La Bretagne terre d’asile depuis le Ve siècle

Chronique publié le 16/08/21 11:06 dans Histoire de Bretagne par Philippe Argouarch pour Philippe Argouarch
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Bretagne, un air pur et une beauté sauvage

L’émigration des Bretons vers l’Armorique du Ve au VIIIe siècle a été accélérée par une crise climatique et une pandémie. Oui les deux comme aujourd’hui. Il semblerait d’ailleurs que les pandémies soient associées à des changements climatiques. L’invasion anglo-saxonne de la Grande-Bretagne s’est accélérée après le départ des légions en 410 mais aurait suivi ensuite un grand vide causé par des famines provoquées par un refroidissement suivi d’une terrible peste. Des villes entières se seraient réfugiées en Armorique ou auraient tout simplement disparues. Pour avoir un ordre de grandeur l'historien byzantin Procope de Césarée parle de 10 000 morts par jour à Constantinople.

Changement climatique

De 536 à 539, la température moyenne a diminué de 2,5 degrés suite à une énorme éruption volcanique probablement du Krakatoa en Indonésie . Il aurait même neigé en été. Ce phénomène est rapporté par les chroniqueurs de l’époque comme Procope de Césarée et dans les chroniques irlandaises dénommées Annales de l’Ulster et les Annales d’Inisfallen dans lesquelles il est écrit qu’il n’y avait plus de récoltes. L'analyse des troncs d'arbres par le dendrochronologiste Mike Baillie, de l'Université Queen's de Belfast, montre une croissance anormalement faible des chênes irlandais en 536 et une autre diminution sensible en l'an 542, après un rétablissement partiel.

Pandémie

Juste après cette période, l’Europe subit une pandémie venue d’Asie, la peste justinienne, du nom de l’empereur romain qui en mourut. Elle arrive en Europe en 542. Elle serait arrivée en Grande Bretagne en 547. Le roi gallois Maelgwn ap Cadwallon en meurt en 547. La peste arrive dans tous les ports britto-romains de Grande-Bretagne avec les rats que transportent les navires. Les populations fuient vers l’Armorique, une immense forêt, qui devient la petite Bretagne. La population du port britto-romain de Tintagel aurait quitté la ville brusquement selon une étude récente.

Pour survivre à la peste, les gens ont compris qu’il fallait s’isoler. Ils s’installent de préférence sur les îles ou au milieu de la forêt de Brocéliande. Beaucoup de ces « saints bretons » vivaient au fin fond des bois par ascétisme peut-être, mais aussi pour y survivre face à la pandémie.

Tout au long de l’histoire, la Bretagne a accueilli des réfugiés comme les Cathares de la bastide de Cordes-sur-Ciel qui, pour la plupart, seraient venu s’installer en Bretagne. Les Irlandais persécutés par les Anglais vinrent aussi s’y installer. On retrouve des traces dans les patronymes : les Souhillevant ou Soulevant seraient des Sullivan, les Donnevant des Donovan et les Briand des 0’Brien.

La Bretagne à nouveau une terre de réfugiés climatiques et sanitaires

Aujourd’hui, la Bretagne devient à nouveau une terre de refuge. Les courants migratoires se sont inversés après les départs massifs du XXe siècle. Elle est prisée par des populations qui veulent fuir les grands centres urbains où le covid est plus contagieux et les conditions sanitaires plus difficiles à vivre - et pas uniquement des retraités -. A ceux-ci s’ajoutent ceux qui veulent trouver un climat plus tempéré à l’abri des canicules, des incendies et des inondations de plus en plus fréquents suite au réchauffement climatique.

Les offres d’emplois y sont même plus nombreuses que dans beaucoup d’autres régions en France même si les salaires sont légèrement inférieurs.

L’immobilier flambe

Les campagnes bretonnes se repeuplent. L’immobilier flambe. Dans le Finistère tous les penn-ti, même délabrés ont été vendus. Les fermes en ruines sont retapées. Des résidences autrefois secondaires deviennent principales et la lande devient un eldorado d’air pur dont rêvent des millions d’habitants d’Île-de-France.

La population de la Bretagne (historique) va bientôt dépasser les 5 millions d’habitants.

En Bretagne le prix moyen d’une maison augmente de 4% par an et ce chiffre va sans doute encore augmenter. Les conséquences pour les locaux et surtout pour les jeunes sont désastreuses car se loger, surtout sur le littoral, devient très difficile. Acheter une maison devient problématique par exemple pour les marins-pêcheurs qui doivent souvent acheter à plus de 20 km de la mer.


Vos commentaires :
AFB-EKB
Vendredi 22 novembre 2024
Passionnant tout cela. La nouvelle immigration ne va-t-elle pas à accélérer la perte d'identité du Peuple Breton et sa disparition par complète dilution dans ces nouvelles populations facilitant ainsi le travail des Blanquer et ses acolytes ?

Naon-e-dad
Vendredi 22 novembre 2024
Belle et utile synthèse, à propos des migrations britto-armoricaines. Quand je pense que j’ai pu vu, sur une de ces cartes un peu « vintage » et qui se présentent comme savantes et historiques, une flèche signalant ce courant migratoire avec la mention « barbares » ! La carte en question couvrait une vaste partie de l’Europe, mais surtout elle était supervisée par un « sachant » de haut-niveau, un universitaire du style Sorbonne. Désolant, écoeurant de bêtise et de bassesse humaine. J’en fus blessé. Aujourd’hui avec l’âge et l’expérience, je pense qu’il ne faut pas hésiter dénoncer ce genre de « racisme » envers la Bretagne.
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Bon, c’était il y a au moins vingt ans. Mais l’on voit bien, que la lutte continue pour faire respecter la péninsule, son histoire, sa culture, sa langue…son désir d’avenir. La Bretagne se réinvente en permanence certes. Encore importe-t-il qu’elle préserve et développe une dimension bretonne. Ceci est encore plus net et plus sensible pour qui a voyagé au long cours. Gant ma vevo Breizh !
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Enfin, l’on pourrait rajouter un point à cet article. C’est Yann Brekilien, je crois , qui le signale quelque part : le premier élément qui impacte la péninsule, sur le temps long, est le niveau océanique. Comme une respiration, pas forcément périodique, ce niveau moyen dessine et modifie le trait de côte. Depuis les époques préhistoriques très anciennes, jusqu’à nos jours. Or justement, avec le réchauffement climatique en cours, le niveau monte. De combien ? Avec quelle amplitude et quelles conséquences sur l’habitat et l’activité humaine ? Réponse dans les prochaines décennies….en tout cas avant la fin du siècle. Il est déjà temps d’y penser.
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Dre ma z’a war uhelaat live ar mor e cheñcho kalzig a draoù. N’eo ket re abred evit kregiñ soñjal en darvoud-se.

Lucien Le Mahre
Vendredi 22 novembre 2024
Suite au questionnement de l’AFP-EKB, l’exemple catalan nous permet d’envisager les choses sans pessimisme de principe car, pour satisfaire les besoins en main-d'oeuvre dus à son essor touristique et ses prolongements économiques, cette région ibérique a reçu une forte immigration depuis le début du siècle dernier, surtout en provenance d'autres régions espagnoles mais pas uniquement. Cet afflux massif de néos, renforcé dans les années 60, ne l'a pas empêchée de porter son particularisme culturel et politique à des limites d'intensité qui nous ont tous surpris il y a peu.

L'apport de populations extérieures (culturellement proches jusqu’à une époque récente) ne parait donc pas en soi un obstacle majeur à la persistance d'une conscience commune spécifique, car une fois implantés, ces nouveaux venus s'intègrent et se sentent assez vite « Catalans » d’origine andalouse ou autre, puis Catalans tout simplement.

Mais il ne faut surtout pas oublier l’élément capital du changement politique radical à partir de 1975, sans lequel rien n’aurait été résolu.

Après la disparition de Franco et de son régime dictatorial - évidemment centralisé comme ils le sont tous - les Espagnols élaborèrent dès 1978 une Constitution dernier cri, mus à la fois par un urgent souci démocratique et le rejet du régime précédent, et dont l'esprit fut logiquement de type fédératif. Le nouveau Pouvoir de Madrid entreprit alors de négocier avec chaque « Région Historique » ( et non : découpage politico-technocratique ! ) un contrat à la carte satisfaisant chacun.

Le Pays basque industriel bénéficia du statut le plus autonome, garant de la fin des violences et dont les bienfaits seront rapidement visibles sur tous les plans. Moyennant une contribution d’environ 10% à l’Etat central, il gère ses propres affaires en autonomie fiscale et financière, sauf, de mémoire : la monnaie, la défense et les affaires étrangères, apanages du système parlementaire central.
La Catalogne, prospère elle aussi, n’eut pas la même autonomie financière, mais concentra ses efforts sur la langue qui devint obligatoire pour tous. Elle put donc ainsi intégrer les nouveaux venus particulièrement nombreux sur son sol, même si certains excès récents finissent là aussi par poser problème.

En Bretagne de la même façon, il n’y aurait aucune peur de nous ouvrir, à condition d’obtenir les outils nécessaires à la prise en main de nos affaires en suivant idéalement les modèles basque ou catalan (ou
autres) avec en plus dans notre cas une « Réunification » autorisant enfin cohérence et développement, tout en permettant l’intégration des nouveaux à notre avantage au lieu de contribuer à notre dilution.

Mais notre centralisme d’Etat est toujours en place, nos élus sont inscrits dans des partis nationaux qui ne se jetteront sûrement pas au feu (avec leur précieuse carrière) pour moins de verticalité, et où ils sont de toutes façons minoritaires. Aussi leurs ambitions pour la pérennité de la Bretagne sont-elles le plus souvent pusillanimes et leurs revendications de nature nettement picrocholine, à croire qu’Elus du Peuple autorisés aux coudées franches, ils ne se considèrent que comme de subalternes fonctionnaires d’Etat.

«On» se fâche encore pour l’enseignement immersif à Diwan ou un simple mais symbolique tilde - et il faut bien entendu le faire - mais on est quand même là en complet décalage temporel - il serait plus que temps de s'en rendre compte - alors que Catalans, Galiciens ou Basques gèrent eux-mêmes leurs affaires internes (et notamment leurs langues) depuis un demi-siècle ! Tout comme Wallons et Flamands, Ecossais et Gallois, Bavarois et Saxons depuis plus longtemps encore, sans parler des Québécois et j'en passe, ou bien encore des Suisses confédérés depuis le 19ème siècle …


Kerbarh
Vendredi 22 novembre 2024
L’Espagne semble un modèle pour beaucoup mais la tentation du gouvernement central est constante pour rogner sur les pouvoirs cédés aux autonomies ou d’empêcher les transferts à ces autonomies pourtant négociés. D’où les tensions importantes depuis 15 ans entre Madrid et la Catalogne. Si l’´espagne est passé d’un modèle centralisé à une modèle décentralisé, c’est suite aux pressions très forte des peuples catalans et basques et non pas d’une magnanimité ou d’une volonté madrilène. Il ne faut surtout pas l’oublier. Le parti pseudo libéral Ciudadanos veut casser ce modèle et rentrer dans un modèle de type égalitaire français. Certains secteurs de Podemos également.

Killian Le Tréguer
Vendredi 22 novembre 2024
Les résultats électoraux en Catalogne montrent une différence nette entre les banlieues et villes «hispaniques» du pourtour de Barcelone notamment, et les zones plus rurales catalophones au quotidien du Nord et de l'ouest notamment.
En revanche il est probable que les changements démographiques que vous décrivez Lucien Le Mahre, ont favorisé une prise de conscience plus forte chez les «autochtones» en réaction. Mais un point fondamental tout de même le catalan est bien moins éloigné du castillan que le breton ne l'est du français (l'intégration y compris linguistique est donc possible), le catalan est/était la langue dans toute la Catalogne, d'autre part les catalans d'origine andalouse par exemple sont venus pour des raisons économiques et en provenance de zones très pauvres dans les années 60 à 80 (un gap important existe toujours).
Cela n'a rien à voir avec la situation en Bretagne. Pour la Bretagne, il faut plutôt comparer avec la situation de la Cornouaille anglaise

Kerbarh
Vendredi 22 novembre 2024
En Catalogne 90% des gens bilingues. Ensuite c’est la culture familiale qui fait que l’on parle d’abord catalan ou castillan.Sans vouloir défendre Franco, loin de là mon objectif, il faut savoir que l’église catalane a aider à la survie du catalan et qu’en 1959 sont apparues les premières éditions autorisées de livre en catalan ( bien sûr il fallait éviter de parler trop de Catalogne , d’histoire et de politique).C’est le peuple catalan en entier, les riches comme les moins riches qui ont lutté pour la survie de la langue et culture catalane. Malheureusement les bretons n’ont pas su se mobiliser et les jacobins ont su tirer parti des faiblesses bretonnes pour anéantir la langue et la culture bretonne.

Lucien Le Mahre
Vendredi 22 novembre 2024
@ Killian Le Treger
Oui, c’est exact, Killian, et c’est un constat qui a son importance pratique : le catalan est une branche autrefois commune avec la langue d’oc, langue latine donc, comme l’est également le castillan, ce qui facilite l’apprentissage. De ce point de vue il faut plutôt aller regarder du côté du basque, hermétique pour un locuteur de langue latine (castillan) et qui rencontre de ce fait des difficultés à se répandre plus largement. Ajoutons que c’est une langue aux racines incertaines et isolées, non indo-européenne comme l’est au contraire le breton.
D’un autre côté il y a les exemples tchèque (ils parlaient tous allemand) et bien sûr israélien, avec sa logique très spécifique.

@kerbah
L’organisation de l’Espagne demande sûrement des réajustements, surtout 40 ans après le nouvelle constitution, et notamment en Catalogne. mais que dire alors de la situation française et bretonne ? En réalité, la nouvelle Espagne est un « exemple » dont la France peut parfaitement s’inspirer, et il y en bien d’autres autour de nous, mais ce n’est pas un « modèle » à dupliquer, chaque situation étant forcément particulière : la Bretagne est différente et surtout la France est différente par son centralisme retardataire qui a constitué son Etat et qu’une régionalisation embryonnaire doublée d’un découpage arbitraire ne parviennent pas à compenser.


TY JEAN
Vendredi 22 novembre 2024
« Morbihan , le nouvel eldorado ? » tel est le titre de l'article du Télégramme ( 25 juillet 2021 )
le réalisateur du documentaire « Sale temps pour la planète » dit ceci dans cet article :
ruée sur les terres bretonne , urbanisation multipliée par huit, on attend 250 000 personnes supplémentaires à l'horizon 2050.C'est exactement le mouvement qui a eu lieu après la seconde guerre mondiale, vers la Côte d'Azur. Ajoutons à ces propos la spéculation immobilière, la disparition des terres agricoles, les tensions qui augmentent face à trop de touristes. Il faut désormais réglementer
les activités nautiques en bord de mer, chacun voulant son petit territoire de loisir ( surf, voile, kite surf etc.. ) Combien de jeunes bretons peuvent acheter une maison à plus d'1 million d'euros comme l'on voit désormais sur la riviera bretonne?

yann
Vendredi 22 novembre 2024
Ce sont des modifications importantes qui ont eu lieu en peu de temps.
Que les élus masquent en mettant en avant leurs actions pour la nature, les paysages, le patrimoine. La densification de la population va continuer en hauteur. La question : pourquoi la France de l'Est est peu concernée.
Voir le site en descendant une carte est à disposition
artificialisation à usage d'habitat 2009-2019 (m²)
Variation population 2012-2017

Lucien Le Mahre
Vendredi 22 novembre 2024
Données impressionnantes qui interrogent, merci, yann, de nous les faire partager.
Et quelle est votre réponse à la question de savoir pourquoi l'Est est peu concerné ?

Yann
Vendredi 22 novembre 2024
En réponse. Concernant les causes de cette migration, tout est dit dans le texte. Les offres d'emplois, disponibles en particulier dans les ports comme Nantes ( Bordeaux, Marseille) . Dans ces lieux de commerce, il y a toujours des bénéfices à réaliser, du travail à prendre. La construction navale, le développement du tourisme sont aussi producteurs d'emplois. Les demandes de logements ont suivi.
Comme dit aussi, la population n'est pas forcément préparée à vivre dans des tours de 6 à 17 étages . La sensation d'étouffement ressentie entre des immeubles proches, sans ouverture sur un paysage, ne plaît pas à tout le monde. Alors on va ailleurs.
On peut ajouter que les Pdl ont fait une publicité à tout va pour attirer de nouvelles populations. Pour la Bretagne administrative l'argument semble moins évident.

Les conséquences - A la difficulté que les jeunes autochtones rencontrent pour se loger, on peut ajouter aussi, par exemple, l'artificialisation des sols. Les cartes s'intéressent à une période allant de 2009 à 2019 parfois 2017. On voit bien que Le covid ne fait qu'accentuer et va peut-être accélérer encore le mouvement.
Les eaux de pluie ne s'infiltrant plus sur les zones bétonnées, elles vont rejoindre à grande vitesse les cours d'eau pouvant ainsi provoquer des inondations. Pour essayer de pallier, on crée alors des bassins de rétention d'eau. Dans quelques cas aussi des bassins de rétention d'eaux usées... Ce n'est pas simple. Et que devient la libre circulation des eaux ?
Par ailleurs les températures s'élèvent aussi sur les zones bétonnées. Mais si le Gulf Stream s'enfuit...
Par ailleurs on remarque que cette migration délimite une région grand-ouest...même avant le covid.
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