Erol Önderoğlu, représentant «Reporters sans frontières» (RSF) en Turquie, Ahmet Nesin, journaliste, et Sebnem Korur Fincancı, présidente de la fondation pour les droits de l’Homme de Turquie (TIHV), ont été inculpés pour «propagande terroriste» et mis en détention provisoire le 20 juin à Istanbul.
Ils étaient depuis mai dernier dans le collimateur du gouvernement turc pour avoir participé à une campagne de solidarité avec le quotidien pro-kurde Özgür Gündem en assurant symboliquement à tour de rôle la direction éditoriale de ce journal sans cesse interdit et sans cesse réapparaissant.
Özgür Gündem ! C'est avec ce journal que la «Délégation rennaise Kurdistan» (devenue AKB) a découvert en 1995 l'horreur d'une répression s'abattant sur la presse : (voir le site) le portrait des 27 directeurs de ce journal assassinés depuis sa création, en 1992. Les petits vendeurs de journaux étaient aussi la cible des tueurs des forces spéciales.
Erol Önderoğlu était l'un des invités du Festival de cinéma de Douarnenez. Son directeur, Yann Stéphan, et toute son équipe l'avaient rencontré à Istanbul :
«Erol nous avait offert, avec générosité, un témoignage passionné et passionnant sur le métier de journaliste, l'état de la presse, les libertés, la censure, les inculpations, les arrestations, les fermetures de média, la négation par tous les pouvoirs et sans séparation, notamment politiques, judiciaires, policiers et militaires de la moindre voix discordante, aujourd'hui, en Turquie. Le tout de façon posée, avec recul, humour, l'oeil pétillant et la parole mesurée. Et un credo, depuis plus de 20 ans : la défense de la liberté d'expression. Comme correspondant de RSF d'abord, défendant inlassablement tous les journalistes, de tout bord, sous tous les pouvoirs. Mais aussi avec le site Bianet dont il est co-fondateur, référence journalistique concernant la défense des droits humains en Turquie».
Ce combat au nom duquel le Festival de cinéma de Douarnenez souhaitait l'inviter, continue et c'est au tour de Can Dundar qui a, dans un geste de défi au gouvernement, assuré, mardi dernier, la direction éditoriale de Özgür Gündem. Can Dundar, rédacteur en chef du journal d'opposition Cumhuriyet, bête noire du président Recep Tayyip Erdogan, est lui-même sous le coup d'une condamnation, dont il a fait appel, pour avoir révélé que le régime turc livrait des armes aux groupes djihadistes en Syrie. C'est ce qui lui vaut une peine de cinq ans et dix mois de prison pour «divulgation de secrets d'État». Can Dundar a été l'objet d'une tentative d'assassinat le 6 mai dernier.
RSF sonne la mobilisation :
«Depuis vingt ans, Erol Önderoğlu se bat sans relâche pour défendre les journalistes persécutés. Sa rigueur et sa droiture, reconnues dans le monde entier, en ont fait une personnalité de référence en la matière. En s’en prenant à lui, c’est toute la profession que les autorités turques cherchent à intimider. Emprisonné au terme d'une audience à huis clos, emmené les menottes aux poignets, Erol Önderoğlu est aujourd’hui victime des abus qu’il a toujours dénoncés. C'est désormais à nous de nous mobiliser en sa faveur. Nous exigeons des autorités turques la remise en liberté immédiate et inconditionnelle d’Erol Önderoğlu et de ses confrères Ahmet Nesin et Sebnem Korur Fincanci. Les poursuites ouvertes contre eux et 34 autres participants à la campagne de solidarité avec Özgür Gündem doivent immédiatement être abandonnées».
La diplomate en chef de l'Union européenne, Federica Mogherini, et le commissaire à l'Élargissement, Johannes Hahn, ont déclaré dans un communiqué commun :
«L'Union européenne a souligné à de nombreuses reprises que la Turquie, en tant que pays candidat (à l'adhésion) doit aspirer aux normes et pratiques démocratiques les plus élevées. La Commission européenne a estimé qu'elles [les condamnations des journalistes] allaient à l'encontre de l'engagement de la Turquie de respecter les droits fondamentaux, y compris la liberté de la presse».
La France, dans un communique du M.A.E. se dit «très préoccupée».
«La France est très préoccupée par la mise en détention provisoire le 20 juin à Istanbul de Erol Önderoğlu, représentant de Reporters sans frontières en Turquie, de Ahmet Nesin, journaliste, et de Sebnem Korur Fincancı, présidente de la fondation pour les Droits de l’Homme de Turquie.
Personne ne devrait être emprisonné pour avoir défendu la liberté d’expression. La France rappelle son attachement à la liberté d’expression et à la liberté de la presse partout dans le monde. Elle soutient le travail mené en toute indépendance par les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’Homme comme Reporters sans frontières».
Le Festival de cinéma de Douarnenez exprime toute son amitié et son soutien à Erol et s'associe à RSF pour demander sa libération immédiate ainsi que celle de Sebnem Korur Fincanci et Ahmet Nesin.
André Métayer
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