La lumière, élément constitutif du patrimoine des phares

Article publié le 22/04/12 6:01 dans Patrimoine par Marc Pointud pour Marc Pointud
https://abp.bzh/thumbs/25/25616/25616_1.jpg
Le regard d'un phare vivant...

Qu'est-ce qu'un phare ?


La question peut paraître iconoclaste... Mais, pour autant, ne faut-il pas s'interroger à propos de la définition de ce mot. Que recouvre-t-il exactement ?

Le dictionnaire de l'Académie indique qu'il s'agit d'une « Tour élevée sur une côte ou en mer, portant à son sommet une source lumineuse puissante qui sert à guider les navires pendant la nuit ». Comme on le voit, un phare n'est pas qu'une construction élevée au-dessus du niveau de la mer. C'est une construction qui porte une lumière émettant un signal de reconnaissance pour informer les navigateurs de la présence de dangers ou de la côte. Ainsi, par métonymie, le mot phare désigne-il la source lumineuse elle-même. Les langues nord-européennes désignent le « phare » avec un mot composé des sens « tour » et « lumière » ou « feu » (comme Leuchtturm en allemand, fyrtårn en danois -fyr = feu- ou le breton tour-tan = tour à feu).

 

La lumière du phare serait-elle alors consubstantielle à ce type d'établissement ? Oui, à n'en pas douter. Sinon, quel aurait été l'intérêt d'élever ces tours à grands renforts de peine, d'inventivité et de finances si ce n'est pour y percher au sommet la lumière salvatrice attendue des marins ?  La lumière est donc « naturellement intégrée » à l'existence du phare. Ce qui peut être posé autrement, à savoir qu'une tour sans lumière dirigée, maintenant ou dans le passé, à l'attention des navigateurs ne peut être considérée comme un phare.

Lorsque l'on parle de « patrimoine des phares » on sous-tend que la construction dénommée « phare » est constituée d'un certain nombre d'éléments ayant une valeur, historique ou culturelle, qu'il convient de préserver afin de les transmettre aux générations futures.  Au premier chef, le patrimoine matériel du phare inclut les parties constitutives de ce phare : la tour avec sa construction, sa forme et ses matériaux ainsi que ses éventuelles annexes, et bien entendu la lanterne avec son « moyen pour faire la lumière », appareillage qui engendre la lumière, élément justificatif de l'existence du phare.

La définition indiquée au début de cet article stipule que la lumière d'un phare doit être puissante. Certainement une lumière aussi puissante que possible pour prévenir les navigateurs, du moins tel est le projet initial du concept du phare, même si la source et la puissance de cette lumière ont bien entendu varié au cours du temps, à l'aune des découvertes technologiques. Depuis le feu dans un brasero des anciens phares aux appareils lenticulaires de Fresnel la recherche de cette puissance a été une constante déterminante de l'avenir des phares. Mais il a toujours été question de lumière, à savoir « ce qui éclaire et qui rend les corps visibles », selon le dictionnaire cité plus haut. Une tour émettant des ondes autres que celles propres à la lumière ne peut être considérée comme un phare. Ce serait une antenne ou tout autre pylône mais pas un phare.

Peut-on, dès lors, parler de phare lorsqu'il s'agit d'une tour qui n'a jamais porté une lumière, quelle que soit la qualité et l'histoire de cette tour ? En toute logique, certainement pas. Inversement, une tour originellement prévue à une autre destination mais qui a servit de support à une lumière en direction des navigateurs est qualifiée de phare. Les exemples sont nombreux.

Finalement, que vaut la notion de patrimoine appliquée aux phares ? Elle n'a de justification que si l'objet même de cette notion est un phare, une construction qui porte une source lumineuse à destination des navigateurs.

De ce point de vue, retirer la lumière d'un phare ce serait l'amputer de l'élément constitutif de sa vraie nature. Mais alors, que dire des anciens phares éteints qui ont perdu leur appareillage ? Sont-ils partie du patrimoine des phares ? Oui certainement mais à titre historique. Leur lumière appartient désormais au souvenir, aux archives, aux témoignages sous toutes leurs formes. Ils sont en quelque sorte comme « fantomatiques » et leur présence ressemble au témoignage d'un passé qui s'éloigne en laissant place essentiellement à des considérations architecturales et historiques.

Le patrimoine maritime flottant soulève l'enthousiasme de foules innombrables car il est navigant, c'est-à-dire vivant. De même les phares en service.

Ne laissons pas mourir nos phares vivants en les désarmant de leur lumière.


Marc Pointud, président de la Société Nationale pour le Patrimoine des Phares et Balises


Vos commentaires :
Alwenn
Vendredi 15 novembre 2024
Très intéressant. La Bretagne sans les phares ne serait plus la Bretagne.

Les phares permettent aussi de se perfectionner en linguistique !

«Les langues nord-européennes désignent le « phare » avec un mot composé des sens « tour » et « lumière » ou « feu » (comme Leuchtturm en allemand, fyrtårn en danois -fyr = feu- ou le breton tour-tan = tour à feu)»


Anti-spam : Combien font 6 multiplié par 4 ?