En 2001, le Comité départemental du tourisme d'Ille-et-Vilaine avait décidé lors de son assemblée générale annuelle d'ajouter à son nom le nom de «Haute Bretagne». Ses responsables estimaient en effet que le nom de l'Ille-et-Vilaine ne permettait pas de bien identifier le département, ni surtout de le situer clairement en Bretagne. D'aucuns prétendaient même que le mot «Vilaine» avait une connotation négative et, accessoirement, les hôtesses chargées de représenter le tourisme départemental dans des foires et salons se plaignaient d'être parfois l'objet de plaisanteries peu galantes du fait de ce nom...
De même que les Basses-Pyrénées étaient devenues Pyrénées-Atlantiques, la Charente-Inférieure, Charente-Maritime, la Loire-Inférieure, Loire-Atlantique et la Seine-Inférieure, Seine-Maritime, puis, plus récemment, les Côtes-du-Nord, Côtes-d'Armor, les responsables du Comité départemental du tourisme d'Ille-et-Vilaine menèrent dès lors campagne pour que le département d'Ille-et-Vilaine change lui aussi carrément de nom et deviennent le département de Haute Bretagne. Ils réussirent à persuader nombre de conseillers généraux de l'intérêt d'un tel changement et l'idée en fut officiellement lancée en 2005.
Cette proposition devait rapidement susciter un énorme tollé dans toute la Bretagne, notamment en Loire-Atlantique, et il fut rappelé que le nom de Haute Bretagne, utilisé depuis le Moyen Âge et attesté pour la première fois sur une carte de Bretagne de 1582 - dans l'Histoire de Bretagne de Bertrand d'Argentré - désigne toute la moitié orientale de la Bretagne, c'est à dire la partie de langue romane par rapport à la Basse Bretagne, celle où l'on a parlé breton durant plus de mille ans. La Haute Bretagne est située à l'est d'une ligne allant de Plouha à Billiers. Ce nom qui est toujours en usage, correspond non seulement au département d'Ille-et-Vilaine, mais aussi à toute la Loire-Atlantique et à tout l'est des Côtes-d'Armor et du Morbihan. L'Ille-et-Vilaine correspond à environ 40 % seulement de la superficie de la Haute Bretagne et à 35 % de sa population.
Des chefs d'entreprises industrielles, commerciales et de services indiquèrent du reste que le nom de l'Ille-et-Vilaine n'avait aucune connotation négative auprès des consommateurs et qu'à leurs yeux, un changement de nom ne s'imposait vraiment pas pour le département.
Devant l'ampleur et la vigueur de la protestation, les autorités départementales, à commencer par le président du Conseil général d'Ille-et-Vilaine, M. Jean-Louis Tourenne, firent marche arrière et abandonnèrent officiellement ce projet de changement de nom. Il apparaissait en effet clairement qu'il n'y avait aucune chance de voir le Conseil d'État donner une suite favorable à un tel projet, tant était discutable le prétendu «préjudice» moral causé par le nom d'Ille-et-Vilaine et, surtout, tant était importante l'opposition de la population à un tel changement de nom. La cause paraissait entendue et le projet définitivement abandonné.
C'était sans compter sur l'entêtement des responsables du Comité départemental du tourisme qui, faisant absolument fi de la décision officielle du président du Conseil général et pensant que l'opinion publique finirait par s'y habituer, à l'usure, ont récidivé et utilisé à nouveau en gros le nom de Haute Bretagne dans toute leur communication depuis le début de l'année et en particulier dans un supplément gratuit au quotidien Ouest-France qui a été diffusé il y a deux semaines à tous les abonnés du département d'Ille-et-Vilaine, mettant ainsi le feu aux poudres. Les mots Haute Bretagne y apparaissent en gros caractères et les mots Ille-et-Vilaine en très petits caractères.
Les protestations se sont aussitôt multipliées de tous côtés, mais le Comité départemental du tourisme d'Ille-et-Vilaine n'en a cure. Refusant de prêter la moindre attention aux explications historiques et géographiques communiquées par de nombreux spécialistes pour lui expliquer que l'Ille-et-Vilaine ne pouvait en aucun cas se confondre à elle seule avec la Haute Bretagne et que le Comité départemental du tourisme d'Ille-et-Vilaine n'avait aucune légitimité à confisquer ce nom à son seul profit, la directrice, Madame Josiane Ermel, a déclaré dans Ouest-France le 28 mai dernier : «Le CDT n'abandonnera pas le nom de la Haute Bretagne...» Ce qui est également fâcheux aux yeux de beaucoup de Bretons, c'est que, pour mieux asseoir sa prétention à être à lui seul le Comité départemental du tourisme de Haute Bretagne, le CDT 35 escamote tout simplement la Loire-Atlantique en diffusant dans ses documents une silhouette de la Bretagne réduite à quatre départements, et ceci est d'autant plus choquant que le Comité départemental du tourisme de Loire-Atlantique fait aussi partie du Comité régional du tourisme de Bretagne, participe à son financement et à ses campagnes et opérations de promotion de la Bretagne comme la «Breizh Touch» à Paris en septembre dernier.
Il y aurait pourtant une solution simple qui permettrait de mettre tout le monde d'accord, ce serait que le Comité départemental du tourisme d'Ille-et-Vilaine utilise les mots Haute Bretagne en accompagnement des mots Ille-et-Vilaine, s'il le souhaite, mais jamais en caractères plus gros que le nom du nom du département et entre parenthèses. Il soulignerait ainsi l'appartenance de l'Ille-et-Vilaine à la Haute Bretagne, appartenance indiscutable, sans prétendre que les deux entités sont équivalentes et peuvent donc se confondre, ce qui est et restera toujours totalement inexact et inacceptable pour les habitants des cinq départements bretons.
Le CDT 35 pourrait s'affirmer Comité départemental d'Ille-et-Vilaine (Haute Bretagne) pour le plus grand bonheur de tous et le CDT 44 pourrait se dire aussi demain, s'il le souhaitait, Comité départemental de tourisme de Loire-Atlantique (Haute Bretagne).
On peut aussi émettre le vœu que les comités départementaux du tourisme des Côtes-d'Armor, d'Ille-et-Vilaine, de Loire-Atlantique et du Morbihan travaillent ensemble demain dans des opérations de promotion de la Haute Bretagne pour le plus grand bien de tous ses habitants.
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