L’ours est un naufrage démocratique !

Chronique publié le 21/09/18 22:40 dans Politique par pour
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Ours_brun_parc animalier pyrenees Photo Wikimedia Commons (Jean Noel Lafargue)

A ceux qui n’ont pas compris qu’ils vendent surtout

la peau de la démocratie

Le ministre De Rugy a annoncé la réintroduction de deux ourses en Béarn.

La question de l’ours, au point où elle en est arrivée chez nous, n’est pas une question écologique, mais d’abord une question politique. C’est un véritable naufrage démocratique dont nous sommes tous responsables, que l’on soit neutre, indifférent, partisan ou opposant à la réintroduction de l’ours dans les montagnes du Béarn.

Cela fait des années que les décisions sont prises à Paris et que l’ours, au bout de vingt, trente et même quarante ans de polémique, n’est pas, comme d’ailleurs n’est pas garantie la survie du pastoralisme.

Donc, objectivement, ces déchirements, ces déclarations de part et d’autre à l’emporte-pièce, n’ont eu aucun résultat si ce n’est de créer des oppositions dures, stériles et dangereuses.

Ce système arrange tout le monde. C’est à un individu, un ministre, que revient la décision. Qu’il soit opposant, partisan, peu importe, c’est la méthode qui est mortifère.

Et que l’on ne me dise pas que ce centralisme appliqué à l’écologie doit être remplacé par une décision prise seulement localement parce qu’il suffit d’observer les uns et les autres, chez les décideurs locaux pour remarquer que finalement tout le monde est bien content de ne pas avoir de responsabilité en ce domaine.

Dans aucune des assemblées que j’ai frequentées (comme journaliste ou comme élu) je n’ai pus assister ou participer à un débat qui aurait débouché sur une décision concernant l’ours. Quand le ou la ministre est pour les lâchers on hurle, quand il ou elle est contre d’autres protestent.

Mais la question de la faune, de l’environnement ( et dedans j’y mets le pastoralisme) est une affaire qui ne peut se résoudre en un point central qui serait Paris, ni sur le seul territoire où vivent (vivaient, vivront ?) des ours. C’est une affaire collective.

Il se trouve que pour le moment le centralisme domine et que personne ne proteste sur le principe.

Ce qu’il faudrait c’est une décision partagée, mais pour cela il faut accepter de prendre des responsabilités, des compétences et d’assumer ses décisions. Jusqu’à aujourd’hui, dans les assemblées départementales ou régionales concernées, il n’a jamais été demandé à qui que ce soit de trancher. Finalement on attend la position du ministre pour s’afficher en pour ou contre.

Et le dialogue, et la concertation et même mieux : le compromis, ça ne vous dit rien ? Il existe des pays en Europe et dans le monde où la démocratie fonctionne au niveau territorial et où les élus sont obligés de trouver des compromis dans ce type d’affaire. Et paradoxalement, même si tout ne se passe pas dans la concorde et de façon paradisiaque, ce sont les endroits où faune, agriculture, agropastoralisme, vie des hommes, arrivent à coexister. Je ne prends que l’exemple des Asturies où les ours sont encore présents en nombre (200 environ). Ce fut difficile, laborieux mais les assemblées des régions autonomes eurent à prendre leurs responsabilités et des décisions. Il a fallu ménager les uns et les autres et surtout décider, et non attendre qu’un ministre décide pour prendre une posture d’écolo ou de chasseur de fauve.

Finalement le centralisme arrange presque tout le monde, sauf l’ours. Il est plus facile de se positionner de façon radicale, de prendre une posture, plutôt que de trouver un compromis. Il est plus confortable de se positionner en insultant le ministre ou en le félicitant que de se mettre autour d’une table en se disant que de toute façon il faudra sortir avec une décision. C’est aussi le règne des lobbys. On va rencontre le ministre et ses proches pour tenter de faire pencher la balance en sa faveur…

Dans un autre domaine bien différent, Michel Rocard enferma il y a quarante ans, les responsables de l’affaire néo-calédonienne en leur enjoignant de trouver un compromis.

Le pouvoir central et sa haute administration, jaloux de leurs pouvoirs n’ont même pas cette intelligence sur l’affaire de l’ours. Ça fleure le mépris du provincial arriéré. Mais personne chez nous ne le lui suggère. Ça fleure bon la soumission provinciale ! La décision en matière d’ours, comme en d’autres, nous échappe, avec la complicité de nos « élites ». Quand je dis « élites » je ne dis pas seulement les élus, mais aussi les leaders d’opinion. Et cela donne un triste résultat, c’est à dire de la démagogie et de la surenchère à tous les étages.

L’ours survivra peut-être à cette polémique stérile. Je n’en sais rien. En revanche je suis certain que la démocratie, le courage politique, l’intelligence politique risquent bien d’en prendre un coup.

Désolé de n’avoir pris parti que pour la démocratie dont la peau m’est très précieuse, surtout par les temps qui courent !

David Grosclaude

Ce communiqué est paru sur David Grosclaude


Vos commentaires :
de2er2
Jeudi 26 décembre 2024
Bonjour,
sur ce sujet les diverses assemblées ont pris position mais il me semble que le renforcement éventuel de la population ursine n'est pas de leur compétence et que de plus la France a certains engagements internationaux... faudrait-il transférer cette compétence (et d'autres) à un niveau plus local et révoquer certains engagements ?
peut-être mais ce serait quelque part donner raison à ceux qui disent ouvertement que chez eux c'est la loi de la montagne et pas la loi de la République qui s'applique...
bonne journée

Reun Allain
Jeudi 26 décembre 2024
Très intéressante analyse socio-politique de la démarche d’introduction des ours là où ils ne sont pas désirés par la population le plus directement concernée. Il s’agit effectivement de décisions autoritaires décidées et soutenues par des urbains le plus majoritairement qui jugent que leurs droits sont supérieurs à celui de l’autochtone rural ou montagnard. Les défenseurs de la nature vierge ne sont pas à une contradiction près en exigeant les procédures démocratiques dans les grands principes mais s’y assoient allègrement dessus dans la pratique du moment que cela convient à leur cause. Normal, la grande ville abrite les esprits « éclairés » dont ne sont pas dotés les sous-hommes du petit peuple qui lorsqu’il proteste ne peut par définition être animé que par un esprit bassement « populiste ». (ce terme est désormais employé à dessein dans les grands médias pour dévaloriser les opposants qui ne sont pas formatés au modèle dominant).

Dominig YVON
Jeudi 26 décembre 2024
Merci de ne pas avoir pris position et d'ainsi pouvoir mettre en évidence le problème du déficit de démocratie....
Dans l'émotionnel et dans l'urgence de l'information , on doit être pour ou contre, donc radical.....Pas de temps pour la démocratie ou le dialogue....
Les «responsables locaux» calculent à l'aulne de leur prochaine réélection hypothétique, et il leur est souvent indispensable d'attendre qu'un autre décide à leur place.....S'il venait à être courageux , le centralisme frañcais ne leur offrira plus de mandat.....Le pouvoir central hexagonal ne manque pas d'ambitieux en attente....

Le peuple des champs se demande s'il n'y a pas plus important comme problème à régler , mais il a tort , toujours tort....Les ours n'ont aucune importance , il s'agit là d'une affirmation d'autorité de paris sur leur colonie....
Les bobos , qui n'ont jamais vu d'ours, se trouvent là une mission : sauver l'ours de ces dangereux campagnards provinciaux....
Diviser pour régner ne fait pas bon ménage avec la démocratie...
Démocratiquement , il nous reste le choix entre les deux extrêmes ou le président des bobos.....Est ce encore de la démocratie.?...Pour ma part, je réponds Non
Bevet Breizh


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