On apprend aujourd'hui que pour aider à la mutation et à la modernisation d'une presse écrite en grande difficulté, l'État met sur la table 600 millions d'euros pour les trois ans qui viennent. Pourquoi, alors que les caisses de l'État sont vides et que les banques, qui sont autrement plus indispensables pour faire marcher l'économie, ont besoin de toute l'attention de l'État, le gouvernement veut-il aider une industrie devenue pas plus rentable que le bassin minier lorrain au début des années 80 ? Parce que la presse écrite, de gauche ou de droite, est aussi le pilier de l'État, de ses institutions, de la culture majoritaire et de son rouleau compresseur des cultures non-françaises ou des minorités nationales niées et déniées. La presse écrite est née avec les États-nations, elle disparait avec eux. Un autre média, l'internet est né avec l'éclatement des frontières et la mondialisation. Il est devenu aussi le support des communautés historiques, éclatées ou pas, avec ou sans État.
Les médias internet sont pour la plus part indépendants du pouvoir mais l'État va faire son entrée : «les médias Internet auront un statut d'éditeur de presse en ligne. Le régime fiscal de la presse s'appliquera aux sites Internet d'information s'ils emploient des journalistes professionnels. Ils bénéficieront de subventions au titre de l'innovation» (mais qui décide ce qui est innovant ?). Une bonne nouvelle : ils pourront aussi faire appel au mécénat, par le biais de fondations, dont les donateurs bénéficieront d'une réduction d'impôt de 60 % des sommes versées. Une moins bonne car on imagine les entourloupettes fiscales : les sites de la presse écrite existante bénéficieront aussi de ces mesures.
Pour l'internet, la réalité c'est que les recettes publicitaires sont au point mort et que le business modèle fait toujours défaut. Comme l'a dit à propos de Ouest-France, le directeur général délégué du groupe Sipa, Philippe Toulemonde, il n' y a que google et deux ou trois autres qui gagnent vraiment de l'argent avec la publicité sur internet. Agoravox et ABP ont renoncé. Rue89 et mediaparts n'arrivent pas a joindre les deux bouts comme tous les nouveaux médias uniquement en ligne. Et tout ceci même si les recettes publicitaires enligne représenteraient aujourd’hui 59% de celles de la télévision d'après SRI et que la publicité sur le net aurait atteint 2 milliards d’euros en 2008 selon le SRI. C'est surtout aux USA, pas en France. Si Ouest-France admet ne pas faire son beurre avec la publicité enligne, on se demande qui alors gagne de l'argent ? Probablement les agence publicitaires.
On apprend aussi que « Tout jeune de 18 ans aura la possibilité de bénéficier, l'année de sa majorité, d'un abonnement gratuit à un quotidien de son choix. » Le journal sera payé par l'éditeur, le transport par l'État. Ben voyons. C'est un peu comme les cartouches de cigarettes gratuites que l'armée donnait aux appelés. Vous accrochez d'abord. Vous faite payer ensuite.
Pour le portage : l'aide directe de l'État au portage des journaux à domicile passera de 8 à 70 millions d'euros. Toujours rien pour le portage électronique. Autrement dit le portage du papier est subventionné mais pas le portage des électrons.
Alors que le royaume Uni et l'Allemagne fédérale ont arrêté toutes aides à la presse, en France la part de la presse dans les dépenses de communication de l'État va passer de 20 % à 40 %. Retour à l'époque Pravda ?
■