Comme en témoigne l’article du Télégramme daté du 4 février dernier – « ces lieux-dits obligés de changer de nom » – la pression ne ralentit pas lorsqu’il s’agit de débretonniser. Et pourquoi la pression ralentirait-elle ? Nous avons contre nos langues, le droit. Nos langues ne sont pas génératrices de droits mais ne constituent qu’un patrimoine, lequel peut fort bien disparaître si l’on n’y prend garde.
Mais la survie de nos langues affronte encore trop souvent l’indifférence. Il est des choses tellement plus importantes… Avant que l’affaire des noms de lieux de Telgruc-sur-Mer n’éclate au cours de l’année 2019, l’association EOST avait saisi le Président en exercice de la Région Bretagne, Loig Chesnais-Girard qui l’avait éconduite en lui rappelant que l’affaire des noms de lieux ne relevait que de la compétence communale. Ce n’est qu’après, voyant la pression médiatique grandissante, que ledit président de Région évoquera la question.
De même, le maire de Telgruc de l’époque n’a jamais vraiment compris où se situait le problème. Fort heureusement, le nouveau Conseil municipal de la même commune s’est inscrit dans le respect de notre toponymie bretonne montrant ainsi que Telgruc-sur-Mer se situe bien en Bretagne et non pas dans une banlieue éloignée de Paris. La Bretagne a tout à gagner au respect de sa singularité.
Mais surtout, comprenons que le temps joue contre nos langues, car nous subissons encore cette pression de la modernité, ce « haut-modernisme » évoqué par l’auteur James C. Scott *. Cet auteur nous démontre que l’Etat avance toujours par le droit. Et le droit, la norme n’ont d’autre objet que de nommer, de contrôler et de détruire toute forme de diversité, car du divers, naît la résistance. Cette philosophie « haut-moderniste » a sévi au 19e siècle. Nous lui devons cette joyeuseté que fut le colonialisme et la croyance en la culture et la langue supérieure. Mais elle n’est pas morte, cette idéologie. C’est elle qui ressurgit avec cette volonté de pouvoir apporter des colis au plus vite, à pouvoir tout repérer sur le GPS et sans la moindre entrave. Selon la loi de modernisation de l’économie de 2008, seuls les foyers disposant d’un numéro et d’un nom de voie pourront être raccordés à la fibre optique.
Rien n’a changé. Le progrès et la destruction de la différence marchent toujours main dans la main. Et de nous dire que la vie d’un homme ne tient parfois qu’à une toponymie bretonne, source d’erreur de localisation GPS ! Nous n’avons pas encore été assez culpabilisés dans l’histoire d’être ce que nous sommes ?
Il est choquant de voir des administrations imposer des changements de noms aux communes au nom d’une pseudo-modernité. Le rouleau compresseur avance, et il nous faut faire preuve de volonté pour opposer une résistance au « progrès ». Nous ne devons jamais reculer sur la moindre appellation traditionnelle. Nos maires sont en première ligne. C’est leur devoir impérieux de résister au nom de la préservation du patrimoine de l’humanité avec la même exigence que celle incarnée par la biodiversité. La diversité culturelle et la biodiversité subissent les mêmes outrages au nom d’une pseudo modernité. De leur protection dépend la survie de l’humanité !
Il est d’autant plus dommageable de céder qu’avec un peu de jugeote on s’aperçoit que le progrès se concilie aisément avec nos noms de lieux. Les machines ont des ressources qui permettent de se repérer dans toutes les langues. Et si tel n’est pas le cas et bien, c’est que ce n’est pas un progrès humain, et qu’il nous faut le rejeter.
Il n’est pas facile de résister au torrent, à la force des administrations et autres autorités revêtues de prestige. Certains d’entre nous baissent les bras, car on ne peut décemment toujours être sur la brèche, partout. Toujours, nous sommes en position défensive.
Et bien ne soyons plus sur la défensive ! La liste « Bretagne ma vie » par la voix de Daniel Cueff vient d’annoncer ce jeudi 4 mars, à Ouessant, la mise en œuvre d’une opération de recensement général et de mise en valeur de l’ensemble de la toponymie de Bretagne, dès la victoire aux élections régionales. Nous avons les vieux cadastres et la mémoire de nos anciens. Comme beaucoup, je sais encore le nom des champs de mon grand-père, sur lesquels s’entraîne aujourd’hui le Stade Brestois à Penhelen.
Il est temps d’aller de l’avant pour recenser, renommer, nous réapproprier enfin notre territoire de Bretagne, de soutenir nos langues bretonne et gallèse. C’est à la Région de s’impliquer et de mener cette opération en relation étroite avec les mairies. Rien ne nous empêche de créer cette base de données, la plus complète possible, en orthographe adaptée, et d’indiquer ces appellations à l’endroit même où elles étaient usitées par nos anciens.
C’est par le nom que tout commence non ?
*James C. Scott : « L’œil de l’Etat - Moderniser, uniformiser, détruire » - éd la découverte 2021.
Yvon OLLIVIER
■Kostez Roazhon (Rahon) ez eus ur vandennig «integristed» hag a fell dezho trein «rik» , kuit da implij trefoedaj.
Diw skwerenn:
-war an hent trezek Pondi , us da Wened.
Trein «Le Poteau» gt. «Ar Poto» , lec'h gave gwechal « Lann gwenn».
-'tal kichen Trebeurden ( Bro Dreger) gaver «Le Corsaire» deuet diwar anv ur c'hafe troet «Ar c'horser» , lec'h an anv lec'hiadenn a oa Kroaz golo .
Ha sotoni sorse gaver meur a hini amañ hag ahont er Vro-ni.
Tiern e peb Amzer
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