Le Parlement catalan a voté le mercredi 28 juillet l'interdiction de la corrida à partir de 2012. Au-delà de la tauromachie, cette décision apparaît éminemment, comme un nouveau signe de se démarquer du gouvernement espagnol.
Par 68 voix contre 55, et neuf abstentions, les députés catalans ont interdit ce jour les corridas sur leur territoire, à partir du 1er janvier 2012. Après l'archipel des Canaries qui l'a fait en 1991, c'est la deuxième région d'Espagne à mis à mort la tauromachie. Les élus approuvé une «initiative législative populaire» lancée par le groupe anti-corrida Prou! (Assez!) et forte de 180 000 signatures. Il réclamait la fin de ce spectacle «barbare». «Cette interdiction est fondamentalement un choix politique. C'est une manière pour le Parlement catalan de se distinguer culturellement de Madrid», estime Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) interviewé sur LCI. En effet, après la sentence du Tribunal constitutionnel espagnol réduisant l’autonomie de la Catalogne et la gigantesque manifestation du 10 juillet à Barcelone, la pression monte. En visite à Barcelone, vendredi dernier, le Premier ministre José Luis Zapatero semblait bien embarrassé après la décision prise fin juin par le Tribunal constitutionnel de gommer une partie des nouveaux pouvoirs accordés à la Catalogne.
Le sacro saint statut de la Catalogne
Après deux ans de délibérations, cette haute juridiction saisie par le principal parti d'opposition espagnol, le Parti populaire (PP, droite) a touché à l’« Estatut » ((voir notre article)). Ce texte fondamental qui régit les relations entre Madrid et Barcelone avait pourtant été approuvé par le Parlement catalan et validé par référendum populaire en 2006, après consensus entre les socialistes et la coalition de centre droit. Le Tribunal constitutionnel a d’abord remis en cause le concept de « nation catalane » présente dans le préambule de l’ « Estatut ». Il ne lui reconnaît pas de valeur juridique, car « la Constitution ne connaît d’autre Nation que l’Espagne ». Il a aussi rejeté le caractère « préférentiel » de la langue catalane sur l'espagnol dans les actes administratifs et l'enseignement et écarté l'émergence d'une autorité de tutelle régionale pour la justice. Ce qui est l’équivalent du conseil constitutionnel en France a retouché ces mesures phares du texte, et au total annulé 14 articles du statut et réinterprété 27 autres.
Manifestation monstre à Barcelone
On ne s’attaque pas à ce sacro-saint statut dans une région au sentiment indépendantiste croissant sans provoquer de très vives réactions. Et, cela n’a guère traîné. Dès le lendemain de la publication de l’arrêt du Tribunal, une manifestation monstre pour défendre le statut d'autonomie et affirmer la notion de nation catalane a réuni d’un million à un million et demi de manifestants à Barcelone ((voir notre article)). Un chiffre largement supérieur aux 350 000 personnes du rassemblement historique de septembre 1977 pour réclamer un statut d'autonomie régionale. Ils ont rempli, ce samedi 10 juillet 2010, les grandes avenues du centre-ville dans une ambiance calme et festive, presque familiale. Sous le slogan de « Nous sommes une nation, nous décidons de nous-même », ce mouvement de protestation a représenté une belle démonstration d'unité et de force et l'identité catalane.
Indépendante comme le Kosovo ?
Le socialiste José Montilla, président de la Generalitat - le gouvernement catalan -, a interpellé le 23 juillet José Luis Zapatero à l'occasion de sa visite : « La confiance entre l’Espagne et la Catalogne doit se reconstruire sur des actes, plus que sur des mots. » Clin d’œil du calendrier, la veille de la venue du Premier ministre à Barcelone, la Cour internationale de justice rendait sa décision de reconnaître la légalité de la déclaration d’indépendance du Kosovo. Les indépendantistes catalans ont applaudi des deux mains tandis que le gouvernement espagnol a réaffirmé son opposition à ce processus validé par l’ONU. On ne sait jamais… Qu’arriverait-il si, un jour, la Catalogne ou le Pays Basque voulait suivre le même chemin ?
Ronan Le Flécher
■