« Je doute que vous puissiez assister à un meilleur concert de musique de harpe que celui que vous venez d'entendre cet après–midi ».
Le dimanche 8 novembre 2009, Ann Griffiths, concertiste de harpe de niveau international, historienne de musique, professeur, compositrice et éditrice, prononça quelques mots pleins d'émotion à la fin du concert qui marquait ses cinquante ans de carrière en tant que harpiste et musicienne.
Ses anciens élèves et amis s'étaient réunis au Royal Welsh College of Music and Drama de Cardiff, pour lui rendre hommage et parler de son rôle décisif qui couvre tous les aspects de la musique de harpe. La Weston Gallery était pleine d'admirateurs et d'amis dont la vie a été touchée et enrichie par leur rencontre avec l'artiste.
Née à Caerphilly, elle passa son enfance à Maestreg avant de faire des études de gallois à l'Université de Cardiff et au Conservatoire de Paris. C'est là qu'elle devint la toute première harpiste britannique à se voir décerner le Premier Prix alors qu'elle suivait les cours du légendaire Pierre Jamet.
Ce début de carrière professionnelle est à l'image des années brillantes qui suivirent et inclurent le Concerto pour Harpe de Haendel qu'elle joua au Royal Festival Hall de Londres en avril 1959. Elle fut ensuite nommée à l'Opéra Royal de Covent Garden avant d'enseigner à l'Académie Royale de Musique de Londres, puis à l'Université de Cardiff et au Collège Gallois de Musique et Théâtre.
Sa carrière au Pays de Galles
Malgré tous les enregistrements et concerts réputés sur la scène internationale, le meilleur de sa carrière concerne le Pays de Galles.
« Elle rapporta du Conservatoire de Paris, non seulement la technique et le style français, mais aussi la tradition européenne et les enseigna à plusieurs générations d'élèves qui, à leur tour, les transmirent à leurs propres élèves dont beaucoup jouissent aujourd'hui d'une réputation internationale » dit Caryl Thomas, l'une des trois anciennes étudiantes de Ann, qui enseigne maintenant dans le très réputé département de harpe du Royal Welsh College, les deux autres étant Meinir Heulyn (voir notre article) et Valerie Aldrich-Smith.
« C'était un professeur formidable : plus on travaillait, plus elle nous poussait à travailler. Je me souviens être allée à l'âge de onze ans dans sa maison de Pantybeiliau, près d'Abergavenny. Elle et son mari, le regretté Dr Loyd Davies nous comblaient de gentillesse et de générosité dans une atmosphère pleine d'humour. » C'est là, à Pantybeiliau qu'elle organisa sa première École de Harpe (Ysgol y Delyn), le premier de nombreux stages de harpe qui devinrent si populaires qu'elle dut les transférer à Bangor, Aberystwyth et Ferryside.
Elle est passionnée d'histoire de la harpe et a remis à la mode la harpe traditionnelle galloise dont elle a exploré le répertoire classique. Nancy Richards lui dira, lors de la première Ysgol y Delyn de 1961 : « Ma chère Ann, vous avez, pour de bon, enfilé le manteau de Lady Llanover. » C'est d'ailleurs elle qui a hérité de la harpe et du costume de Lady Llanover et qui est Présidente de la Lady Llanover Society.
Les éditions Adlais, fondées par Ann Griffiths, connaissent un grand succès commercial et ont largement contribué à la multiplication des arrangements pour harpe, qu'il s'agisse de musique traditionnelle galloise ou de musique classique.
Je me souviens avoir assisté, il y a quelques années, à un concert donné par une jeune harpiste provençale, Chlöe, qui, en rappel interpréta Ffarwel y Telynor (L'adieu du harpiste). Mentionnant ceci à Meinir Heulyn, elle me répondit simplement : « Les Français ont une haute opinion de la musique de harpe galloise. »
Le programme du concert en l'honneur de Ann Griffiths
Il commença par Cân Ramantus (Chanson romantique) pour harpe et cor, jouée par Meinir Heulyn et une de ses élèves, Beth Nolan-Neylan. Ce morceau fut composé par Grace Williams comme cadeau, lors du mariage de Ann Griffiths et de Lloyd Davies qui était lui-même un excellent joueur de cor.
Helen Davies Mikkelborg - première èlève de Ann et anciennement harpiste de l'Orchestre de la Radio irlandaise (Irish Radio Orchestra) - fit le voyage de Copenhague pour venir jouer Galarnad a Dawns (Lamentation et Danse), composé par Ann, et le Concerto de Carolan, œuvre de Turlough Ó Carolan. Valerie Aldrich-Smith, qui fut la deuxième élève de Ann et qui est maintenant la principale harpiste du même orchestre, joua des variations sur l'œuvre de Mansel Thomas, Yr Hen Erddygan (La Vieille Harmonie).
Bethan Semmens et Gwenllian Llyr jouèrent un arrangement d'airs traditionnels gallois ; huit jeunes interprétèrent la Suite de Ravel, Ma mère l'Oye. Olivier Davies et Rowena Bass interprétèrent un nouvel arrangement pour piano et harpe, Aufforderung zum Tanze (Une invitation à la danse).
Benjamin Creighton Griffiths joua Andante de Haydn composé par J.-B. Krumpholtz. Ce jeune de 13 ans dit que le soutien que lui donne Ann le remplit d'enthousiasme.
Une autre ancienne élève qui rendit hommage à Ann est Gillian Green qui raconta comment elle arrivait à Pantybeiliau le vendredi soir et n'avait pas la permission de partir avant le dimanche soir, se sentant victime du plus agréable des rapts. Comme le dit Caryl Thomas : « Quelle est la différence entre un terroriste et un harpiste ? On peut négocier avec un terroriste. »
Traduction : Jacqueline Gibson
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