Les envoyés des Amitiés kurdes de Bretagne (AKB) font partie des rares observateurs, journalistes, photographes qui se trouvent aujourd'hui au Kurdistan syrien (Rojava), alors que les djihadistes de l'EIIL, (État islamique en Irak et au Levant) font le siègent des cantons de Djézire et surtout de Kobane, dans l'indifférence générale, malgré les appels du Congrès national du Kurdistan (KNK) et de la Coordination Nationale Solidarité Kurdistan(CNSK). On s'interroge légitimement sur le silence de la presse. Nous attendons les déclarations enflammées de notre ministre des Affaires étrangères, si prompt à délivrer une fatwa contre le dictateur Bachar El Assad, mais bien muet quand il s'agit de dénoncer les agissements des hordes islamistes qui veulent imposer la charia. La délégation AKB sillonne depuis une dizaine de jours la région de Djézire, de Serekanyê (Ras al-Ain), ville qui porte les stigmates de mois de durs combats contre les djihadistes, à Derik pour visiter un camp de réfugiés, en passant par Amude, où siègent les conseils exécutif et législatif du canton et, bien sûr, Qamishli où elle multiplie les contacts. Il ressort déjà des informations recueillies que la population civile souffre mais reste déterminée : elle n'a jamais plié devant la dictature de Bachar El Assad, elle ne pliera pas devant la terreur djihadiste.
«Les Kurdes de Syrie mènent de front une révolution démocratique et une guerre contre le terrorisme. L'autonomie démocratique a été décrétée officiellement le 21 janvier 2014. Elle repose sur les principes de la démocratie participative et se substitue à l'ancien régime de Bachar El Assad partout où les Kurdes contrôlent leur territoire, c'est-à-dire la plus grande partie de Rojava (Kurdistan Occidental). Cependant la principale menace pour cette toute jeune démocratie n'est pas la dictature baasiste, mais les attaques répétées des groupes djihadistes, aggravées par l'hostilité de ses voisins et la passivité de la communauté internationale. Ici la défense de la terre est indissociablement liée à la lutte pour la démocratie».
Il ne s'agit pas d'une lutte nationaliste : si la majorité de la population est kurde, elle partage la terre – et le pouvoir – avec d'importantes minorités, arabe, syriaque ou arménienne. Toutes sont représentées dans les institutions de l'Autonomie démocratique, qui affirme ne pas chercher à créer un état kurde, mais à bâtir un Moyen-Orient démocratique. C'est peut-être cela qui effraie tant ses voisins.
Aziz, 45 ans, monte la garde devant la Direction des Relations diplomatiques du canton de Qamishli, assis sur une chaise de jardin, une vieille Kalachnikov posée sur les genoux et un verre de thé à portée de la main. Malgré l'arme et la cartouchière, il ne ressemble pas à un soldat, mais à un père de famille et à un ouvrier du bâtiment, volontaire pour défendre les siens. Mais ces combattants et ces combattantes de circonstance, étudiant, camionneur, mère au foyer, fleuriste, ont une telle détermination que les djihadistes qui ont conquis la moitié de l'Irak en quelques jours s'y cassent les dents depuis des mois.
«La solidarité est partout, mais un embargo quasi-complet depuis un mois et demi pèse lourd sur Rojava. Si les besoins alimentaires sont globalement satisfaits, tous les produits d'importation subissent une inflation importante et diverses pénuries apparaissent, notamment sur certains produits de santé. L'industrie souffre de difficultés d'approvisionnement, l'entretien de l'outil de production - agricole, pétrolier - des réseaux d'eau et d'électricité, etc. devient problématique. Les réseaux de téléphone mobile et d'internet ne fonctionnent plus et les coupures d'eau et de courant sont quotidiennes».
Difficile dans ces conditions de construire une nouvelle vie sur le territoire kurde. Et pourtant c'est le miracle quotidien de Rojava depuis trois ans… mais pour combien de temps encore ?
André Métayer
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