Jean-Luc Blaise, ethnologue, et Jean Le Bot, « amateur de marine », font paraître aux éditions Cristel, avec la collaboration de Marcel Choyer et Yves Thomas, « Histoire de marins d'exception – Pilotes et pilotage en baie de Saint-Malo au temps de la voile », un remarquable ouvrage de 160 pages richement illustrées.
Étonnamment, aucun ouvrage n'avait encore été réalisé sur ce sujet. Dès le 19e siècle, au temps de la voile, les pilotes étaient considérés comme des marins d'exception, connaissant les moindres rochers de la baie de Saint-Malo et sachant, mieux que quiconque, faire entrer ou sortir les navires des eaux difficiles de Saint-Malo, de Cancale et de Saint-Cast. «Quels gaillards en vérité, s'exclame Jean-Luc Blaise, dotés souvent d'un terrible caractère, mais capables de sauver des bateaux et des vies dans n'importe quelle tempête. Servir était leur devise. Authentiques, courageux, habiles, ils servirent ainsi nombre de capitaines ; certains, d'ailleurs, y laissèrent leur vie ; d'autres s'illustrèrent dans des combats contre l'ennemi comme ce François Vayva, encore novice, qui, à 16 ans, fit exploser le navire anglais aux prises avec le Renard de Robert Surcouf.»
Jean Le Bot est décédé en avril 2010
Jean Le Bot, considéré comme le père du patrimoine maritime en Bretagne, est décédé en avril dernier tandis qu'il terminait l'écriture du livre avec Jean-Luc Blaise. Ce scientifique, professeur d'université à la faculté des sciences, a consacré une partie de sa vie à l'enseignement, à la recherche et aux publications scientifiques : «Sans son travail de collectage, sans ses relevés rigoureux et précis, sans les énergies qu'il a su mobiliser, les voiles des bisquines ne seraient pas réapparues en Manche, ni la chippe à Saint-Suliac, ni le Grand Léjon au Légué, confie Jean-Luc Blaise. Son ouvrage - La bisquine à Cancale et à Granville - est considéré comme la référence : Jean Le Bot aimait dire : J'ai enfermé dans les pages d'un livre tout ce qu'il m'avait été possible d'apprendre sur ce bateau, cette bisquine qui me tenait tant à cœur. Son envie de faire comprendre, d'expliquer, de transmettre était le moteur de ses ouvrages et de ses nombreux articles. Il était très fier de sa carte de visite portant sa qualité d'amateur de marine».
Le cahier de grand-père enclenche la recherche
C'est un petit cahier, classé dans les archives familiales de Jean-Luc Blaise, qui déclenche la recherche engagée depuis maintenant cinq ans : «Il est titré « Cahier de pilotage, A. Dubois A. fils, pilote » et appartenait à mon grand-père maternel, Alexandre Dubois. Depuis longtemps, je m'intéresse aux objets dès lors qu'ils me parlent des hommes qui les ont façonnés, utilisés ou transformés. J'avais entre les mains 188 pages écrites à l'encre sépia, d'une petite écriture fine, retraçant avec minutie les faits et gestes professionnels. Une bonne partie de ces feuillets est ornée de dessins et schémas à la plume, rehaussés d'enluminures au crayon de couleur. Il me fallait partir sur les traces de cet aïeul.» En se plongeant dans les archives de la marine, le chercheur ne tarde pas à reconstituer une lignée de marins liée au pilotage à Saint-Cast et à Saint-Servan depuis des décennies. Il reconstitue leurs parcours de vie et entre ainsi dans l'intimité d'une corporation de marins d'exception. «La nature est telle qu'en certains lieux, on ne peut s'aventurer seul. Il faut parfois un guide en montagne et un pilote en mer. Depuis la plus haute Antiquité, le pilote guide le navire à l'entrée et à la sortie du port, où les eaux présentent les plus grands risques. Le pilote, lui, les connaît. Il serait dangereux de permettre à tout capitaine de pénétrer dans des ports difficiles d'accès.»
Informations pratiques
« Histoire de marins d'exception – Pilotes et pilotage en baie de Saint-Malo au temps de la voile », Jean-Luc Blaise et Jean Le Bot avec la collaboration de Marcel Choyer et Yves Thomas - éditions Cristel (Saint-Malo) – prix : 28,70 €.
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