Frontière oubliées, frontières retrouvées, un colloque international de très haute tenue à Ch

Dépêche publié le 5/10/10 16:56 dans Cultures par Maryvonne Cadiou pour Maryvonne Cadiou

Le public et les intervenants furent unanimes pour souligner le niveau exceptionnel des communications, et des échanges lors des tables rondes, durant ces trois jours denses à Châteaubriant les 30 septembre, 1er et 2 octobre 2010. (voir notre article)

L'organisation impeccable, avec le respect scrupuleux du temps de parole – ce qui a été souvent souligné – des intervenants étrangers s'exprimant en un français remarquable, le site exceptionnel du Théâtre de Verre en centre ville, face au château où les intervenants ainsi que le public qui le souhaitait – sur réservation – prenaient leurs repas dans le chapiteau installé dans le parc, sont aussi facteur de succès.


Frontières, limites, marches... distinction assurée

Une frontière ce n'est pas seulement une ligne pointillée sur une carte géographique, économique, géologique..., ce n'est pas non plus, seulement un bureau de douane avec une barrière rouge et blanche sur une route... Cette ligne de séparation recouvre bien d'autres notions.

Au cours de ce colloque, si marches a bien été défini comme un territoire, si limite a été distingué de frontière dans certains cas, le mot frontière a été décliné avec de multiples qualificatifs.


Les frontières possibles

Sans aucune tentative de hiérarchisation : oubliée, retrouvée, médiévale, naturelle, linguistique, politique, scientifique, maritime, culturelle, nationale, administrative, péri-urbaine, intérieure, extérieure, religieuse, sociale, symbolique, arbitraire, mentale, étatique, physique, militaire, ancienne, romaine, territoriale, ancestrale, détruite, patrimonialisée, hésitante, recréée, européenne, immatérielle, continentale, impériale...

Frontière-refuge, frontière-repère, frontière de l'Atlantique, d'empire, de l'Ancien Régime, de l'Empire romain, géopolitique ou non, cartographiée ou non... les frontières européennes, mais aussi les vieilles frontières européennes...

Frontière avant-poste italien, frontière albano-grecque ou autrichienne...

On entendit aussi ville-frontière, fleuve-frontière, ou montagne-frontière (les frontières naturelles en somme). Et même samedi matin à propos de Berlin (voir PDF, p. 12) : frontière de la mort, frontière de fracture idéologique, frontière honnie.


L'organisation scientifique

Sous la coordination scientifique du Centre de Recherche en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA) auquel appartiennent les trois principaux organisateurs scientifiques du colloque : Michel Catala (1), Dominique Le Page (2) et Jean-Claude Meuret (3).

Voir en page 14 du PDF la liste de tous les membres du comité scientifique. Noter qu'il a été rendu plusieurs fois hommage à Bernard Guénée, décédé peu avant le colloque.


Jean-Claude Meuret a bien voulu préciser pour ABP les rôles respectifs des organisateurs. « Ce sont le Conseil général de Loire-Atlantique et le Conseil régional de Bretagne qui ont permis l'organisation matérielle de ce colloque et l'ont soutenu financièrement. Je les remercie ».

ABP : Comment arrive-t-on à rassembler des personnes de toute l'Europe ?

Jean-Claude Meuret : Par des contacts pris dans toutes les universités d'Europe, et les réseaux des chercheurs, ainsi que par les comités dont fait partie Michel Catala.

ABP : Combien de temps ?

J.-C. M. : Un an et demi.

ABP : Vos intentions au départ ?

J.-C. M. : Cela nous a permis de présenter trois faces du thème de la frontière :

1 ) un panorama sur le temps long, depuis le mésolithique jusqu'à nos jours ;

2 ) de couvrir toute l'Europe ;

3 ) d'avoir des focales différents : de la Haute Silésie presqu'à la loupe jusqu'aux ordres religieux au Moyen-Âge à l'échelle de l'Europe.

En même temps cela nous a permis d'avoir un lieu d'échanges entre toutes les générations de chercheurs : depuis des étudiants (doctorants) jusqu'à certains professeurs émérites, retraités ou non.

ABP : Votre but ?

J.-C. M. : Transmettre le savoir et la recherche qui sont sans cesse en mouvement. En ce lieu qui s'y prête admirablement, un lieu situé sur les Marches et en prolongement de l'exposition, et en ce théâtre de Verre de Châteaubriant (voir le dernier paragraphe).


Le public

Si l'assistance était particulièrement intéressée et active durant les séquences des « Questions dans la salle », il fut regretté une absence certaine des Castelbriantais. Cela serait dû à un manque de publicité – au moins par affichage – par la Ville. La raison en serait, sur fond d'opposition politique, que c'est le Conseil général et non la Ville qui a organisé le colloque...

Toutefois des étudiants de l'Université de Nantes sont venus emplir la salle – 17 le vendredi, qui visitèrent aussi l'exposition, et 40 le samedi matin. Étudiants en Master 2 d'Ingénierie en projets européens et internationaux . Pas de mystère, c'est Michel Catala qui est le responsable de ce master professionnel.


Les thèmes développés

Pour un résumé des communications, voir le PDF du Livret du colloque, plus détaillé que le Programme.

Le dernier jour, après trois communications sur l'Allemagne :

– Le Limes ancienne frontière romaine... par Peter Henrich ;

– Le mur de Berlin : d'une frontière détruite… par Emmanuel Droit ;

– Le mur de Berlin : Check Point Charlie… par Laurent Lescop ;

puis, plus généralement en Europe : De la fortification des États à l'identité des terroirs en Europe par Nicolas Faucherre, une vraie interrogation a été soulevée au cours des “questions-réponses”.

Quel devenir pour le Mur de l'Atlantique ?

Monument historique à faire classer au Patrimoine mondial de l'Humanité par l'Unesco ?

Il faudrait alors une entente des pays, depuis les Pays-Bas jusqu'au Portugal.

De même pour les bases sous-marines allemandes en France : Lorient, La Pallice et Saint-Nazaire ...

Quelles politiques ?

Conservation et mises en valeur ?

N'y a-t-il pas risque de déplaire : ce sont les lieux-mémoires de morts...

La base de La Pallice n'a pas été détruite comme le projet en avait été fait.

La conservation de celle de Saint-Nazaire a été et est encore sujet de litige ; elle est maintenant lieu touristique de la Ville.

Des réflexions à mener lors de prochaines Journée d'études universitaires... ?


Bilan

Ce n'est pas s'engager outre mesure que d'affirmer que la publication des Actes est attendue par tous avec une grande impatience. Il faut compter un an.

“Les intervenants n'ont pas encore tous tapé leur texte, nous sommes tributaires du plus lent” précise Jean-Claude Meuret, chargé de recueillir les communications et les illustrations. Les Actes paraîtront aux Presses Universitaires de Rennes (PUR) (voir le site) .


Le Théâtre de Verre de Châteaubriant

« Il existe depuis 15 ans » raconte à ABP Dominique Monharoul, technicien au théâtre depuis 9 ans, qui a veillé tout au long du colloque à la sécurité des lieux et du public.

« Il y a eu une volonté politique de la mairie d'alors. Martine Buron maire socialiste avait fait ce pari audacieux de rapprocher le verre et les vieilles pierres, tant celles de l'ancienne poste (voir photo) que celles du château. Le Conseil municipal l'a suivie. Ce sont des architectes castelbriantais qui ont été choisis : Haumont et Rattier », poursuit-il.

« Il s'est très bien inscrit dans le site. Il profite de la déclivité naturelle du terrain. Il est très fonctionnel puisque l'entrée des artistes et des décors se fait dans la partie basse, dans la rue de derrière, au niveau du sol et de la scène. Tous les groupes que nous recevons font la louange de l'accessibilité ».

Dominique Monharoul continue : « Notre directeur des programmes, Frédéric Pithois, nous fait des saisons variées, éclectiques. Le public est nombreux, plus de 1.000 abonnés. Ils viennent en général d'un rayon de 50 km, mais parfois de plus loin, de Rennes, Angers et Nantes selon la notoriété des artistes, comme pour Paco Ibáñez l'année dernière ». (voir le site)



(1) Michel Catala : directeur du CRHIA depuis 2005, président de la Maison de l'Europe à Nantes. (voir le site)

(2) Jean-Claude Meuret : archéologue, maître de conférences honoraire au Laboratoire de Préhistoire et Protohistoire de l'université de Nantes, publia en 1993 une thèse « Peuplement, pouvoir et paysage sur la marche Anjou-Bretagne », ainsi que « Le grès roussard au Moyen Âge central dans le nord du Nantais, matériau privilégié et marqueur chronologique ? ». Il travaille actuellement avec cinq autres scientifiques au projet d'inscription des Marches de Bretagne au Patrimoine Mondial de l'Unesco.

(3) Dominique Le Page : docteur en histoire, maître de conférences d’histoire moderne à l’université de Nantes, ancien élève de Jean Kerhervé à l'Université de Bretagne Occidentale (Brest), il a étudié la politique monarchique d'intégration de la Bretagne. Auteur en 1997 de « Finances et politique en Bretagne au début des temps modernes, 1491-1547 ».

Voir en complément le remarquable article de Bernadette Poiraud, assidue au colloque pour l'hebdomadaire Journal La Mée de Châteaubriant : (voir le site)


Maryvonne Cadiou



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