Jérôme Kerviel contre la Société générale : dans quel camp sont les escrocs ?

Communiqué de presse publié le 5/10/13 18:27 dans Justice et injustices par Reun Coupa pour Reun Coupa
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Jérôme Kerviel contre la Société générale : dans quel camp sont les escrocs ?

Paris – Monique Guelin

Tout est parti d'une déclaration de Daniel Bouton, le PDG de la Société générale à l'époque où éclate l'affaire. Le 24 janvier 2008, celui-ci dévoile, dans une conférence de presse, que la banque aurait perdu 4,9 milliards d'euros, et qu'elle impute l'intégralité de ces pertes à l'un de ses traders, qu'elle accuse de fraude. Ce même jour, Daniel Bouton donne à France info une interview, au cours de laquelle il nomme le coupable : Jérôme Kerviel, «cet escroc, ce fraudeur, ce terroriste, je ne sais pas».

Puisqu'il ne savait pas, il aurait mieux fait de se taire. Car « les paroles s'envolent », affirme le proverbe, mais certains mots ont la vie dure. Celui d' « escroc » s'est incrusté dans l'esprit d'une partie du public, et il est des personnes, qui, n'ayant pas suivi de près le déroulement de l'affaire, ont fixé ce terme gravement insultant dans leur mémoire, et croient depuis tout ce temps, de bonne foi, que Jérôme Kerviel (JK) a dérobé 4,9 milliards d'euros à la Société générale (SG), et qu'il est donc légitime qu'on lui demande de les rembourser. Cela ressort de discussions que l'on peut avoir, ici ou là, sur l'affaire, au hasard de rencontres, avec des amis ou avec des inconnus. Lorsqu'on évoque avec eux les 4,9 milliards d'euros que JK a été condamné à payer, bon nombre d'interlocuteurs, bien que compatissants au vu de l'énormité de la somme, se reprennent, et vous disent d'un air entendu : « en même temps, c'est un escroc, alors on ne va pas s'apitoyer sur son sort ! ». Tant il est vrai que l'on ne peut imaginer que l'on réclame à quelqu'un une somme aussi colossale s'il ne l'a pas dérobée !

Alors rectifions ici encore une fois, fermement, définitivement, une erreur totalement infondée : Jérôme Kerviel n'est pas un escroc. Jérôme Kerviel est un homme honnête.

Ceci fut établi rapidement, au tout début de l'affaire. Dès le 28 janvier, on savait, au terme de l'enquête préliminaire menée par les policiers de la brigade financière, que ceux-ci concluaient que JK n'avait soustrait aucune somme d'argent et qu'il n'était coupable, ni de détournement de fonds, ni d'enrichissement personnel. Il avait agi avec pour seul objectif de rapporter toujours plus d'argent à la banque.

Le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke écarta donc la « tentative d'escroquerie » comme motif de mise en examen de JK, et son opinion sur ce point n'avait pas changé après un an d'instruction, comme on le constate dans l'ordonnance de renvoi du 31 août 2009, qui stipule (page 72) : « Attendu qu'il ne résulte pas de l'information charges suffisantes contre Jérôme Kerviel d'avoir commis le délit de tentative d'escroquerie ; Déclarons n'y avoir lieu à suivre de ce chef contre Jérôme Kerviel ».

Ce point évidemment capital est encore affirmé, une année plus tard, par les juges du tribunal correctionnel de Paris présidé par Dominique PAUTHE. Dans le texte intégral du jugement en premier ressort, prononcé le 5 octobre 2010, il est en effet mentionné (page 63) : « … l'absence de bénéfice financier immédiat retiré de cette affaire par le prévenu ».

Quant à la cour d'appel de Paris, présidée par la juge Mireille FILIPPINI, elle a manifestement considéré ce fait comme acquis, car il n'est plus évoqué dans son arrêt du 24 octobre 2012.

Donc, pas de tentative d'escroquerie de la part de JK, c'est bien clair : Jérôme Kerviel n'est pas un escroc. Et l'usage de ce mot, à son sujet, est diffamatoire.

Que représentent alors les 4,9 milliards d'euros et pourquoi les réclame-t-on à JK, puisque celui-ci ne les a pas dérobés ?

Cette somme que JK est condamné à payer correspond à des dommages et intérêts. La loi dit en effet que toute personne, ou entreprise, qui a été victime d'un préjudice – ici financier - peut en demander compensation, sous forme de « dommages et intérêts ». Ceux-ci sont fixés à hauteur du préjudice subi par la victime, c'est-à-dire qu'ils sont égaux au montant exact du préjudice – et ceci, quelqu'exorbitant qu'il puisse être.

Dans le cas présent, la SG a déclaré avoir enregistré des pertes d'un montant de 4,9 milliards d'euros. Elle prétend que de telles pertes ont été générées par la liquidation impérative, effectuée par ses services, en janvier 2008, des seules positions hors normes de JK. Elle est donc fondée à en réclamer le remboursement, à titre de dommages et intérêts, à celui qu'elle désigne comme le seul responsable desdites pertes. Et la justice est tenue, en l'état actuel de la jurisprudence, d'entériner purement et simplement une telle requête de la SG – c'est ce qu'elle a fait par 2 fois.

L'énormité du chiffre a pu choquer l'opinion publique. Les gens ont jugé aberrant que l'on demande à JK une somme d'argent que sa vie entière ne suffirait pas à rembourser. Mais la loi est ainsi faite : elle ne contient aucune disposition qui permettrait de réduire le montant des réparations dues à la victime d'un préjudice financier, par l'auteur de celui-ci.

La situation, conforme à la loi, paraît donc normale – elle ne l'est pas.

En effet, et c'est là un fait sans précédent, le préjudice dont fait état la SG a été chiffré par la prétendue victime elle-même ! C'est la SG qui a établi le décompte de ses propres pertes, aboutissant, selon elle, à ce total de 4,9 milliards d'euros. Un tel chiffre n'a jamais été contrôlé par la justice : 4 juridictions successives, (instruction, 1ère instance, appel, prud'hommes) ont, depuis 2008, jugé superflu de le faire, témoignant à la SG une confiance aveugle.

« La Société Générale a établi en toute transparence le quantum de son préjudice, dont elle demande réparation », s'en justifie la Présidente de la cour d'appel de Paris, Mireille Filippini, dans son arrêt du 24 octobre 2012 (page 99).

En toute transparence, c'est beaucoup dire. Le débouclage a été exécuté en secret à l'exclusion d'un tout petit groupe d'initiés. Les commissaires aux comptes, qui disent en avoir suivi le déroulement, ont déclaré aux 2 procès que tout était normal, mais - faut-il le rappeler ? -, de tels salariés sont appointés par la SG. Le seul organisme indépendant de la SG, qui ait contrôlé les opérations de débouclage et en ait vérifié les comptes, est la commission bancaire. Son rapport (mars 2008) est resté confidentiel sur cette étape de l'affaire, mais les juges en ont extrait quelques bonnes pages. On y apprend que la commission a mené ses investigations, non sur des pièces d'origine, mais sur des copies de documents informatiques extraits par la banque de ses ordinateurs. En clair, la commission bancaire a vu ce que la SG avait décidé qu'elle verrait. Cela dit, il apparaît que la commission bancaire ne s'engage pas plus que ça, se référant, pour le chiffre des pertes, à la somme déclarée par la banque, au lieu de citer celui qu'elle aura elle-même obtenu par ses propres calculs. Au demeurant, dans ses conclusions, la commission bancaire n'exprime pas formellement qu'elle approuve les comptes du débouclage ( (voir le site) ).

Il est extrêmement surprenant que la justice se soit contentée d'une vérification effectuée dans de telles conditions. Qu'elle n'ait pas estimé impératif, compte tenu, notamment, de l'exorbitance du chiffre, de faire procéder à une expertise rigoureuse du débouclage, ainsi que du calcul des pertes déclarées, sur pièces d'origine, examinées in situ.

Non seulement les juges n'ont pas procédé spontanément à de tels contrôles, mais tous ont opposé un refus catégorique à JK et à sa défense, qui n'ont pas cessé de les leur réclamer depuis plus de 5 ans. Le dernier refus en date, tout récent, émane du conseil des prud'hommes, qui a rejeté une nouvelle demande de JK, au motif qu'elle ne serait pas légitime ( (voir le site) ) !

Il est clair que, pour la justice, les déclarations de la SG tiennent lieu de preuves.

Au-delà de l'étonnement, un tel comportement de la justice, qui, complice objective de la SG, maintient l'opacité là où l'on attendrait qu'elle exigeât la transparence, suscite dans l'opinion publique une profonde méfiance. Qui peut aujourd'hui savoir ce qu'il s'est réellement passé au cours du débouclage ? Si les pertes sont bien imputables au seul JK - la défense, contactée, depuis le procès, par de nouveaux témoins, a des raisons de suspecter la SG d'avoir aggravé les pertes de JK en y incluant celles de 3 autres traders ( (voir le site) ) ? Qui peut être certain que le calcul des pertes ait été fait correctement ? Si seulement il y a eu des pertes d'ailleurs ?! Le soupçon s'est ainsi installé dans les esprits, que l'on cherche à nous dissimuler quelque manoeœuvre louche, voire frauduleuse, que la somme de 4,9 milliards est réclamée à JK indûment, et que, si la justice refuse une expertise, c'est parce que celle-ci permettrait de le démontrer. Car l'accusation changerait alors de camp, la SG devenant coupable d'une tentative d'escroquerie à l'encontre de JK. En l'état actuel du dossier, personne ne peut l'exclure.

Les juges ne sont pas les seuls à avoir cru la SG sur parole, sans émettre le moindre doute à propos de la version du débouclage et de ses comptes imposée par la banque. Une même confiance absolue dans les déclarations de la SG a été témoignée à celle-ci par l'administration des finances de l'époque, lorsqu'elle s'est autorisée à octroyer à la SG une déduction fiscale de 1,7 milliards d'euros, en compensation de ses prétendues pertes. Certes, la loi prévoit bien que lorsqu'une entreprise enregistre des pertes exceptionnelles (ici dues à une fraude, selon les dires de la banque), elle peut bénéficier d'une réduction d'impôts, à hauteur d'un tiers des pertes essuyées. Mais n'est-il pas étonnant que Bercy se soit basé, pour calculer le montant de l'allègement fiscal, sur le chiffre des pertes déclaré par la SG, c'est-à-dire les 4,9 milliards d'euros, sans le contrôler ?! La moindre des précautions n'eût-elle pas été de vérifier comment cette somme exorbitante avait été obtenue ?

Le comportement de l'administration des finances en cette occasion présente d'autres anomalies tout aussi surprenantes.

La déduction fiscale est accordée dès février 2008, un mois seulement après que l'affaire ait été rendue publique. Le ministère de l'économie et des finances, tenu à l'époque par Christine Lagarde, a donc pris la décision de dédommager la SG en se contentant des informations fournies par celle-ci, sans attendre qu'une autorité judiciaire exprime son avis sur l'affaire - l'instruction venait tout juste de commencer ! Cela signifie que Bercy s'est arrogé le droit de reconnaître l'existence de la prétendue fraude, et d'en désigner JK comme le coupable exclusif, violant ainsi la loi sur la présomption d'innocence, qui protégeait JK d'une telle accusation jusqu'au 5 octobre 2010, date du premier jugement.

La prudence eût voulu que la généreuse décision fût différée, dans l'attente que des juges se soient également prononcé sur l'éventualité d'une implication de la banque dans les pertes - soit qu'elle ait été au courant de la prétendue fraude, soit que la hiérarchie de JK en ait été complice, soit que le fonctionnement des services chargés des contrôles ait été défaillant – 3 conditions définies par le Conseil d'état - chacune suffisante - qui excluent l'octroi de l'avantage fiscal (arrêt du 5 octobre 2007). Mais le ministère des Finances s'est manifestement jugé au-dessus des lois, prenant et appliquant délibérément une décision doublement illégale. Car, le mois suivant, la commission bancaire avait justement estimé que la SG avait une part de responsabilité dans les pertes, ses investigations ayant révélé une carence grave des systèmes de contrôle de la banque, à laquelle elle infligeait pour ce motif, en juillet 2008, une amende de 4 millions d'euros. Des personnalités politiques s'étaient insurgées en apprenant ceci, tardivement, en octobre 2010 – dont François Hollande, alors député de la Corrèze, qui s'étonnait ironiquement que la banque fût récompensée, en quelque sorte, pour son incompétence -, puis le sujet était tombé dans l'oubli.

Le voici qui revient à l'ordre du jour. Une partie de la classe politique semble en effet redécouvrir l'affaire et prendre conscience de l'état du dossier dans sa réalité, et non tel qu'il est présenté, depuis 5 ans, par des médias outrageusement désinformateurs, qui ne relatent que les faits et les arguments conformes à la version officielle.

Un tel regain d'intérêt est dû à l'action menée depuis plusieurs mois par JK et par son avocat, David Koubbi. Le verdict inique du 24 octobre 2012 - rendu après un procès au cours duquel la défense avait pourtant apporté des éléments nouveaux, témoignages et pièces matérielles, dont l'interprétation était incompatible avec les affirmations de la SG, creusant ainsi un doute plus que consistant quant à l'authenticité de celles-ci - ne laissait que peu d'espoir en une résolution de l'affaire par les voies judiciaires. Que pouvait-on attendre du pourvoi en cassation ? Il était clair que la justice était déterminée à protéger sans défaillance les intérêts d'une banque systémique, et JK et son conseil acquirent alors la conviction définitive que l'affaire était politique, et qu'il ne fallait compter que sur les politiques pour les aider à faire triompher la vérité. Dans cet objectif, la défense entreprit de contacter individuellement des acteurs de la vie politique, afin de les informer des flagrantes irrégularités relevées dès l'instruction, et au cours des 2 procès, et afin de les presser de les dénoncer et d'y réagir.

Tout récemment, JK a décidé d'interpeller tous les responsables politiques en charge d'un mandat, ou exerçant un pouvoir politique, à l'échelle nationale, par l'intermédiaire d'un courrier rendu public. Adressée aux députés, aux sénateurs, et aux membres de l'exécutif, doublée d'une demande d'audience au Président de la République, la lettre de JK est un poignant appel au secours, décrivant le calvaire qu'est devenue sa vie depuis plus de 5 ans. JK y clame son innocence, et axe sa requête sur l'avantage fiscal accordé à la SG, dont il conteste la légitimité. Il réclame aux députés l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire, et revendique, pour la nème fois, une expertise sur le chiffre des pertes, qui a servi de base au calcul du dédommagement fiscal ( (voir le site) ).

Toutes ces démarches portent leurs fruits, et plusieurs hommes et femmes politiques ont déjà réagi avec vigueur, certains ayant eu le courage de prendre position publiquement. Stupéfaits de constater le laxisme dont a fait preuve le ministère des finances de l'époque, en accordant un cadeau de cette importance à la banque, dans des conditions qu'ils estiment résolument illégales, soucieux de contrôler l'utilisation judicieuse de l'argent public, ils interpellent l'actuel gouvernement et lui demandent des comptes.

Ce sont tout d'abord 4 personnalités, qui, au printemps dernier, ont dénoncé avec vigueur les anomalies du comportement de Bercy dans cette affaire. Toutes 4 veulent savoir qui a bien pu prendre si précipitamment, jugeant avant les juges, et sans même attendre les conclusions de l'enquête de la commission bancaire, une décision aussi favorable à la banque et aussi coûteuse pour le contribuable.

Clémentine Autain, membre du Front de Gauche, interpelle directement la chef de l'état ; Julien Bayou, conseiller régional d'Ile-de-France Europe Écologie Les Verts, réclame l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire ; un homme de la société civile, Roland Agret, Président de l'association « Action Justice », demande des explications à Pierre Moscovici ; et Jean-Luc Mélenchon, coprésident du parti de Gauche, envisage de poser la question à Stéphane Richard ( (voir le site) ).

Stéphane Richard, c'était, à l'époque des faits, le directeur de cabinet de Christine Lagarde. On sait qu'il est actuellement mis en examen, dans le cadre de l'affaire Tapie, pour escroquerie en bande organisée. Les juges d'instruction se demandent quel rôle il a pu jouer dans la décision, prise en 2007, de mettre en place, pour régler le conflit Bernard Tapie – Crédit Lyonnais, une procédure d'arbitrage privé, dont le résultat a été d'accorder à l'homme d'affaires, en juillet 2008, une somme de 400 millions d'euros. L'implication de Claude Guéant, alors secrétaire général de la présidence de la République, dans l'organisation et dans le suivi de l'arbitrage ( (voir le site) ), indique l'intérêt actif de l'Elysée, pour un règlement de l'affaire Tapie selon ses souhaits.

C'est cette même équipe qui était à la manœuvre à Bercy au moment où le généreux cadeau fiscal de 1,7 milliards a été fait à la SG. Est-il concevable qu'une telle décision ait été prise sans l'aval de l'Elysée ?! L'hypothèse est d'autant plus vraisemblable que le conseiller justice de Nicolas Sarkozy en personne, Patrick Ouard, était intervenu directement auprès de la SG, dès le début de l'affaire, afin de recommander à la banque de choisir des avocats agréés par la Présidence ( (voir le site) ). Tout porte à croire que le règlement précipité de l'affaire SG, dans les conditions les plus favorables à la banque, ait été organisé au plus haut niveau de l'État. Si une enquête parlementaire établissait une telle collusion, alors les différents protagonistes se verraient inculpés d'escroquerie en bande organisée, escroquerie dont les victimes seraient dans ce cas les contribuables français. Personne, actuellement, n'est en mesure d'écarter une telle hypothèse.

Tout récemment, 2 sénateurs se sont à leur tour mobilisés, afin d'exiger des explications de la part de l'actuel gouvernement sur l'affaire. Mme Marie-Noëlle Lienemann et Mr Eric Bocquet, ont interpellé oralement le ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici, le 17 septembre, au cours d'une réunion de la commission d'enquête sur le rôle des banques dans l'évasion fiscale ( (voir le site) ), et Marie-Noëlle Lienemann a adressé, dès le 11 septembre, une lettre à ce même ministre. La sénatrice, s'interrogeant sur le bien-fondé de l'allègement fiscal, y demande que toute la lumière soit faite sur le sujet, grâce à une commission d'enquête parlementaire. Elle réclame en outre que soit effectuée une expertise du chiffre des pertes, puisqu'il a déterminé le montant de la ristourne, et envisage une restitution de la somme par la SG, s'il se vérifiait que celle-ci ait été versée indûment ( (voir le site) ). Une telle récupération viendrait à point nommé. En effet, à un moment où le gouvernement s'efforce de réduire le déficit public, prévoyant, dans cet objectif, dans son projet de budget 2014, de mettre à contribution les entreprises et les ménages à hauteur de 3 milliards d'impôts supplémentaires, il serait particulièrement opportun de faire rentrer 1,7 milliard d'euros dans les caisses de l'État -– plus de la moitié du supplément d'impôts !

Et puis voici que ce 2 octobre, dans une lettre ouverte adressée par Julien Bayou à Pierre Moscovici, on apprend qu'une enquête à propos des conditions d'attribution de la déduction fiscale a déjà eu lieu : en 2012, la direction des vérifications nationales et internationales, dépendant du Ministère des finances, a examiné ce dossier. Julien Bayou demande au ministre de publier les résultats de telles investigations ( (voir le site) ).

Le Comité de soutien de JK, de son côté, en appelle à la Garde des Sceaux. Dans une pétition, actuellement en ligne, il demande à la ministre d'ordonner qu'une expertise indépendante des prétendues pertes de 4,9 milliards soit enfin pratiquée, afin de réparer l'un des dysfonctionnements majeurs de la justice dans l'affaire SG ( (voir le site) ).

JK, sa défense, son comité de soutien, mettent en œoeuvre tous les moyens disponibles afin de faire éclater la vérité. Dans leur combat, ils doivent faire face à une résistance forcenée des pouvoirs financier, judiciaire, et, jusqu'à présent, politique, coalisés dans un même objectif : protéger les intérêts et l'image d'une banque systémique toute-puissante.

Il s'agit de ne surtout pas révéler à l'opinion publique dans quel camp sont les escrocs. De dissimuler que si, du côté de JK, tout est limpide, son honnêteté ayant été définitivement certifiée par la justice – la situation, dans le camp d'en face, est obscure et demande à être élucidée.

Il est justifié de suspecter la SG de tentative d'escroquerie à l'encontre de JK, dès lors que l'on ignore ce que la banque a pu trafiquer à l'abri du secret, en liquidant des positions dont on ne connaît la nature que par ses dires. Il est justifié de suspecter le ministère des finances et l'État de l'époque d'escroquerie en bande organisée, dès lors que l'on ignore qui a pris la décision de dédommager grassement la SG de ses prétendues pertes, en violant 2 lois - qui s'est autorisé, en février 2008, à disposer arbitrairement de l'argent public, aux dépens des intérêts des contribuables ?

Les citoyens sont en droit d'exiger que toute la lumière soit faite sur l'affaire. Une commission d'enquête parlementaire doit s'y employer, faire procéder à cette expertise des comptes du débouclage, qui est la clé de tout le montage fabriqué par la SG, afin d'échapper à ses propres responsabilités, en chargeant JK. Il faut démasquer les escrocs !

Nous exhortons les politiques à le faire, à aller jusqu'au bout de leur démarche. Nous encourageons les indécis à s'engager à leur tour. D'abord parce qu'il n'est pas tolérable que la vie d'un innocent soit sacrifiée aux intérêts de la finance. Mais, de plus, au-delà du sort de JK, et de l'exigence légitime qu'il soit jugé avec toute l'impartialité requise, nous sommes tous concernés par un rétablissement de la vérité et de la justice. Car ce sont les valeurs mêmes qui fondent notre République qui sont ici bafouées. Le sacro-saint mot de « transparence » est revendiqué tous les jours par la classe politique, à juste titre comme une valeur suprême indispensable au fonctionnement irréprochable de la démocratie, - mais dans les faits, qu'en est-il ? Que voyons-nous ici, dans l'affaire SG, sinon le maintien d'une opacité absolue, permettant tous les mensonges, toutes les manipulations ? Allez-vous accepter encore longtemps, Mesdames et Messieurs qui gouvernez la France, ou qui représentez l'ensemble de la Nation, que soit donné de notre pays le spectacle désastreux d'une République bananière, où la Justice rend des jugements arbitraires ; où ce sont les puissants qui toujours gagnent aux dépens des lampistes ; et où le pouvoir - les pouvoirs : financier, judiciaire, politique - dispose du bien collectif selon son bon plaisir ; court-circuite les dispositions légales pour imposer ses propres lois, par de honteuses et grossières magouilles ?

De telles pratiques doivent cesser. Ce serait l'honneur de nos élus et de nos gouvernants que d'entreprendre enfin les démarches qui permettraient d'y mettre fin. Ne pas le faire, fermer les yeux une fois de plus, serait leur honte.


Vos commentaires :
Pierre j. Le Goff
Vendredi 15 novembre 2024
Oui il est grand temps que nos responsables se «mouillent» pour enfin démasquer et dénoncer les coupables.

Joseph Rato
Vendredi 15 novembre 2024
Quitte à pousser les enquêtes ne faudrait il pas s’interroger sur les pertes accumulées dans les activités de gestion du groupe de la Société Générale en cette même année 2008? Il est fait par exemple état d’une perte économique globale de SGAM AI (Société Générale Asset Management Alternative Investments) qui ressort en perte de 1,2 milliards d’euros. Sur cette même année l’AMF y a constaté défaillances de contrôle, conflits d’intérêts, survalorisations, opérations au détriment de fonds et produits, peu d’attention à l’intérêt des clients et de respect pour la réglementation. Plusieurs sanctions ont d’ailleurs été prononcées contre SGAM et ses filiales. Dans ce contexte ne pourrait-on pas s’assurer qu’il n’y pas eu ici aussi des cadeaux fiscaux ?

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