C'est un questionnement universel, quand les territoires mettent en cause la validité voire la légitimité des pouvoirs centralisés.
Ce questionnement est aujourd'hui évident en Catalogne, en Ecosse, en Flandre, dans le Pays basque mais même sous la monarchie absolue il n'a jamais cessé dans ce pays.
La création des départements n'avait qu'un objectif, mettre fin à l'autonomie des provinces d'Etat et surtout des provinces «réputées étrangères», comme la Bretagne.
Dès la fin du XIXème siècle et après le désastre de 1870, le pouvoir républicain a commencé à envisager une certaine déconcentration qui ne s'est manifestée qu'en 1919, mais dans un cadre strictement économique et pilotée par les Chambres de commerce
C'est le régime collaborationniste de Vichy qui, pour la première fois, créera des régions administratives censées donner un peu de liberté aux territoires, la Bretagne s'en trouvera amputée.
Après la Libération, les différents régimes reprendront cette régionalisation, des Igamies aux Circonscriptions d'action régionale, aux EPR et finalement aux régions Defferre.
Sachant que ces découpages régionaux ont été réalisés dans le secret des bureaux parisiens, sans aucune consultation des populations concernées et que la partition administrative vichyste de la Bretagne était maintenue malgré les protestations des Bretons, il faut l'écrire, cette «régionalisation» du point de vue de la démocratie n'a été qu'une farce.
Dans les années 90 du siècle dernier, des tentatives ont été faites pour rapprocher le pouvoir du peuple, ce furent par exemple les projets de retour aux «Pays» qui avaient encadré pendant des siècles les relations humaines au sein de nos territoires.
Puis, face au nombre extravagant de communes dans cet Etat, plus de 36 000, il fut décidé de les regrouper pour qu'elles mutualisent leurs moyens humains et matériels, mais c'est tout le contraire qui s'est produit . En fait les communautés de communes ont constitué une nouvelle couche administrative, avec personnel, bâtiments, voitures de fonction, publications dédiées, etc…, soit un coût supplémentaire pour les contribuables.
Si bien qu'aujourd'hui, de l'Etat aux communes il y a trois niveaux administratifs, régions, départements et communautés de communes, ce qui, en diluant les pouvoirs locaux assure la toute puissance de l'Etat central et, de plus, grâce au principe de compétence générale assure la multiplication des financements croisés et jette ainsi un flou sur les responsabilités des investissements. Loin de favoriser le contrôle démocratique des dépenses, cet empilement favorise toutes les dérives !
Bien entendu, toutes ces structures conduisent à une inflation du nombre des élus et des fonctionnaires, avec les coûts qui s'y rapportent. C'est pour y remédier que le précédent gouvernement avait créé le conseiller territorial, siégeant à la fois dans les Conseils généraux et les Conseils régionaux, ce qui était une aberration, car pour abriter tous ces conseillers il fallait quasiment doubler la taille des palais régionaux déjà sources de tant de dépenses extravagantes.
Le nouveau pouvoir a décidé de remettre les choses à plat, mais déjà la création d'un Haut-conseil des territoires «pour réfléchir aux grands enjeux de l'organisation territoriale et de la gouvernance des territoires» apparaît comme une façon de noyer le poisson et de ne rien changer. Car depuis plus d'un siècle, et en particulier en Bretagne, tout ce qu'il faut savoir sur ces questions est connu, par exemple grâce aux travaux du CELIB, du CUAB et de tant d'autres associations qui se sont penchées sur la question, il suffirait de le leur demander ou de lire leurs publications.
Un autre point intéressant est l'évocation qui avait été faite par le précédent gouvernement de la place spécifique donnée aux métropoles dans la structuration du territoire.
Or l'actuel Premier ministre, reprenant les idées avancées par Olivier Guichard dans les années 60 du siècle dernier, a toujours défendu la place éminente des métropoles dans l'aménagement du territoire et pour ne citer qu'un exemple, a appuyé le développement de la métropole Nantes-Saint-Nazaire dont l'idée remonte justement aux années 60 du XXème siècle.
Cette métropole, qui regroupe plus de la moitié des habitants du département de Loire-Atlantique, réduirait à peu de chose l'action du Conseil général.
Dans cette perspective, il faut noter l'émergence du Pôle métropolitain Loire-Bretagne qui regroupe Angers-Loire métropole, Brest métropole océane, Nantes métropole, Rennes métropole et la Carène (Communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire). L'objectif de ce pôle métropolitain est «de renforcer l'attractivité de l'espace Loire-Bretagne, à l'échelle nationale et internationale au service de l'ensemble du territoire et de ses habitants».
La recherche est également incluse dans un Pôle d'enseignement supérieur, avec des coopérations renforcées entre les universités d'Angers, Brest, Nantes et Rennes.
Quoi qu'il en soit, suite aux Etats généraux de la démocratie territoriale, l'actuel gouvernement a promis un projet de loi au début de l'année 2013 avec pour objectif de renforcer la démocratie locale et de clarifier les compétences du «millefeuille administratif», comme il est plaisamment décrit.
Le ministre chargé de cette réforme est Marylise Lebranchu, qui a déjà déclaré que «ni les régions ni les métropoles n'absorberont les compétences du conseil général» et donc que «cette décentralisation ne se fera pas au détriment des départements».
En un mot comme en cent, rien ne va changer, sauf l'augmentation des taxes et impôts pour financer l'extension des compétences des structures existantes, anciennes ou plus récentes en espérant qu'il ne s'en créera pas d'autres.
C'est pourquoi le bon sens aujourd'hui et demain la contrainte financière voudraient que l'on supprime deux échelons administratifs, le département réduit à une fonction de distribution de l'aide sociale et les communes beaucoup trop nombreuses et dont beaucoup des responsabilités sont maintenant assurées par les communautés de communes ou d'agglomération .
Qui peut croire un instant que dans un pays où les élus - très souvent fonctionnaires - et les fonctionnaires qui les assistent gèrent ce pays sans partage, ils pourraient, même dans un moment d'inattention, songer à réduire leur nombre ? Car qui peut croire en effet qu'une classe sociale, la classe politico-administrative ici, qui détient le pouvoir puisse s'affaiblir elle-même ?
Et pourtant, le nombre des élus et des fonctionnaires dans ce pays, rapporté à celui de la population est bien l'un des rares domaines où il batte des records du monde.
Mais, hélas ! , la démocratie territoriale ce n'est pas pour «maintenant», c'est pour «demain», comme dans la publicité du barbier proverbial.
Jean Cévaër
■Pour sourire quand même:
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