenable à ses yeux, celle des indépendantistes bretons.» Quand on sait que les rapports d'expertise sur les explosifs ne sont remis au juge d'instruction que dans un délai minimum d'un mois après la réception de la demande du juge d'instruction ... et que la société autrichienne fabriquant et diffusant ces explosifs les vend dans plusieurs pays. Il est malhonnête d'être précis le jour même de l'explosion pour affirmer leur origine. Prétendre qu'ils proviennent du stock volé à Plévin est très osé.
De même, Madame Le Branchu, garde des sceaux, avait affirmé publiquement certains faits accusateurs en cours d'instruction. Dès sa nomination place Vendôme elle était intervenue lors d'un entretien avec Patrick Poivre d'Arvor sur TF1, sur TV Breizh, dans le Journal du Dimanche et sur France 3 Ouest le 24 décembre 2000. Présente à l'assemblée générale de SOS-ATTENTATS le 27 janvier 2001, elle n'hésitait pas à déclarer : « Par les interpellations des membres les plus radicaux de l'armée révolutionnaire bretonne, au cours du mois d'octobre 2000, interpellations qui ont permis de neutraliser ce mouvement clandestin et d'interrompre ses activités criminelles qui avaient entraîné la mort de la jeune Laurence Turbec, le 19 avril, à Quévert ».
De telles déclarations, pourtant prononcées par des personnes ayant autorité et politiquement opposées, déclarations largement médiatisées, ne peuvent que nuire à la recherche de la vérité. Les principes d'indépendance de la justice inscrite dans la constitution française (article 64) et de la présomption d'innocence (loi du 15 juin 2000) sont ouvertement bafoués par ceux-là mêmes qui sont censés appliquer les lois.
Pour la LBDH M. Herjean
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