La Bretagne est-elle seulement une terre de villégiature ?

Chronique publié le 31/07/15 5:51 dans Economie par Frédéric MORVAN pour Frédéric MORVAN

J'ose le dire, j'ai regardé sur Wikipédia pour vérifier ce que veut dire ce mot un peu beaucoup démodé de villégiature… et bingo je ne me suis pas trompé. Ouf ! Ce mot est élitiste, réservé aux riches, aux classes privilégiées. Cela signifie qu'ils partent dans des résidences leur correspondant pour se reposer des mois de durs labeurs à Paris ou dans les grandes villes. Pour la Bretagne, bien sûr vous l'aurez deviné, c'est la mer qu'ils préfèrent. Ce n'est pas nouveau, cela a commencé dans les années 1880 et tout le monde bien sûr pense à Dinard. Mais n'avez-vous pas remarqué qu'aujourd'hui toutes les côtes bretonnes du Mont-Saint-Michel à Pornic sont des espaces de villégiature. C'est si joli la Bretagne côtière. C'est si calme. Même s'il pleut de temps à autre et que le ciel est un peu trop souvent nuageux (n'oubliez pas de ne pas le répéter). On est bien tranquille. Les paysans bretons râlent mais bien loin, dans les terres. Et puis les prospections minières ne touchent que l'intérieur du la Bretagne, bien loin des circuits touristiques, là où l'on ne va pas ou si peu, sauf s'il y a des concerts, et encore à Carhaix, c'est bien trop bruyant et puis c'est pour les jeunes…

J'ai eu de la chance. J'habite dans une maison au bord de la mer, un legs de ma mère. Et oui, le bol ! Car en 10 ans, les prix des maisons ont tellement grimpé que rare est l'indigène (j'aime bien ce terme) qui peut s'acheter une maison proche de la mer. Aujourd'hui je ne pourrais jamais m'acheter ma maison. Les maisons du petit port voisin sont à louer pour les trois-quarts et beaucoup d'entre elles ont été divisées en appartements pour l'été. Mais cela vous connaissez tous.

Le système de la villégiature existe depuis plus d'un siècle en Bretagne. Les Bretons et Bretonnes enrichis par les Trente Glorieuses (1950-1980), travaillant à Paris ou à l'étranger, se sont acheté des maisons des vacances et aiment revenir au pays, pour se reposer, voir la famille. Quoi de plus normal que cette volonté de se ressourcer ! Cependant une drôle d'impression me vient. J'ai visité cet après-midi une salle expo de peinture justement dans un centre culturel donnant sur mon petit port. Et là, j'ai eu comme le sentiment de ne pas être chez moi, de faire partie d'un autre monde. Les gens qui me parlaient semblaient avoir intégré davantage que moi la culture de chez moi. Bref, je me suis senti exclu… Vous me direz encore un Breton parano !

Cependant on ne m'enlèverait pas de la tête que la Bretagne, pardon, ses côtes, deviennent de plus en plus des espaces de villégiature, que les Bretons qui n'en ont pas les moyens sont rejetés vers l'intérieur, de plus en plus loin de la mer. Combien de maisons ont été vendues suite à des successions parce qu'elles valaient des centaines de milliers d'euro… alors qu'il y a 15 ans leur valeur ne dépassait pas la centaine de milliers de francs ?

L'économie de la Bretagne se résumera-t-elle à cela ? Une zone côtière vide les trois-quarts de l'année, réservée à une élite aisée, pour qui tout sera mis en ½uvre pour un séjour bien agréable durant l'été. Et pour l'intérieur de la Bretagne, ce n'est pas avoir notre agriculture défaillante que nous irons loin. Et pour les grandes villes… Comme la Bretagne manque de métropole à part Nantes et encore… et que nos dirigeants n'ont que le mot métropolisation à la bouche, on risque d'avoir quelques soucis.

Bref, cette situation est-elle le fruit d'une volonté politique et économique provenant de nos élus, de techniciens rennais, nantais, parisiens, européens ou la conséquence d'une évolution normale, longue et durable ?