Yannis Makridakis a vu le jour en 1971, à Chios, cette île grecque de la mer Égée, proche de la Turquie. C'est dans cette île qu'est enterré le gendre d'Ernest Renan, Yannis Psicharis le maître à penser des démoticistes dans la question linguistique grecque. Réputée pour être le lieu de naissance d'Homère (VIII siècle avant J-C) c'est aussi à Chios qu'est né le compositeur et homme politique Grec Mikis Theodorakis en 1925.
Cette île vibre d'un riche mais douloureux passé comme le rappellent les événements de l'histoire. Le massacre de Chios, perpétré par les Ottomans en Avril 1822 contre la population grecque de l'île, constitue en effet, un des épisodes les plus (sinistrement) célèbres de la Guerre d'Indépendance Grecque. Plusieurs écrivains et peintres de l'époque participèrent d'ailleurs à la diffusion de l'émotion suscitée, à l'instar de Victor Hugo dans « l'enfant Grec » poème figurant dans son recueil 'Les orientales', mais également Delacroix avec son tableau 'Scènes des massacres de Chios » (1824). Une centaine d'années plus tard, l'île est à nouveau le théâtre d'événements tragiques liés à l'échange forcé des populations décidé en 1923. Le souvenir des pogroms organisés en 1955 contre la minorité Grecque de Constantinople y reste encore vivace.
Yannis Makridakis a donc eu pour berceau cette terre qui, prospère en son temps, fut, en méditerranée, une sorte de plaque tournante des échanges entre l’Orient et l'Occident.
Après des études en mathématiques et des années de vie citadine, Yannis Makridakis décide de s'installer dans son île pour vive en autarcie. Très attaché à sa terre natale et actif sur le plan politique, il fonde en 1997 le Centre d’Études Chiannes afin de servir la recherche, l'archivage et l'étude et la diffusion des archives de Chios. Cet altermondialiste, auteur de plusieurs romans, nouvelles et ouvrages historiques déclare pourtant : « je ne suis pas écrivain, je suis agriculteur ».
La Chute de Constantia est le premier roman de Yannis Makridakis traduit en français (Éditions Sabine Wespieser). La traductrice Monique Lyrhans a brillamment rendu l'écriture compulsive et le style haletant de l'auteur, telle une pensée qui galope frénétiquement et ne peut s'arrêter. Le lecteur lui non plus ne peut s'arrêter! Il est saisi par la trame, ne peut lâcher ce livre et poursuit sa lecture, captivé, irrésistiblement entraîné, happé par la succession de pages qui constituent autant de révélations qu'il découvre avidement. Ce livre est une réussite totale, une histoire passionnante merveilleusement servie par un style étonnant, quelque peu réminiscent de Maro Douka dans « Carré fixe ».
L'histoire passionnera tous ceux qui s’intéressent à la Grèce, aux Grecs, à leur tempérament, à leurs préjugés et à leurs rancœurs. Cet ouvrage est criant de vérité, par son humanité, son réalisme et l'intimité de la situation qu'offre l'auteur.
Nous sommes à l'automne 2015, le 26 Octobre plus exactement, jour de la Saint Dimitri (Saint Patron de Thessalonique). La scène se situe à Constantinople. Constantia reçoit une très longue lettre de son gendre, Yannis, un Romiote (c'est à dire un Grec de Constantinople) marié à son unique fille, Anna. Dans cette missive longue d'une trentaine de pages, Yannis lui explique qu'en fait, il est... Turc. Aussitôt, il semble que l'univers de Constantia s'effondre...
Ce magnifique roman donne une envie irrésistible de lire d'autres ouvrages de cet auteur plein de talent et d'acuité!
Sylvie LE MOËL
« La chute de Constantia »
Éditions Sabine Wespieser
ISBN 978-2-84805-180-2
Prix : 20 Euros
Nombre de pages : 179
www.swediteur.com
(avec le soutien du Centre National du Livre)
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