L'indépendance écossaise dans les “starting blocks”

Communiqué de presse publié le 8/08/08 7:32 dans Europe par Solange Collery pour Solange Collery
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Carte de l'Écosse. Éric Gaba. (Wikimedia Commons. GNU Free Documentation License).
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Carte topographique de l'Écosse. Éric Gaba. (Wikimedia Commons. GNU Free Documentation License).
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Le Saltire ou croix de Saint-Andrew. Drapeau écossais.
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Le “ribbon” ou logo du Scottish National Party.

L'indépendance écossaise dans les “starting blocks”, par François Bédin, rédacteur en chef de France Culture

« Happy birthday Partaidh Naiseanta na h-Alba ! » (le Parti Nationaliste écossais)

C'est ce qu'ont dû chanter ses dirigeants, bien sûr en gaélique écossais, en soufflant l'unique bougie sur un gâteau d'anniversaire, le 3 mai 2008, pour commémorer la première victoire électorale du SNP, créé 73 ans plus tôt. Une victoire à l'arraché (47 sièges au Parlement d'Edimbourg contre 46 aux Travaillistes) qui permettait à leur dirigeant, Alex Salmond, de devenir « First Minister » à la tête du gouvernement local, dans le cadre de la décentralisation (la Devolution) entrée en vigueur en 1999. Et sur ce gâteau, s'il a existé, il pouvait y avoir l'inscription « Independence 2010 ». Car, dans la foulée des élections de 2007, le SNP a lancé le processus de séparation d'avec le reste du Royaume encore Uni, en vue d'aboutir dans… 2 ans ! Quelle accélération soudaine de la cause nationaliste, 300 ans après l'Acte d'Union de 1707 !


Il y a 700 ans déjà

Trois dates marquent en effet l'Histoire de l'Écosse :

  • 1328 : le Traité de Northampton redonne à l'Ecosse son indépendance après 30 années de combats menés, notamment, par William Wallace ;
  • 1707 : les parlements d'Edimbourg et de Londres signent l'Acte d'Union et se fondent dans un parlement unique, à Westminster ;
  • Septembre 1997 :après la victoire électorale des Travaillistes sur les Conservateurs aux élections britanniques, le gouvernement organise un référendum qui permet aux Écossais de se prononcer à 74 % pour le retour d'un parlement à Edimbourg, dont la séance inaugurale a lieu en juillet 1999. Dans l'esprit du « Prime Minister », Tony Blair – lui-même de mère écossaise – accorder au Nord de l'île la gestion de l'éducation, le logement, la santé, la justice, l'environnement, la culture… affaiblira les revendications des nationalistes qui, sous la houlette d'un certain Alex Salmond, ont repris du poil de la bête.


    Quand Mister Salmond va à la pêche… aux voix

    Depuis 1990, le SNP s'est choisi un leader qui, derrière une certaine « rondeur », fait preuve d'une foi socialiste et nationaliste inébranlable dans l'avenir de son pays depuis 35 ans et d'un véritable don oratoire doublé d'un sens redoutable de la répartie cinglante. Ajoutez-y une formation universitaire d'économiste pour cet ancien spécialiste du pétrole à la très chic Royal Bank of Scotland, ce qui lui vaut une certaine réputation en matière d'or noir, la manne de la mer du Nord qui remplace presque le whisky dans le coeur des Écossais, et vous avez le portrait d'un leader charismatique de 42 ans qui incarne, avec Sean Connery – entre autres – le nationalisme écossais contemporain et qui apparaît crédible lorsqu'il affirme que « les Anglais vont perdre un locataire rébarbatif pour gagner un voisin agréable ». Mais, pour ses adversaires, c'est un roublard qu'ils surnomment « Alex le malin » (peut-être même « Malin » !)


    Construire des châteaux en Écosse ?

    Onze milliards de livres (16 milliards d'euros) par an, c'est ce que l'Écosse coûte aujourd'hui au reste du Royaume. C'est la différence entre les impôts des Écossais versés au Trésor britannique et les subventions qui effectuent le chemin inverse. Et les Travaillistes de plonger sur l'occasion pour affirmer qu'une Écosse indépendante aurait un déficit budgétaire de 12 % ! Pas du tout, répondent les nationalistes, ces 11 milliards ne prennent pas en compte les recettes tirées du pétrole et du gaz de la mer du Nord et qui vont, aujourd'hui, remplir les caisses du gouvernement central.

    Après la victoire de mai 2007, Alex Salmond affirmait que Londres touchait 32 milliards de livres (45 milliards d'euros) par an grâce aux ressources énergétiques de la mer du Nord, à une époque où le baril coûtait moins de 90 dollars. Depuis que les prix ont frôlé les 140 dollars à la mi-juin 2008, on peut imaginer combien les Écossais doivent saliver à l'idée d'une éventuelle indépendance qui leur donnerait le contrôle du jackpot ! D'où ce sentiment d'être « volés » par les Anglais, comme l'expliquaient les dirigeants du SNP lors de la dernière convention nationale du parti. Et aussi un sentiment d'urgence : les réserves de la mer du Nord s'épuisent (37 milliards de baril ont déjà été extraits, il n'en resterait que 25 milliards) et 2040 est donnée comme la date où elles deviendront… fantômes.

    Alex Salmond va donc, d'ici au référendum annoncé pour le 25 janvier 2010, poursuivre le débat public « Dialogue national-Choisir le futur de l'Écosse » lancé pour préparer les trois hypothèses devant y être soumises : l'indépendance, des pouvoirs renforcés pour le Parlement ou le statu quo. Et tenter de séduire de plus en plus d'électeurs indifférents ou opposés à ses projets. Déjà, les sondages annoncent jusqu'à 40 % de partisans de l'indépendance, mais le chiffre tombe à 25 % quand on évoque la séparation avec l'Angleterre !


    Vers un Royaume Désuni ?

    Si l'Écosse devait devenir indépendante, les conséquences seraient incalculables. Au-delà de la question de la viabilité de ce nouvel État de 5 millions d'habitants – saura-t-il imiter le « Tigre celtique » irlandais que le SNP prend pour modèle ? – se posera celle de l'adhésion à une Union européenne (qu'Alex Salmond appelle de ses voeux, évoquant même l'adoption de l'euro) déjà trop nombreuse peut-être, et où Edimbourg risque de perdre sa liberté de mener une politique de dépenses publiques élevées à laquelle les Écossais sont très attachés. Sans parler du choc que créerait, après le cas du Kosovo (et avant le Pays Basque, la Flandre, la Corse… ?) l'explosion d'un Royaume Uni où, par ailleurs, Sinn Fein n'a pas renoncé à obtenir la sécession de l'Irlande du Nord.

    Cette désunion du Royaume de la Reine d'Angleterre, résultat d'une lutte féroce entre deux Écossais, Alex Salmond et Gordon Brown, lui-même Premier ministre à Londres et député d'une circonscription écossaise, ferait l'effet d'un coup de tonnerre comme, en son temps, la bataille de Stirling, remportée à la fin du XIIIe siècle sur les Anglais par un certain William Wallace, le personnage le plus populaire aujourd'hui en Écosse !

    François Bédin, rédacteur en chef de France Culture.

    Co-publié dans L'InterCeltique, le magazine du festival interceltique de Lorient, été 2008, p. 23.


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