Festival Interceltique de Lorient : mais où est passé le quai du livre ?
Chronique publié le 15/08/22 14:14 dans Festivals par Didier Lefebvre pour Didier Lefebvre
Déserté des festivaliers, l'ancien quai des livres
Les professionnels du livre présents obligés de bricoler un affichage
non loin du club K, encore un trou, qui aurait pu être utilisé
On ne compte plus le nombre de fois qu'a été posée cette question par les visiteurs du Festival de Lorient cette année. Un festival qu'on peine presque à appeler « interceltique », tant la substance culturelle qui faisait sa particularité (et, nous n'en doutons pas, son succès), semble avoir été sciemment reléguée au second plan pour cette première édition post-covid. Fameux virus qui, rappelons-le, avait déjà été le prétexte pour sacrifier les acteurs culturels en 2021, leur interdisant d'exposer, malgré l'obligation de présenter un passe sanitaire valide à l'entrée. Règle qui, rappelons-le encore, n'avait pas empêché la tenue de la fête foraine cette année-là, véritables marchands du temple, ni le débit de boisson.
Jeu de chaises musicales
Cette année donc, nous nous attendions un juste retour à la normale. Mais que nenni. Le Quai du livre a purement et simplement disparu dans un joyeux jeu de chaises musicales, expédié sur « la colline » (comprendre « l'ancien jardin des luthiers », eux-mêmes envoyés encore plus loin), sans aucune signalétique et laissant de nombreux espaces vides et inanimés entre les différentes zones du festival. Cette année, c'est sûr, on aura respecté les « distanciations sociales », au vu de ces grandes étendues perdues, inutiles et ennuyeuses.
Un souhait inavoué ?
Alors... ras le bol de certaines institutions (comme l'Hôtel de police qui voulait avoir place nette devant ses bâtiments), volonté de faire plonger une culture déjà moribonde (rappelons les graves difficultés des mondes du livre et de l'édition comme Coop Breizh, Keltia magazine...), ou souhait inavoué de la nouvelle équipe à la tête du festival de cacher bien loin des stands à caractère trop militant ou trop authentiquement et fièrement celtes (Diwan, artisans luthiers, ...) ?
Des professionnels du livre sont excédés
Un peu de tout, sans nul doute, et donc une responsabilité partagée entre la Ville de Lorient, le Conseil d'administration du FIL et de sa direction, malgré les alertes des exposants. Le président Jean Peeters (qui avait, rappelons-le, porté plainte contre les actions pacifiques à l'UBS du collectif Aï'ta ! pour la langue bretonne en 2015), ainsi que le nouveau directeur Jean-Philippe Mauras, se déclaraient récemment tout à fait satisfaits de la soit disante fréquentation record au FIL cette année, voir Ouest-France . Une affluence (dont nous jugeons le comptage très douteux, pour avoir fréquenté le site tous les jours) qui n'aura décidément pas profité à la culture écrite : les stands du livre présents affichent une chute allant de 50 à 80% de leurs chiffres d'affaires par rapport aux années précédentes. Les professionnels du livre sont excédés.
Bravo messieurs : si plomber le livre, et la vraie culture celtique dans son ensemble, encore un peu plus était votre objectif, il est complètement atteint.
L'heure est grave : face à ces ultimatums, il est temps de réagir pour sauver ce qui est un des monuments de la culture celtique sur le continent européen.
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Vos commentaires :
Muichka
Vendredi 22 novembre 2024
Je lis dans OF 900 000 visiteurs. Ah-Ah.
Les années à 700 000, il y avait deux fois plus de personnes.
Ici, aucune attente aux bars, des spectacles soit annulés : (trop de soleil ou trop de pluie (?!?) : dont Lann bihoué dimanche), un public peu tourné vers la culture qu'on ne lui offre pas : ben oui, il est où le quai du livre ?
Des trous partout : avant le club K, devant le palais des congrès, devant le commissariat, des prix à vous dissuader d'y aller (exposants comme festivaliers).
Les institutionnels servant au pied des manèges forains, bref, à mon avis, un festival incompréhensible, dont le cœur est in-visible.
Corrigez, mar plij, ou vous signez la fin de ce RdV incontournable de notre culture.
Franck Lartisan
Vendredi 22 novembre 2024
Vous reprendrez bien un sandwich Kleub avec votre bière ?
Lesur
Vendredi 22 novembre 2024
Après l'expo «Celtique ?» au musée de Bretagne : Celtique ? voir NHU : l’exposition contreversée du Musée de Bretagne, par Koun Breizh , une volonté (?) de réduire le FIL à une foire commerciale ou à un défilé qui risque d'être folklorisé à terme, faisant fi de la culture qui, oui, paradoxalement, est livresque aussi, je suis sidéré.
L'Interceltisme est-il toujours de mise à Lorient ?
Au fait, le maire de Lorient dit officiellement, en ouverture du festival, sa ville comme la quatrième de Bretagne. Quelqu'un peut-il lui souffler qu'il oublie juste Nantes et Sant-Nazer, soit, mais ce n'est pas une honte, rétrogradation à la 6e place, et mise en valeur du sud-Bretagne
Kleub Akademi
Vendredi 22 novembre 2024
«Au fait, le maire de Lorient dit officiellement, en ouverture du festival, sa ville comme la quatrième de Bretagne. Quelqu'un peut-il lui souffler qu'il oublie juste Nantes et Sant-Nazer, soit, mais ce n'est pas une honte, rétrogradation à la 6e place, et mise en valeur du sud-Bretagne»
Il a du couper la poire en deux...il me semble bien que Lorient est la 3ème agglo de la Région, et la 5ème sur le périmètre de la Bretagne «historique».
Marie-Josée Christien
Vendredi 22 novembre 2024
L'auto-satisfaction des organisateurs me laisse dubitative... Je vous livre mon expérience personnelle.
Invitée aux «Plateaux littéraires»(très bien préparés, merci Céline Bénabès !) et à une signature sur le stand de la librairie Coop Breizh (merci à Yvonig) , venue en train de Quimper, j'ai eu beaucoup de mal à trouver les «jardins». De la gare, j'ai marché pendant une heure et franchi quelques «check points» pas vraiment accueillants, avant d'être enfin sur les lieux, pas vraiment fléchés et inconnus des commerçants à qui j'ai demandé mon chemin.
Il y a eu une évidente mise à l'écart des livres, des auteurs, des éditeurs et de la librairie. Tient-elle de l'ignorance ou du mépris ? Je n'ai pas la réponse.
Les années précédentes, le Quai des livres et l'Espace Paroles étaient bien identifiés. Il y avait beaucoup de passages. Les gens s'arrêtaient volontiers passer un moment en notre compagnie, écouter une lecture ou un entretien, repartaient souvent avec un livre. Cette année, pas de passages spontanés. Les gens intéressés, venus spécialement, ont eu du mal à trouver le lieu.... et parfois sont repartis du FIL sans le trouver.
L'estrade des «plateaux littéraires» avait été installée en plein soleil par température caniculaire. Le rare public s'était réfugié dans les coins à l'ombre. Pas vraiment propice à un moment convivial ! C'est bien dommage.
Yvon ollivier
Vendredi 22 novembre 2024
Juste une critique de ma part je n y étais pas mais ma fille y était avec des amis. Ils ont voulu aller danser au fest noz et ont été découragés par le prix. Ne pourrait on pas faire en sorte que le fest noz soit gratuit ??
Thomas
Vendredi 22 novembre 2024
@Kleub Akademi
Rennes, brest, quimper puis lorient et après vannes
Kleub Akademi
Vendredi 22 novembre 2024
@ Thomas
Effectivement, si l'on s'en tient aux périmètres des communes (Quimper en ayant englobé certaines par le passé), Quimper passe devant Lorient. Si tel est le cas, il est étonnant de voir un Maire à la fois dénigrer la Bretagne, mais aussi la ville dont il est Maire...les maires ont habituellement tendance à «annexer» par les chiffres des communes même pas situées dans l'agglomération. Lui c'est l'inverse, il rapetisse Lorient (et bien sûr, la Bretagne .
Jean Morvan
Vendredi 22 novembre 2024
A noter que l'association Ai'ta s'était opposée à la candidature de Peeters à la présidence du Festival interceltique basé sur ses antagonismes au bilinguisme et la plainte de son administration contre des militants d'Ai'ta
Voir le site
Jack Leguen
Vendredi 22 novembre 2024
@ Muichka Le chiffre de 900 000 annoncés par la PQR remet en question la notion de partenariat d'un média avec un évènement. En quoi Le Télégramme et Ouest-France peuvent-ils être objectifs s'ils sont partenaires du festival ou de n'importe quel évènement ? Le Télégramme a publié une centaine d'articles sur le festival 2020, rien sur la mise au rencard du quai des livres, même pas dans la liste des flops publiée hier, une liste très restreinte et si amicale-- en gros il a fait trop chaud et pas de bouffe au pavillon des Asturies ! Aucun des deux n'a couvert l'Interceltic business forum. Heureusement que l'ABP est là !
Gurvan Mével Kotulla
Vendredi 22 novembre 2024
Je pense que tout cela reflète précisément l'état actuel de la Bretagne, du moins au niveau de ses festivals : d'un côté un triomphalisme permanent, auto-satisfait, affiché dans les médias, ou radoté par les élus, quand ça les arrange. La Bretagne et sa culture aujourd'hui tellement assumées par TOUS ces fiers Bretons, et si attractive ! De l'autre, une folklorisation, une dévitalisation : la Bretagne, il faut que ce soit très joli ou très fun, pour attirer la foule qui ne doit pas «se prendre la tête». Pas de profondeur, pas de culture, pas d'histoire, pas de recherche réelle sur l'identité (sauf à Rennes... pour la déclarer non valide). Et, surtout pas de signes extérieurs ayant trait de près ou de loin à des questions institutionnelles (la politique, ah non alors !).
Jean-Luc Laquittant
Vendredi 22 novembre 2024
Le FIL file un mauvais coton. Merci Didier Lefebvre, pour cette mise au point.
pascal rannou
Vendredi 22 novembre 2024
«Étonnants voyageurs» a pris le bouillon, aussi... Pas foule dans les allées! Mais payer 18€ pour avoir le droit d'acheter des livres, certains ne peuvent plus se le permettre. Encore pire à «Quai de s Bulles»: faut payer l'entrée, puis on doit acheter à l'intérieur les albums qu'on veut se faire dédicacer... Mais ça marche, car la BD cartonne! Mais OF évoquait aussi l'affluence au salon de Trégastel, alors qu'il n'y avait quasiment personne...
Kleub Akademi
Vendredi 22 novembre 2024
« La Bretagne et sa culture aujourd'hui tellement assumées par TOUS ces fiers Bretons, et si attractive !»
Franchement, je ne trouve pas qu'il y a de réelle évolution de ce côté là. La vraie évolution, c'est un certain confort économique.
Mais culturellement, aucun changement, les bretons ne sont fiers que de ce qu'on leur autorise, que de ce qui est valorisable pour les autorités françaises.
Kleub Akademi
Vendredi 22 novembre 2024
Les tarifications pour les spectacles intéressants (et ceux qui ont un caractère celtique on va dire) sont assez prohibitives et cela ne date pas de 2022.
Pourquoi pas créer un événement - plus intimiste - dans le Nord de la Bretagne vers Roscoff, St Pol de Léon, Morlaix etc, un lieu ayant des vieilles pierres, près de la Mor Breizh, tournée vers lesautres nations celtiques, qui serait uniquement dédié à l'Interceltisme.
Avec des langues celtiques que l'on entend et que l'on voit, des livres, l'Interceltic business forum, des débats, des films, de l'artisanat, des artistes visuels (sculpture, peinture, design, mode etc). On laisserait les hautvents et la gastronomie atlantique à Lorient, ce serait bien complémentaire. Lorient pourrait d'ailleurs évoluer vers un festival ouvertement «Atlantique».
Personnellement je pense que cette dérive du Festival de Lorient vient en partie (outre l'institutionnalisation-banalisation et donc la dévitalisation idéologique) de sa localisation. Lorient est une ville qui à la base n'a pas une histoire bretonne (une création royale et coloniale sur le territoire de Ploemeur), reconstruite dans les années 50 et dont la géographie est orientée vers le commerce Atlantique et l'Espagne. Sa configuration urbaine est celle d'un port reconstruit, certes festive mais franchement peu pittoresque. Je n'y suis pas allé depuis le COVID, mais la dernière fois que j'y suis allé, dès qu'on sortait du périmètre du site festivalier, on était plus proche de Pristina que de Galway...et encore je ne connais pas bien Pristina.
Michel Chauvin
Vendredi 22 novembre 2024
J'y étais 2 jours , scandaleux la place laissé au LIVRE ....Yvonig le Merdy enrageait !!!
Faux il n'y a jamais eu 900.000 festivaliers
mil gast
Lesur
Vendredi 22 novembre 2024
Le FIL est notre patrimoine.
Une 1re preuve ? le mot «celtisme» est rejeté en France, et l'on doit parler de «interceltisme».
Lequel celtisme existe toujours, mais opprimé ici même, mais les éditeurs bretons, mais les éditeurs celtes commencent à être bannis de leur ce qu'ils croyaient être «chez eux : au FIL».
Faisons remonter cette question à nos frères celtes, et que tous ceux qui se sentent concernés réagissent.
Vite, car le FIL 2023 se prépare aujourd'hui.
Une pétition élargie ?
Une signature de toute l'interprofession du Livre, des associations qui furent intégrées aux grandes roues et aux «navires pirates» alors qu'avant sur le chemin du «quai» ?
Dalmagne
Vendredi 22 novembre 2024
Nous sommes très surpris voire complètement étonné vu les chiffres annoncés par l'organisation qui vit dans un monde virtuel ayant perdu toute clairvoyance et humilité qui devrait être leur credo. Comment oser communiquer des chiffres invariables, il est très important de revenir à la réalité de la conjoncture culturelle qui est justement très compliqué financièrement et humainement.Il suffit de consulter les vrais chiffres des hébergements et autres critères.
Je suis contactable sur tous les supports sur le net.
Merc
Milena Krebs
Vendredi 22 novembre 2024
Le Fil est une machine à bière et à musique qui rapporte ... Pourtant, quand on y passe dix jours de suite, il y a une magie du festival, grâce aux musiciens dans le off, aux Gallois, Irlandais, Manxois, ... qui se rencontrent, échangent. Il faut repenser complètement le seul lieu à l'ombre des arbres du festival : la colline. En faire un lieu d'éducation populaire, avec une vraie ouverture aux langues celtiques, aux romanciers, aux dramaturges, aux poètes. Viser la qualité et la pédagogie. Et pas la mise à l'écart pour les faire disparaître. Aussi, il faut se mobiliser, avancer avec un directeur et un président qui se disent «ouverts aux propositions». En ces temps de canicule, les festivaliers «montaient à la colline», avec les enfants, les poussettes... Mais il faut faire mieux, et investir des lieux accessibles à tous.tes. La musique, l'argent, oui, mais pour construire la société de demain, il faut faire une place plus grande à l'enfance et à la jeunesse, et aux arts de la parole, littérature écrite et orale.
Kervegon
Vendredi 22 novembre 2024
Ce qu'il faudrait surtout occuper c'est le site de cette «fête foraine» qui n'a vraiment rien à voir avec le celtisme... et en plus un endroit bien ombragé.
Jiler
Vendredi 22 novembre 2024
Nous apprenons que Le Musée de Bretagne à Rennes va réviser les textes vivement controversés. Alan Stivell avait retiré son parrainage, Ronan Le Coadic avait parlé de
«vaste manipulation qui combine erreurs calculées et oublis délibérés», certains appelaient au boycott... La mobilisation a payé !
A Telgruc, après une intense mobilisation, les rues , impasses et allées des Albatros, des Pélicans (mais si !), etc... ont été remplacés par leurs vrais noms bretons. Ce qui paiera au FIL, c'est la mobilisation !
N'insultez personne, montrez simplement votre mécontentement ! La seule chose que ces saboteurs détestent le plus, c'est la publicité sur leurs agissements. A vous de jouer !
Penn Kaled
Vendredi 22 novembre 2024
Jiler j'ai de sérieux doutes sur la sincérité de cette soi disant révision ,je crains que ce soit une manoeuvre de plus ,pour discréditer les protestataires aux yeux de l'opinion , en les faisant passer pour des méchants voulant imposer leur diktat .
Cependant il me semble que vous vous êtes trompé d'article .
Michel
Vendredi 22 novembre 2024
Nous apprenons aujourd'hui (25/08) la démission de Jean-Peeters pour des soi-disant raisons de disponibiltés..Peut-être a-t-il aussi entendu les balles siffler à ces oreilles ? Jean-Philippe Maurras va-t-il suivre le même chemin ou sera-t-il réorienté par un nouveau président, un vrai, qui saura remettre le FIL dans le droit chemin et chassera les marchands du temple ?
En tant qu'un des rares luthiers«survivants », exposant sur la «Colline»je confirme les dires de nos amis libraires qui, bien involontairement, ont pris notre place ! Il est clair que tout ce qui mobilise un peu de matière grise (Solidaires, Arts, Luthiers, Diwan, Livres) a été déporté en périphérie au profit d'une gigantesque foire attrape-touristes sans rapport avec le thème central du festival. Le manque de signalétique et la quasi-impossibilité de nous trouver à partir de la documentation officielle ont complété cet isolement.
Il est très souhaitable que la future équipe dirigeante comprenne que le FIL n'est ni la Foire du Trône ni la Fête des Loges, c'est la fête de la Celtie et de la Bretagne.