Kadir, un détenu kurde "ordinaire" en Turquie

Communiqué de presse publié le 15/06/12 0:11 dans Politique par André Métayer pour André Métayer
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« Ici, la chose la plus difficile est de sentir l'arrivée du printemps et de vivre le printemps en ces murs. Le printemps, je le sens très fort, même si je ne le vois pas, même si je ne vois pas la couleur verte de la nature », écrit le détenu Abdulkadir Dilsiz du fond de sa cellule de type F, à la prison Kiriklar (pour lui écrire, voir ci-après), joignant à ce message la photo de ce bouquet de marguerites qui le fait rêver.

Kadir, notre «Kurde breton», purge sa longue peine tout en clamant son innocence. Kadir est l'exemple même du lampiste qui, contrairement aux annonces tonitruantes de la presse turque, n'est ni un des membres de haut rang du PKK, ni un des fondateurs de ROJ TV, mais un militant de la cause kurde livré au lynchage médiatique pour avoir travaillé quelques mois à ROJ TV, cette télévision kurde que la Turquie a fini par faire interdire, mais qui, tel le phénix de la mythologie grecque, renaquit immédiatement de ses cendres avec STERK TV.

Kadir est bien connu en Bretagne, en particulier dans le Pays de Redon où il a résidé, comme militant des droits humains. Il s'est également beaucoup investi dans la vie culturelle et associative bretonne, commençant notamment à apprendre le breton. Interpellé en Turquie le 4 janvier 2008, torturé, incarcéré, il est jugé et condamné le 2 octobre 2009 à 13 ans de prison.

Depuis, une correspondance s'est établie qui nous révèle la dure réalité au quotidien de la vie carcérale en Turquie. Dans sa lettre du 24 avril, qui vient de nous parvenir, Kadir nous apprend qu'il est sorti du mitard depuis 4 jours. Le mitard, il le connaît trop bien pour avoir écopé à plusieurs reprises d'une peine de plusieurs mois. Tous les motifs sont bons : grève de la faim, lettre pétition, demande de révision... Le mitard, c'est l'isolement dans l'isolement : ni courrier, ni visite, interdiction de communiquer. A la sortie, il y a «embouteillage» et Kadir ne peut répondre, comme il le souhaiterait, à tout le courrier resté en souffrance, d'autant plus qu'il est handicapé par une blessure au poignet. Il demande donc de transmettre son amitié à tous ceux à qui il ne pourra pas écrire rapidement.

Parlant de sa situation personnelle, il nous ouvre son cœur, toujours avec la retenue qui sied à sa culture et à sa situation de détenu :

« En ce moment, on parle de nouvelles lois qui vont bientôt être envoyées au Parlement [de Turquie] pour approbation. Une d'elles pourrait permettre la révision de mon dossier et, si elles sont approuvées, une libération pourrait être envisagée dans 3 ans, soit 1 an avant ma libération conditionnelle. [...] J'écris à nouveau à la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour solliciter le renvoi de ma requête devant la Grande Chambre mais j'ai peu d'espoir car, ces derniers temps, la CEDH a refusé plus d'une douzaine de requêtes envoyées depuis cette prison ! Je trouve cela très bizarre. [...] Je me réjouis à l'idée de pouvoir, dimanche prochain, téléphoner à ma femme. Elle devrait obtenir un droit de visite demandé pour le 18 août : je pourrai enfin la voir ainsi que mon fils Agrin. J'ai, d'autre part, rendez-vous à l'hôpital le 19 juin pour la 2e opération de mon œil. [...] J'essaie de lire un peu mais une activité m'occupe beaucoup : c'est l'accueil et le soutien des nouveaux camarades ».

Il est vrai que la répression s'est accélérée et que les «nouveaux camarades» sont nombreux, à la prison d'Izmir comme ailleurs : le rapport de l'Association turque des droits de l'homme (IHD) fait état, pour les quatre premiers mois de l'année 2012, de 733 placements en détention. Le parti (pro-kurde) pour la Paix et la Démocratie (BDP), chiffre à plus de 8.000 le nombre de ses membres actifs (militants, élus locaux, députés) maintenus en détention depuis avril 2009.


André Métayer

Écrire à Kadir : Abdulkadir DİLSİZ

2 Nolu F Tipi Cezaevi Kırıklar

– Buca İZMİR

Turquie


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