L'enseignement d'une langue étrangère aux adultes: des professeurs s'expriment

Chronique publié le 20/08/13 10:58 dans Cultures par Sylvie Le Moël pour Sylvie Le Moël
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Les enseignants d'AEOLIS: Ifigenia GEORGIADOU Directrice, Efy, Nikos, Stella, Kostas
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Le groupe d'apprenants et les professeurs d'AEOLIS

Depuis l'instauration des cours de Grec à la MJC du Plateau de Saint Brieuc, le nombre d'apprenants n'a cessé de croître pour la plus grande joie des animateurs du cours et de la structure. Tous les apprenants ont d'excellentes raisons de découvrir ou de redécouvrir les plaisirs linguistiques conférés par cette merveilleuse langue, à laquelle nous devons tant!

Les motivations sont diverses et nombreuses: ancêtres grecs, conjoint ou parent d'origine grecque, souhait d'aller vivre une partie de l'année en Grèce lors de la retraite, affinités électives avec le pays, intérêt culturel, souhait de communiquer avec des amis grecs voire avec les parents de ces amis, désir de retourner vivre et travailler un jour au pays, besoin de retrouver ses racines familiales, impératifs linguistiques quand on devient propriétaire d'un pied-à-terre en Grèce....Autant d'occasions louables de suivre un apprentissage qui se révèlera épanouissant à de multiples points de vues.

Accompagner les adultes apprenants dans leur apprentissage d'une langue étrangère est différent du fait d'enseigner à des enfants. C'est ce qui ressort d'une enquête que j'ai menée, entre autres, pour les lecteurs d'Agence Bretagne Presse, lors de mon stage intensif de Grec moderne à l'Association AEOLIS, à Mytilène. AEOLIS, partenaire grec privilégié de la MJC du Plateau, assure la formation de ses animateurs depuis 2011 sous l'égide de Grundtvig. Faisant le chemin inverse du gendre de Renan, Jean Psichari, auteur du texte 'De Mytilène en Bretagne', je me suis rendue cet été à Mytilène depuis ma Bretagne natale pour enquêter sur les traces de l'inspirateur du Grec démotique. Ce voyage sous l'égide du Programme Européen Grundtvig, m'a donné l'occasion de m'entretenir avec 5 enseignants de Grec moderne.

Sur la base de 4 questions spécifiques posées à ces professeurs, je vous transmets donc les résultats de ces entretiens avec Nikos, Stella, Efy, Kostas mais aussi avec la Directrice d'Aeolis, Ifigenia Georgiadou.

1) Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans l'enseignement des adultes ?

Pour Ifigenia, Stella, Efy et Nikos, les adultes connaissent bien leurs besoins, savent ce qu'ils veulent et ce qu'ils font. Ils savent apprendre ! De plus, ils n'étudient pas le Grec par hasard mais ont toujours de sérieuses motivations pour le faire et de ces motivations découlent des résultats probants. Pour Stella, cela leur permet même de redoubler d'efficacité dans les acquisitions. Pour Ifigenia, Nikos et Kostas, les adultes présentent aussi l'avantage de l'expérience. Ils apportent leur vécu et leurs connaissances dans la classe et de ce fait l'enseignant apprend lui aussi. Nikos et Ifigenia se réjouissent de pouvoir parler d'égal à égal avec des adultes, ce qui favorise grandement l'échange et contribue à un véritable enrichissement mutuel.

2) Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés quand vous enseignez aux adultes ?

Pour Stella, Efy et Kostas le défi consiste à gérer le groupe d'apprenants adultes de telle sorte que l'atmosphère soit harmonieuse et que chacun se sente à l'aise dans un climat positif dénué de tensions. Chaque adulte doit en effet trouver sa place au sein du groupe et s'intégrer à l'équipe pour s'épanouir dans l'apprentissage. Ifigenia et Nikos remarquent en outre que les adultes amènent en classe- et c'est bien humain!- leurs problèmes psychologiques, leurs soucis, leurs joies et leurs peines et colorent inévitablement les leçons de leur sensibilité ou leur état d'esprit du moment. « S'ils ont des angoisses, des contrariétés accumulées dans la journée ou dans la semaine, alors ils peuvent s'assombrir et se fermer en classe. Le défi consiste donc à leur permettre de se sentir bien, à les mettre en confiance. Il est important qu'ils se sentent en sécurité » souligne Nikos. Stella ajoute: « Les adultes peuvent se décourager facilement et redoutent parfois de parler en classe de peur de faire des fautes et donc de se ridiculiser aux yeux des autres. Ils ne veulent pas se sentir jugés.». Ifigenia précise : « En outre, lorsqu'un apprenant dit 'je n'arrive pas à comprendre' il signifie en fait à l'enseignant 'Vous ne m'avez pas bien expliqué' C'est comme un code qu'il fait savoir interpréter! Ifigenia nous fait part d'une autre expérience: « Avec les adultes ça demeure toujours subtil. En effet ça se joue sur plusieurs niveaux et même si l'on fait preuve de beaucoup de psychologie, l'on n'a pas toujours accès à leurs failles. Elles restent cachées et puis, à un moment inattendu, elles se révèlent et ça peut déconcerter. A titre d'exemple j'avais une apprenante qui nous parlait du jour de son mariage et tout d'un coup elle a fondu en larmes, alors que son couple marchait très bien et qu'elle aimait profondément son mari. Mais la simple évocation de ses noces, lui a rappelé que son père, vivant lors de cette cérémonie, était décédé depuis et elle pleurait son cher disparu qui n'était plus de ce monde. Elle était bouleversée. Cet exemple frappant illustre le fait que chez les adultes ça se passe sur différents plans! »

3) Quel est votre jeu linguistique préféré ?

Nikos et Efy aiment particulièrement les jeux de rôles car ils estiment qu'ils favorisent la production orale spontanée. L'adulte doit se glisser dans la peau d'un personnage et donner la réplique à un collègue, en improvisant aussi. Cela stimule l'imagination et la faculté de répartie... ce qui est forcément très drôle ! Kostas quant à lui préfère le jeu de Dominos où l'apprenant doit coupler les cartes et mettre face à face les synonymes d'un mot donné. Ce jeu, qui se joue en équipe, stimule gentiment la rapidité de réflexion mais aussi la compétition entre les 2 équipes. L'équipe qui a terminé en premier tout en associant correctement les paires, remporte la partie. Stella aime par dessus tout le jeu du portrait. L'apprenant, sur base d'une photo découpée dans un magazine par exemple, dresse oralement le portrait de la personne photographiée: son nom, sa vie, sa famille, son travail, ses loisirs, ses compétences, son caractère, ses problèmes.... l'apprenant doit utiliser dans ses descriptions des mots de vocabulaire provenant d'une liste mise à sa disposition sur une feuille de papier. Il peut ainsi donner libre cours à son imagination, presque sans entrave... puisqu'il décrit un personnage extérieur à lui-même. L'on peut approfondir ce jeu en donnant à l'apprenant 2 photos et en lui demandant d'imaginer en plus les liens existant entre les 2 personnages. Pour Ifigenia, auteur du livre 'Jouer et rire: jeux de langues pour apprendre le grec moderne comme langue étrangère'(Éditions HCC, 2004), son jeu préféré est celui du rêve. L'apprenant doit imaginer un rêve qu'il aurait eu et le raconter. Plus l'histoire sera farfelue, plus ce sera drôle. L'apprenant doit utiliser obligatoirement 5 mots ou expressions que l'enseignant a inscrit pour lui sur une feuille de papier. Chaque apprenant reçoit bien entendu des mots différents. Une fois le rêve raconté, un autre apprenant tente alors de le déchiffrer et de lui prédire son avenir, en s'appuyant sur un document interprétatif qu'il doit adapter selon les propos tenus par son interlocuteur. Frissons et fous-rires seront sans aucun doute au rendez-vous!

4) Pourquoi aimez-vous enseigner le Grec comme langue étrangère ?

Tous les professeurs soulignent que leur amour pour leur langue natale les a poussé à enseigner le Grec afin d'en partager la beauté. La tâche leur incombe toutefois d'amoindrir autant que faire se peut les difficultés et de rendre intelligibles les problèmes grammaticaux ! « Enseigner sa langue, constitue l'opportunité rêvée de l'apprendre soi-même de manière approfondie » certifie Kostas, féru de culture grecque. Nikos y voit aussi l'expression d'une sensibilité et d'une forme de créativité facilitant l'échange entre les personnes. Efy, à l'instar d'Ifigenia, y trouve un moyen fabuleux de rencontrer des gens de tous horizons, animés d'une motivation pour le Grec... ce qui est forcément très touchant ! Ifigenia s'émerveille toujours, à chaque cours du voyage qu'elle accompli tout en demeurant dans sa classe : « J'apprends infiniment de mes apprenants, grâce à eux c'est comme si je réalisais le tour du monde.... ou le tour des bibliothèques, car les adultes savent tellement de choses … ce sont des encyclopédies vivantes.... et un enseignant ne peut pas se lasser de cela!»

Propos recueillis par Sylvie Le Moël, bénéficiaire Grundtvig, lors de son séjour linguistique à AEOLIS, Mytilène (22 juillet-2 Août 2013)

www.aeolis.edu.gr

www.2e2f.fr ou bien tel : 05 56 00 94 00

Apprendre le grec à Saint Brieuc: www.mjcduplateau.fr. Tel: 02 96 61 94 58


Vos commentaires :
HZMNE
Dimanche 22 décembre 2024
Bonjour a vous,
C'est une chance pour st Brieuc et sa région de pouvoir rencontrer une aussi belle langue avec une histoire qui ne s'interrompt pas, ce qui est rare.
Cela me conduit à vous demander si le Grec ancien modifié dans son alphabet et sa grammaire, en partie seulement, est pratiqué dans les études en Grèce aujourd'hui ?
Que pensez-vous de l'abandon du Grec ancien dans l'éducation nationale en France et en Bretagne ?
Si le nombre de kilomètres n'étaient pas un obstacle, je me ferais un plaisir d'être parmi vous.
Helene.

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