Et pourtant, l'histoire de la Bretagne est essentielle.
Il est étrange que l'histoire de la Bretagne soit si peu connue des Bretons.
Pourtant elle est constitutive de la Bretagne. On en vient à croire que cette histoire est mieux connue hors de Bretagne qu'en Bretagne, surtout dans le monde anglo-saxon. Faut-il rappeler que le roi Arthur (même si ce souverain est légendaire) est un roi des Bretons et que le roman arthurien se déroule en Grande comme en Petite Bretagne ?
Et pourtant ! Cette histoire est riche, très riche même, spécifique car la Bretagne appartient à l'arc atlantique. La Bretagne fut longtemps partagée entre les royaumes de France et d'Angleterre, entre les dominations capétienne et Plantagenêt. La Bretagne, presqu'île, se retrouva dans toutes les aventures ultra-marines, les grandes découvertes (les cartes du Conquet aidèrent Christophe Colomb qui avaient des Bretons parmi les membres de ses équipages ; faut-il rappeler que Jacques Cartier était malouin) et la colonisation (Indochine fut administrée par la Marine royale… composée au trois quart de Bretons). Les livres d'histoire de la Bretagne ne manquent pas, environ une centaine de publication par an. Des synthèses se vendent comme des petits pains : des milliers d'exemplaires vendus de l'histoire de Bretagne et des Bretons de Joël Cornette chez Le Seuil, des milliers de Toute l'histoire de Bretagne chez Skol Breizh, sans compter les ouvrages audio de Jean-Jacques Monnier, ou la collection Histoire de la Bretagne publiée par Ouest France et dirigée par André Chédeville, ou même mon dernier livre « les Bretons 1870-1970 » chez Michel Lafon (petite auto-publicité). L'histoire de la Bretagne a intéressé de très nombreux chercheurs et universitaires Chédeville, Kerhervé, Lespagnol, Croix, Nassiet, Tonnerre, Contamine, Jones, etc, sans doute des historiens parmi les plus importants d'Europe. Les sociétés savantes se consacrant à l'histoire de la Bretagne sont très nombreuses, plus d'une centaine, dont les prestigieuses Association Bretonne, Polymathique du Morbihan, société d'Emulation des Côtes d'Armor et la Société d'histoire et d'Archéologie de Bretagne. Les Bretons s'intéressent à leur histoire. Il suffit de voir le succès gigantesque des associations généalogiques comprenant des dizaines de milliers d'adhérents ou des festivals.
Et pourtant ! Faut-il voir dans cette méconnaissance un échec généralisé ? Echec des pouvoirs publics, Education Nationale en tête qui a du mal à admettre l'enseignement de cette histoire dans les établissements scolaires, ou de la Région, ou des Conseils généraux ? Echec des associations, trop fermées sur elles-mêmes, trop élitistes peut-être, trop vieillissantes certainement. Doit-on leur trouver des excuses dans le fait que le recrutement des plus jeunes devient très difficile ? Doit-on mentionner que le vieillissement des cadres comme des adhérents est patent ? Comment expliquer l'actuel manque cruel de chercheurs et d'universitaires se penchant sur la question de l'histoire de la Bretagne ? Les historiens bretons ont-ils préféré déserter la recherche pour faire de la politique ? Doit-on trouver une explication dans le fait que beaucoup de jeunes professeurs d'histoire bretons se retrouvent mutés par l'Education Nationale hors de Bretagne et finissent par s'y installer et trop éloignés durablement abandonnent leurs projets de recherche ? Peut-on penser qu'il y a aussi une baisse de niveau expliquant le recrutement récent dans les universités bretonnes de très nombreux professeurs d'histoire non bretons ? Vont-ils s'occuper de l'histoire de la Bretagne ? Le peuvent-ils alors qu'ils sont spécialistes de la Normandie, du Poitou, ou de l'évêché de Rodez ?
Et pourtant ! On s'en inquiète. La Région Bretagne donne des prix, subventionne des thèses d'histoire de la Bretagne, aide à la publication, sollicite la création du Centre d'histoire de la Bretagne, tente de remplacer l'Institut Culturel de Bretagne par l'association Bretagne Culture Diversité. L'Institut de Locarn a favorisé dans ses formations l'enseignement de l'histoire de la Bretagne, a cherché à créer le collège d'histoire, mais cela n'a pas duré. Les initiatives ont été tentées autour de la Vallée des Saints. De nouvelles sociétés savantes plus jeunes apparaissent. Mais est-ce suffisant ? Touche-t-on vraiment la population ? L'intéresse-t-on ? Les nouvelles technologies et les nouveaux médias seront-ils les vecteurs à privilégier ? Qui va le faire ? L'Etat, la Région Bretagne, les collectivités territoriales, l'ICB, la BCD, l'Institut de Locarn, les sociétés savantes, des entreprises bretonnes ou non bretonnes, des universitaires en Bretagne ou hors de Bretagne (ces derniers étant de plus en plus nombreux actuellement) ou tout simplement les gens, les internautes, ceux qui se passionnent pour l'histoire de la Bretagne, ceux qui savent utiliser internet, Twitter, Facebook, etc ?
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