Et oui, elle l'est et pas qu'un peu. Les chefs politiques et religieux qu'étaient les saints bretons venus essentiellement du Pays de Galles entre le Ve et le IX e siècle, environ 350, encadrèrent l'installation de leurs compatriotes, les Britons (venus donc de la Bretagne insulaire, aujourd'hui la Grande-Bretagne) en Armorique (aujourd'hui la Bretagne). Ces Britons fuyaient l'avancée des Saxons et surtout les incursions des Irlandais et rejoignirent des populations britonniques (les Lètes) qui avaient été installés par les derniers empereurs romains sur les côtes armoricaines pour les défendre des pirates. Du moins c'est ce que les historiens pensent généralement aujourd'hui.
Faisons un bond dans le temps. Le fils de Guillaume le Conquérant, Henri Beauclerc (mort en 1135), alors en guerre contre ses frères, se réfugia dans la région de Dol. Lors de son exil, il réunit des chevaliers bretons et avec eux repartit à l'assaut, devint roi d'Angleterre et duc de Normandie et récompensa largement ses chevaliers. De l'un d'entre eux descendent les Stuart. Un autre futur roi d'Angleterre, Henri VII Tudor, trouva malencontreusement refuge (un naufrage) en Bretagne. Il y resta en résidence surveillée pendant des années avant de s'enfuir avec quelques Bretons et ses partisans anglais et gallois et s'emparer du trône anglais en 1485.
Un nouveau bond dans le temps. Au XVIIe siècle, la Bretagne reçut les partisans du roi d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, Jacques II Stuart, défait à la bataille de Boyne par Guillaume III d'Orange (1690). Ce dernier, par le traité de Limerick (1691), leur permit de s'embarquer sur des navires (environ 40 000). Des milliers de Jacobites arrivèrent dans les ports bretons. La Brestoise Louise de Keroual, ancienne maîtresse du roi Charles II, les aida du mieux qu'elle put. Ces « Irois » traînaient leur misère dans les ports. Beaucoup s'engagèrent dans les armées du roi de France, d'autres participèrent à l'essor maritime de la Bretagne à Lorient, Morlaix, Saint-Malo, et surtout à Nantes, comme les Walsh qui firent fortune dans la traite négrière. A remarquer aussi que c'est par ces Jacobites que se diffusa en Europe continentale la Franc-maçonnerie. Au XVIIIe siècle, des familles d'Acadiens, ces populations du Canada français déportées dans des conditions atroces par les Anglais qui avaient gagné la guerre contre la France (1755-1763), s'installèrent à Belle-Ile et dans les ports bretons.
Au siècle suivant, entre 1820 et 1850, la Bretagne accueillait des populations réfugiées après l'échec des Révolutions nationales (Piémontais, Italiens, Polonais, Allemands) ou lors des troubles qui affectèrent la péninsule ibérique (Portugais et carlistes espagnols). Dans le château de Fougères furent placés 633 Portugais.
Le XXe siècle est le siècle des Réfugiés de guerre. En août 1914, en Ille-et-Vilaine, on trouvait 2 500 réfugiés venant de Belgique et de France et 22 000 en septembre 1918. Beaucoup étaient des enfants, des femmes et des vieillards. Le sous-préfet de Lannion les traita de « race d'évacués fainéants ». Lannion logeait alors 600 réfugiés. L'accueil était mauvais voire hostile et l'Etat dut réquisitionner.
Entre-les-deux-guerres, on vit en Bretagne quelques Sarrois qui avaient quitté la Sarre annexée par l'Allemagne nazie en 1935. Plus de 10 000 Espagnols, épuisés, arrivèrent dans les départements bretons de 1937 à 1939 après la défaite des Républicains. Ils jouèrent un rôle non négligeable dans la Résistance. Mais les chiffres deviennent hallucinants lorsqu'on évoque la Débâcle de 1940. Par exemple, entre le 10 et le 20 juin, le Morbihan accueillit 154 135 réfugiés. Parmi eux, 29 300 étaient Belges, Hollandais et Luxembourgeois, 23 600 vinrent des Ardennes, 16 400 de la Somme, 35 600 de la région parisienne. Ils sont 751 183 en Bretagne, soit le quart de la population.Très nombreux furent les Bretons de Paris qui avaient trouvé refuge au pays. Mais dès que les liaisons ferroviaires furent rétablies et que l'Occupation allemande s'installa, ils repartirent en masse chez eux.
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