La Bretagne est-elle une ? Son territoire est vaste, très vaste, plus de 30 000 km², soit la superficie de la Belgique. Et comme tous les grands territoires, elle comprend des régions. Et oui, la Bretagne a des régions ! Il y a bien sûr à l'Ouest la Basse-Bretagne et à l'Est la Haute-Bretagne. Mais aussi la Bretagne est coupée naturellement par son relief en deux : le Nord et le Sud. Souvent, les Bretons du Nord en parlant du Sud de la Bretagne disent « je vais dans le Sud » et les Bretons du Sud disent « je ne vais pas dans le Nord, il y fait trop froid ».
Vers le IXe siècle apparurent les comtés de Rennes, de Nantes, d'Alet, de Vannes, de Poher, de Léon et de Cornouaille, sans que nous sachions vraiment leurs limites : le comté d'Alet concernait sans doute la côte allant de Dinan à Dol, celui de Rennes était immense allant jusqu'au Poher et comprenant l'intérieur du Vannetais actuel ; le comté de Vannes semble n'avoir été tout comme le comté de Cornouaille qu'un territoire littoral.
Avec la féodalité, à partir du XIe siècle, naquirent le comté de Penthièvre, celui du Trégor. Le Léon fut rétrogradé au rang de vicomté comme le Poher et les vicomtés de Rohan et de Porhoët apparurent. Tous étaient soumis à une entité supérieure : le duc de Bretagne. Le duc Conan III (mort en 1148) fils d'Hoël de Cornouaille, comte de Nantes, Vannes, Cornouaille et d'Havoise de Rennes, comtesse de Rennes et héritière du duché de Bretagne, concentra entre ses mains les plus grands comtés bretons. A notre liste, il manque le Goëlo, au nord de Saint-Brieuc, La Mée au Nord de Nantes, le Retz au Sud de Nantes, le Vendelais dans la région de Fougères et une terre à cheval entre le Trégor et le Léon, le Plouastel (terre du château) qui a bien vite disparu.
Comme les religieux étaient les grands administratifs comme ailleurs, les diocèses étaient naturellement les entités administratives et le restèrent : évêchés de Léon, de Tréguier, de Saint-Brieuc, de Saint-Malo, de Rennes, de Nantes, de Vannes et de Quimper - même si les ducs de Bretagne en voulant se détacher de l'emprise ecclésiastique et créèrent au XIIe- XIIIe des baillis : Léon, Ploërmel et Broërech, Trégor, Penthièvre, Rennes, Nantes, Cornouaille. Seule une carte anglaise fournit aujourd'hui à mon sens les vraies grandes régions bretonnes : Léon, Trégor, Penthièvre, Rennes, Poudouvre (ou région d'Alet, Saint-Malo), Nantes, La Mée, Retz, Poher, Porhoët, Cornouaille, Vannetais. Et encore la recherche historique n'est pas terminée, loin de là.
La Bretagne est-elle divisible ? Ce qui est incroyable, c'est la stabilité de ces frontières depuis près de mil ans, même si au Sud du pays de Retz on trouve ce que l'on nomme les Marches séparantes (avec l'Anjou et le Poitou). Oh bien sûr, certains tentèrent de la diviser. Le roi d'Angleterre, Henri II Plantagenêt, lorsqu'il fut en 1066 régent du duché de Bretagne, s'empara du comté de Nantes, mais son fils, le duc Geoffroy de Bretagne, le reprit à sa majorité. Avant la bataille d'Auray (1364), des négociateurs vinrent proposer à la duchesse de Bretagne, Jeanne de Penthièvre (morte en 1384), d'abandonner le Sud de la Bretagne à son rival et cousin, Jean de Montfort, et de garder pour elle, le Nord, elle refusa. Et puis on abandonna toute idée de séparation. Les rois de France du XVIe siècle, descendants d'Anne de Bretagne, refusèrent même de donner quoi que ce soit en Bretagne à leur tante, Renée de Ferrare, seconde fille et aussi héritière d'Anne. Le testament d'Anne disparut même.
Il faudra attendre la chute de la Monarchie en 1790 pour voir diviser la Bretagne en cinq départements, qu'on considéra toujours comme bretons comme le firent les autorités ecclésiastiques et militaires (avec quelques petits aménagements). Et comme tous le savent, même si la Région administrative Bretagne fut créée (décret de 1956 reprenant les limites de la région de Rennes créée en 1941 sous le régime de Pétain), c'est sans le comté de Nantes qui néanmoins reste géographiquement en Bretagne.
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