LBDH : huit ans après, l'ombre de Quévert va-t-elle planer à nouveau sur l'Emsav ?

Communiqué de presse publié le 23/10/08 3:59 dans Justice et injustices par Michel Herjean pour Michel Herjean

Rappelez-vous Quévert, le 19 avril 2000, et le déchaînement médiatique qui a suivi, orchestré par Madame Stoller, responsable du parquet anti-terroriste de Paris. L'après-midi même du drame, elle désignait les coupables sans que la moindre investigation n'ait été faite. Dès cet instant, pour elle ce ne pouvait être que l'œuvre de l'ARB et donc de sa vitrine légale, Emgann selon elle.

« La messe était dite»

Le juge Thiel fut chargé d'instruire. Deux dossiers distincts : le premier rassemblait les affaires des Mac Donald de Pornic et de Quévert et l'attentat manqué contre la Poste du Mail Mitterrand à Rennes, le second les différents attentats commis en Bretagne et en France depuis l'année 1993. Il en résulta une période de répression sans précédent contre les militants indépendantistes et leur mouvance, interpellations, gardes à vue, prises d'ADN pour des dizaines de militants, 11 d'entre eux seront mis en examen.

Après deux ans d'instruction, le 29 janvier 2002, le juge Theil en charge de ces deux dossiers décida de les joindre. Seul le juge Thiel et sa hiérarchie connaissent les vraies raisons de cette jonction. La raison la plus évidente pour qu'il l'ait faite était qu'il n'avait objectivement pas d'éléments suffisants dans l'affaire de Quévert pour renvoyer qui que ce soit devant une cour d'assises.

«Le traumatisme causé en Bretagne par cet attentat servirait ainsi à freiner les soutiens aux militants poursuivis et surtout à les condamner plus lourdement au procès en y laissant planer l'ombre de Quévert.»

Les débats et le verdict du procès (du 1er au 26 mars 2004) ont mis en évidence les soupçons de manipulations que nous avions décelés. Les magistrats–jurés ont prononcé un acquittement général en ce qui concerne Quévert mais aussi pour l'un des deux autres attentats de ce dossier joint, celui du Mac'Do de Pornic. L'accusation et le juge Thiel s'étaient appuyés sur l'attentat de Pornic et la tentative de Rennes pour étayer leur démonstration sur la culpabilité des quatre mis en examen pour une complicité dans l'attentat de Quévert. Pendant l'audience, donc publiquement devant les journalistes et les observateurs présents, le président de la Cour d'assises spéciale, le juge Verleene, avait fait part de ses doutes quant à la possibilité de connaître les auteurs de l'attentat meurtrier à l'issue de l'audience. Condamnés le 26 mars 2004 pour des faits avérés dans le premier dossier, les militants sont mis hors de cause dans le second.

«Le parquet général de Paris fait appel»

Avec l'appel du parquet général de Paris contre cet acquittement, les dossiers ont à nouveau été disjoints pour des raisons toutes aussi politiques que l'étaient celles de la jonction par le juge Thiel. La solution trouvée par le parquet général de renvoyer trois personnes devant une cour d'appel spéciale composée de deux magistrats-jurés supplémentaires et d'un nouveau président pour connaître la vérité est illusoire.

Pendant quatre ans, le juge Thiel avait fait croire à la famille de Laurence Turbec que les responsables de sa mort étaient connus. La cour d'assises spéciale a dit le contraire. Cette solution du Parquet de renvoyer trois hommes devant un tribunal avec le même dossier sans nouvelles investigations ni de nouvelles pistes ne peut satisfaire la famille Turbec. Elle est concernée au premier chef, elle avait décidé de ne pas faire appel. Pour connaître la vérité, il y avait sans doute autre chose à faire que de s'acharner contre ces militants politiques. L'appel du parquet déposé dans les dernières minutes de la date autorisée par la loi sentait vraiment la magouille politico-judiciaire à plein nez. Le 5 avril 2004, le Procureur Général de la République a normalisé la déclaration de l'appel. Il a été suivi dans la procédure par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation qui a retenu le12 mai 2004 implicitement la recevabilité de l'appel.

En France, le recours à l'appel en matière criminelle est récent. La loi du 15 juin 2000 a introduit dans le Code de Procédure Pénale (articles 380-1 à 380-15) 1a possibilité d'un appel en matière criminelle notamment pour les accusés condamnés. Ce dispositif a été revu par la loi du 4 mars 2002 qui a modifié l'article 380-2 du Code de Procédure Pénale en y ajoutant un alinéa mentionnant que le Procureur Général peut également faire appel des arrêts d'acquittement. Rien n'indique par contre que cet appel du procureur général peut être partiel. Huit ans après les faits, trois militants politiques vont être rejugés pour des faits pour lesquels ils ont été mis hors de cause. Quatre ans d'attente pour eux et leurs proches. Quatre ans d'attente aussi pour la partie civile qui n'avait pas jugé bon de faire appel, déçue par la tenue des débats et du verdict, estimant probablement qu'on lui avait caché la vérité pendant l'instruction.

«La justice politique de l'État français a-t-elle décidé ainsi de refaire planer l'ombre de Quévert sur le mouvement breton huit ans après ?»

M. Herjean


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