À l'Assemblée nationale cet après-midi, Henri Guaino (UMP) s'en est pris violemment pendant 30 minutes à la [[charte des langues régionales ou minoritaires]], défendant un amendement de rejet préalable qui a finalement été rejeté par les députés.
Parlant crûment de valeurs « supra-constitutionnelles » - un concept proche des arguments souvent présentés historiquement par des dictateurs - Henri Guaino a dit vouloir défendre la conception française de la Nation et de l'État en opposition à une charte “moyenâgeuse” qui ouvrirait « une brèche vers le communautarisme » selon ses termes.
Dans la pure tradition d'un [[Antoine de Rivarol]] qui, en 1784, écrivait le De l'Universalité de la langue française, Henri Guaino a osé réaffirmer que la langue française était la seule langue universelle. Pour Henri Guaino, le français n'est pas n'importe quelle langue mais une super langue, une « meilleure langue, difficile, originale, logique, musicale... », parlant même de « pureté »... « le français n'est pas une langue comme une autre », a affirmé le député, partisan d'un [[suprémacisme]] de la langue française que certains ne manqueront pas d'interpréter comme un suprémacisme français.
« Une France fédérale n'existera pas » a prévenu Henri Guaino, s'en prenant aux députés favorables à la charte, qu'il accuse d'être des « Girondins ». Rappelons qu’en d'autres temps ceux-là étaient conduits à l'échafaud.
Henri Guaino s'en est même pris aux juges de la Cour européenne des Droits de l'homme (CEDH) dont « les origines nationales ne sont pas françaises », donc qui rejetteront le concept français de la Nation et en cas de litige, donneront raison aux locuteurs des langues régionales contre l'État français. (À noter que la CEDH n'a pas juridiction sur la charte, comme l’a rappelé juste après le député Jean-Jacques Urvoas).
Sous la houlette du rapporteur Marc Le Fur, obligé à la neutralité alors qu’il fut à l’origine de plusieurs amendements en faveur des langues régionales, Jean-Jacques Urvoas, François de Rugy, Paul Giaccobi, André Chassagne, ont pris ensuite la parole contre l’amendement de rejet préalable.
Déplorant la contradiction de la France donnant des leçons sur la diversité politique mais refusant la diversité linguistique chez elle, Jean-Jacques Urvoas, député de Quimper, rapporteur des lois à l'Assemblée nationale, a comparé Henri Guaino à l'abbé Grégoire, qui en 1793, disait « il faut extirper cette diversité d'idiomes grossiers qui prolongent l'enfance de la raison et la vieillesse des préjugés ».
Rappelant que les 39 mesures de la charte signée par la France sont toutes constitutionnelles, la ministre de la Culture Aurélie Fillipetti a rappelé que « les langues régionales font partie de notre histoire, ces cultures sont constitutives ».
Les débats continuent ce soir à 21 h 30 heures. (voir le site)
Philippe Argouarch
■Pour avoir fait l'effort de suivre les débats dans leur grande partie, il faut souligner néanmoins que la plupart des intervenants, de tous bords, ont la fâcheuse tendance a faire des contorsions rhétoriques pour exprimer de manière très compliquée voir incompréhensible une opinion simple (bref, ... vous êtes pour ou contre???)
.... c'est dire : dans la plupart des cas, et malgré de louables efforts de ma part, j'étais souvent incapables de savoir, au bout de 4min45, avant que l'intervenant(e) ne conclue, s'il/elle allait voter ou contre
On comprend mieux comment on peut faire trainer des débats depuis 14 ans, à coups d'arguments stériles et hypocrites, le tout avec nos impôts....
Quant à M. Marechal-Le Pen, si prévisible dans son vote, elle m'a étonné par la rigueur de son raisonnement:
- Elle attaque par un magistral «le Front National défend la langue française».... pour conclure qu'il est normal que le Front National soit contre une loi qui défendrait d'autres langues... ; il faudra qu'elle nous explique en quoi une loi protégeant nos langues régionales empêcherait d'autres lois (Toubon) de protéger le français!
- Mais l'argument massue arrive au milieu de sa tirade quand elle évoque «sa Bretagne» ; «sa» Bretagne ??? parce qu'elle est bretonne maintenant ? eh bé...
- Sa tirade finie, elle est partie en courant, elle a bien fait...
Dereatoc'h reskond e ve eget klemmichal ha leñviñ ouzh ar Gannaded hag ar méchants français omp boaz outo.
Face à ces gens qui sont loin d'être des primaires et des débiles, les invectives primaires seraient mal venues. Il faut donc de bons avocats de la cause, modérés dans la forme, polis mais fermes.
Amer constat : la langue bretonne est quasiment invisible dans la société civile. A part des inscriptions signalétiques payées par l'argent public, l'initiative privée est proche de zéro.
Victoire : depuis 1960 des dizaines de milliers de Bretons sont passés par les Cercles celtiques, ont suivi au moins quelques cours de breton, ont collé un Bzh sur leur voiture. Mais concrètement, comment se traduit pour la langue cette attitude dans la durée et la pratique ? Qu'est-ce qui manque ? Y. Baron a récemment posé une partie du pré-diagnostic, à poursuivre.
«- Docteur, est-il inconvenant de rechercher dans les Bretons eux-mêmes les causes de leurs échecs ?
- Oui, parce que ça remet en cause la mentalité de l'excuse (c'est la faute à Vichy (soixante-dix ans après la Libération !), à Debré, à Le Pen, aux Radicaux, aux Socialistes, à Ayrbag, etc.) et que cela contrarie le réflexe du quémandage.»
Quand romprons-nous avec les mêmes discours ressassés, les mêmes idées toutes faites, la même stérilité accusatoire.
«Les Bretons veulent..., exigent... (mais mon voisin s'en fout complètement, d'ailleurs je ne lui parle pas).»
Mais les Bretonnants de jadis ont choisi de ne se tourner qu'en français vers leurs enfants, poussés par un système vicieux, humaniste et émancipateur, l'idéologie française. Pour renverser la vapeur il faudrait proposer / opposer un modèle de société communautaire attractif et performant. Or, si le mouvement des Bonnets rouges débouche sur quelque chose de sérieux, alors la langue bretonne aura une chance de retrouver une raison d'être autre que symbolique et subventionnée et de casser la mentalité bretonne dominante. Sinon...
C'est dans ce lien d'urgence que pourrait se former autre chose.