Je fais appel du jugement ordonnant le retrait du livre « Avec le temps »

Communiqué de presse publié le 12/07/10 21:14 dans Justice et injustices par Michel Treguer pour Michel Treguer

Bien que l'ordonnance du Tribunal de Grande Instance de Brest du 5 juillet 2010 décidant le retrait du livre de la vente – pour atteinte à la vie privée de M. Roch, né d'un soldat allemand en 1942 – me soit apparue contestable sur plusieurs points, j'avais d'abord décidé (et l'éditeur avec moi) de ne pas faire appel : pour ne pas prendre à mon tour une attitude agressive contraire à l'esprit du livre.

Mais à la réflexion, après une relecture attentive du texte de l'ordonnance, il m'apparaît qu'il serait grave d'accepter son argumentation, tant dans cette minuscule affaire que sur un plan éthique plus général.

Il est exagéré de prétendre que « les circonstances de la naissance de M. Roch […] occupent une place importante dans l'ouvrage ». Le livre s'intéresse d'abord à mes proches : à mon père, à ma grand-mère, à ma tante, et au « secret familial » qui ne m'a pas été transmis. C'est un livre sur la mémoire, sur le défaut de transmission entre les générations, et au-delà sur la notion de « vérité historique ». Ordonner le retrait total du livre de la vente revient à m'interdire de parler de mon père, de la vie des écoles publiques sous l'Occupation, etc.

Il se trouve que l'histoire de Bourg-Blanc à la période considérée se résume à celle de quatre familles dont une et une seule est celle de M. Roch (non encore né lui-même ou bébé placé dans une autre commune). Il n'est pas possible de comptabiliser les pages évoquant la grand-mère, la mère et les tantes de M. Roch comme si elles parlaient de lui : elles parlent du village. Les pages traitant du cas de M. Roch sont au nombre de 12 sur 230 : des pages très chaleureuses.

L'histoire de M. Roch est publique depuis sa naissance en 1942. Elle est bien connue à Bourg-Blanc où tout le monde (en dehors de sa famille) l'a toujours considéré aimablement. Et M. Roch l'a lui-même « publiée » dans des journaux allemands dans l'espoir d'identifier son père. Il est dès lors impossible de parler d'une atteinte « intolérable » à la vie privée, qualificatif nécessaire pour justifier une mesure de retrait du livre de la vente (article 9 alinéa 2 du Code civil). Dans ces conditions, la liberté d'expression de l'écrivain l'emporte (articles 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales). En quoi l'interdiction de mon livre modifie-t-elle le destin de M. Roch et son caractère public ?

J'ai rencontré M. Roch parmi des dizaines d'autres habitants de Bourg-Blanc, il m'a comme les autres raconté ses souvenirs sans aucune retenue. Si l'idée de lui demander son autorisation avant d'écrire son histoire ne m'a pas effleuré, c'est parce qu'il s'est montré si coopératif qu'il m'a paru évident qu'il serait satisfait de la publication du livre et ému d'apprendre enfin le nom probable de son père. C'est aussi pourquoi je n'ai pas conservé une lettre dans laquelle son épouse me remerciait de mon enquête et me donnait des nouvelles de la santé de son mari.

En conséquence, je fais appel du jugement ordonnant le retrait du livre « Avec le temps » de la vente. L'éditeur se porte bien entendu solidairement à mes côtés et fait lui aussi appel du jugement.

Michel Tréguer


Vos commentaires :
Job LE GAC
Vendredi 15 novembre 2024
Deimat dit Mikeal,

Rezon o p'eus d'ober an dra se ! Me chañ e vo reuit rezoñ dit !

Dalc'h mat ewit ar Vro !

kenavo Mikeal

Job LE GAC


Per LeMoine
Vendredi 15 novembre 2024
A du ganeoc'h . An Istor a zo an Istor ha n'hon eus ket da blegan dirak ar re a gav gwelloc'h gevier . PER

Anti-spam : Combien font 4 multiplié par 0 ?