Joël Cornette a présenté son nouveau chef d'œuvre aux rendez-vous de Paris Breton le 9 décembre

Conference debat publié le 10/12/08 4:40 dans Cultures par Philippe Chain pour Philippe Chain
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Les rendez-vous de Paris Breton ont connu ce mardi soir leur dernière édition pour l'année 2008.

Joël Cornette, auteur, parmi une vingtaine d'ouvrages, de l'«Histoire de la Bretagne et des Bretons», présentait son dernier livre sur la conspiration de Pontcallec : 'Le Marquis et le Régent, une conspiration bretonne à l'aube des lumières'.

Joël Cornette, historien de la monarchie, a été lauréat du Grand Prix d'Histoire de l'Académie Française (Le Prix Gobert ) pour l'«Histoire de la Bretagne et des Bretons» et l'ensemble de son œuvre. « M. Joël Cornette est l'un de nos plus grands historiens de la monarchie du XVIIe siècle, son œuvre est monumentale » devait déclarer M. Marc Fumaroli qui précisait également : « Il est d'autant plus admirable qu'il ait, quittant le point de vue du centre pour celui de la périphérie, édifié un monument à l'histoire du duché de Bretagne. Sur une très longue durée, depuis ses origines jusqu'à nos jours, en passant par la transformation du duché en province et de la province en départements. Cette gageure est à l'origine d'un chef-d'œuvre à la fois de science et de style »

Devant une assistance passionnée et captivée par l'écrivain historien, Joël Cornette a brossé la fresque de l'histoire (la transcription des faits constatés) et sa sublimation par l'imaginaire breton. Après avoir rappelé le traitement de l'histoire du Marquis de Pontcallec par le film de Bertrand Tavernier («Que la fête commence») dont une photo est utilisée pour la couverture de l'ouvrage, car nous ne disposons d'aucune représentation du Marquis, ni de description physique, Joël Cornette a présenté le travail mené durant deux années pour rechercher et exploiter les archives du procès.

Il a ainsi constaté l'ignorance et l'incompréhension respective de deux mondes, celle du pouvoir central, la Régence, et celle de la province avec sa petite noblesse, dont Pontcallec est l'expression.

Resituant le contexte historique : un pouvoir monarchique assuré par une régence, donc en faiblesse car ne disposant pas d'une légitimité forte, qui doit faire face à des contestations, en particulier de partisans du Roi d'Espagne. Et ce sont ces derniers qui vont soutenir la naissance de la conspiration, au moment même où les États et le Parlement de Bretagne sont en opposition déclarée au pouvoir central.

La réaction disproportionnée de la Régence installant un tribunal spécial à Nantes décidant de l'exécution du Marquis et de ses comparses, alors que ceux-ci s'attendaient à la clémence et au pardon, car enfin, le sang n'avait pas coulé, puise sa raison dans la volonté de cette régence de briser toute tentative d'opposition et de contestation de son pouvoir.

Le signe d'autorité ayant été lancé, la régence revient à ce que Voltaire qualifiait « d'aimable régence temps fortuné marqué par la licence »

Joêl Cornette s'est également attaché à la personnalité de Chrisogone-Clément de Guer, marquis de Pontcallec chef d'un nom ancien et prestigieux. C'est un gentilhomme ruiné, malgré la possession de biens importants, seigneuries, droits sur les marchés avec de nombreux sujets,mais accablé de dettes.

Le vrai Pontcallec est plutôt un triste sire, irascible, jaloux de ses droits, dur avec ses gens qui ne l'aiment pas, bien au contraire. Contrebandier, craignant de se voir déporter en Louisiane pour cette raison, il vit au milieu de ses bois pour ne pas être appréhendé.

Au-delà du Marquis, Joël Cornette trace également le portrait d'une Bretagne insoumise attachée au maintien de ses privilèges et de ses libertés. Le contexte de l'époque est magnifiquement décrit dans le prologue. Le livre est en effet conçu comme une œuvre théâtrale avec une succession de scènes où apparaissent les acteurs, Joël Cornette est non seulement un historien mais un auteur à part entière.

Après avoir retracé les faits et les avoir restitués dans leur contexte, Joël Cornette s'est intéressé à l'image du Marquis de Pontcallec, comment ce triste sire devient-il un héros de l'insoumission au pouvoir monarchique, et un symbole de la lutte de la Bretagne pour sa reconnaissance ?

Pour ce faire il s'est appuyé sur les recueils de Donation Laurent, et sur les travaux d'Éva Guillorel qui vient de présenter brillamment sa thèse à Rennes. En liaison avec Dastum, un CD réunissant les gwerzioù ou complaintes du marquis de Pontcallec est fourni avec le livre qui décrit sous la plume d'Éva Guillorel chacun de ces chants en proposant également une traduction en français.

Cette transformation du marquis par l'imaginaire breton en saint laïc constitue un autre volet du livre. En cela il ne s'agit plus uniquement d'histoire bretonne mais d'histoire universelle, avec le décryptage des mythes constitutifs d'histoires nationales, celle par exemple où Michelet a excellé. Le mythe propose un symbole qui reprend les aspirations profondes d'un peuple et livre le vécu et le ressenti de cette population. Ceux-ci sont réels, l'icône est alors un miroir qui livre l'histoire. C'est l'imaginaire qui s'impose, et l'imaginaire a bien plus de force et réalité que la succession des faits.

«Le Marquis et le Régent. Une conspiration bretonne à l'aube des Lumières». Éditions Tallandier 24 €.


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