Erdogan provoque Hollande : une étudiante française écrouée en Turquie

Communiqué de presse publié le 2/07/12 15:53 dans Politique par André Métayer pour André Métayer
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arrestation musclée de responsables syndicaux

L'élection de François Hollande comme président de la République française a été diversement appréciée par le gouvernement islamo conservateur de RT Erdogan, oscillant entre le soulagement d'être débarrassé de son prédécesseur et les craintes suscitées par certaines de ses déclarations lors de sa campagne électorale.

N'a-t-il pas déclaré que la reconnaissance du génocide arménien par l'État turc devait constituer un critère supplémentaire de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ? Ses ministres, des Affaires étrangères Laurent Fabius, et de l’Économie Pierre Moscovici, n'ont-t-il pas, comme lui, voté la loi (retoquée par la suite par le Conseil constitutionnel) sur la pénalisation de la négation du génocide arménien ? N'a-t-il pas persisté en déclarant encore :

« J'ai cette conviction qu'il relève de la responsabilité des États de reconnaître les génocides, lorsqu'ils sont avérés par la recherche historique, comme l'est le génocide arménien, et que le négationnisme est une expression de violence qui n'a pas sa place dans notre République ».

N'a-t-on pas remarqué que l'un des proches amis du Président, l'énarque Jean-Maurice Ripert (promotion Voltaire, comme F. Hollande), chef de la délégation de l'union européenne en Turquie, dont les discrètes prises de position en faveur des Droits de l'Homme ne sont pas complètement passées inaperçues, s'est permis récemment de critiquer ouvertement les récentes déclarations « inappropriées » du Premier ministre turc à propos de la question portant sur les interruptions volontaires de grossesse ?

Toutefois, nécessité fait loi et le contact franco-turc, en marge du sommet de l'Otan à Chicago, a été qualifié de «fructueux» : il a permis au président Gül et à son tout-puissant Premier ministre de lever les sanctions prises contre la France et d'inviter à Ankara le président Hollande, la Turquie souhaitant vivement, en effet, qu'un rapprochement avec la France puisse accélérer le processus d'adhésion à l'Union européenne.

Pour autant il n'est pas question d'accueillir le nouveau président français sans lui rappeler qu'il y a des questions «sensibles» sur lesquelles il est attendu : l'arrestation puis l'incarcération d'une jeune Française accusée de « terrorisme » viennent à point nommé, à moins que cette affaire soit le fruit d'un « coup tordu », histoire de mettre la pression sur l'illustre visiteur.

L'échange universitaire tourne à la tragédie : Sevil est en prison depuis le 10 mai

« Avec Erasmus tu peux étudier dans l'un des 33 pays européens qui participent au programme d'échange et te perfectionner dans une langue étrangère ».

Comme des milliers d'étudiants, Sevil, 20 ans, étudiante en Info-Com à l'université de Lyon 2, a souhaité bénéficier de ces échanges entre universités et est partie étudier, dans le cadre de ces programmes européens, à l'université turque d'Eskisehir, à 300 km au sud-est d'Istanbul. Arrêtée à l'heure du laitier par la police anti-terroriste le 10 mai avec plusieurs de ses camarades étudiants, elle est détenue depuis pour appartenance présumée au DHKP-C (Front de libération du peuple révolutionnaire), un groupe d'extrême-gauche illégal.

D'après les interrogatoires qu'elle a subis portant exclusivement sur sa présence à des activités publiques et légales, il lui serait reproché sa participation aux manifestations du 1er mai et à un concert de Yorum, un groupe très populaire chez les jeunes, réunissant régulièrement des milliers de fans, mais nul ne sait exactement les chefs d'accusation, le dossier étant inaccessible même pour les avocats de la défense, même pour l'ambassade de France à Ankara.

Car Sévil est française, née en France de parents kurdes, de confession alévie, installés en France depuis près de 30 ans.

Et c'est bien là que réside la provocation : pour les autorités françaises, Sévil est française, son passeport français l'atteste, alors que pour les autorités turques, Sévil est turque et traitée comme telle. Sévil, otage, serait-elle l'objet d'un marchandage ?

La diplomatie française s'active et a obtenu une amélioration des conditions de détention. Mais c'est une libération immédiate qu'il faut obtenir pour notre concitoyenne dont l'innocence ne fait de doute pour personne.

Sevil n'est pas un cas isolé en Turquie

La malheureuse histoire de Sevil met d'autre part en lumière la répression exercée par le pouvoir turc contre les étudiants et collégiens contestataires dont nombre d'entre eux se trouvent déjà exclus de leurs établissements. Pour d'autres, c'est la prison : plus de 700 étudiants sont détenus et les interpellations continuent, comme le signale le sénateur communiste Michel Billout, dans son courrier adressé à Laurent Fabius :

« Les étudiants kurdes sont quotidiennement victimes de ce mode de répression. Au moins 58 étudiants en médecine ont été arrêtés le 6 juin dans sept villes dont Ankara, Istanbul et Diyarbakir. On ignore les accusations portées contre eux en raison du secret apposé sur le dossier, comme pour la grande majorité des autres arrestations politiques. Le 7 juin 2012, deux autres étudiants, Ferhat Tuzer et Berna Yilmaz, ont été condamnés chacun à 8 ans et cinq mois de prison par un tribunal d'Istanbul pour avoir demandé “l'enseignement gratuit” lors d'un déplacement du Premier ministre Erdogan à Istanbul en mars 2010. Au moins 102 étudiants ont été placés en garde à vue au cours des dix premiers jours de ce seul mois juin, contre 127 au cours du mois de mai, 116 en avril et 100 en mars. Près de la moitié des étudiants arrêtés entre le 1er et le 10 juin ont été envoyés en prison. Du 12 au 16 février 2012, j'ai personnellement conduit une délégation d'élus communistes dans la région kurde de la Turquie afin de rencontrer des élus locaux et nationaux victimes de la répression du gouvernement turc. Durant mon séjour, sous couvert de complicité avec une organisation terroriste, il y a eu près de 160 arrestations le lundi 13 février et plus de 450 le mercredi 15, lors de manifestations pacifiques ».

Après les députés, les maires, les journalistes, les avocats, les étudiants, ce sont les militants syndicaux qu'on conduit en prison

Lami Ozgen, président de la Confédération des syndicats des fonctionnaires (KESK) ;

Siddik Akin, secrétaire général du syndicat des travailleurs du secteur de la santé et des services (SES) ;

Izettin Alpergin, secrétaire général du syndicat des travailleurs municipaux (Tüm Bel-Sen)

figurent parmi les 71 militant(e)s syndicalistes kurdes interpellés le 25 juin dernier, lors des opérations policières menées simultanément dans seize villes, dont Istanbul, Ankara, Izmir et Diyarbakir.

Ces syndicats, ainsi que Egitim-Sen (syndicat des enseignants) également touché, tous membres de la Confédération KESK, sont parmi les syndicats les plus actifs et les plus organisés qui refusent la politique antisociale du gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan.

43 d'entre eux ont été relâchés mais 28 ont été mis en détention provisoire, ce qui porte à 67 le nombre de syndicalistes détenus, sans jugement, certains depuis 2009.

Ismail Hakki Tombul, secrétaire général de KESK résume la situation :

« Nous vivons une situation que nous n'avons même pas vue pendant les coups d'État. C'est la première fois qu'un président de confédération est mis en garde à vue depuis le coup d'État de 1980. Bien que les arrestations soient devenues ordinaires en Turquie, cette opération est d'une ampleur sans précédent. Nous ne plierons jamais le genou devant la répression quel qu'en soit le prix à payer. Nous poursuivrons notre lutte juste et légitime ».

L'Union syndicale Solidaires a exprimé son soutien et sa solidarité avec la Confédération KESK, exigeant la libération immédiate des syndicalistes emprisonné(e)s et l'arrêt immédiat de la répression anti-syndicale.

La Confédération Syndicale Internationale (CSI) a également condamné avec vigueur l'attaque en règle lancée par les autorités turques contre les syndicats :

« Nous ne pouvons admettre que des syndicalistes soient détenus, incarcérés et surtout incriminés sans fondement. Le gouvernement turc doit immédiatement s'abstenir de cataloguer les syndicats en tant qu'organisations terroristes. Les syndicalistes devraient avoir le droit de jouer leur rôle légitime sans crainte d'être arrêtés » a déclaré Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI.


André Métayer


Vos commentaires :
marc iliou
Vendredi 22 novembre 2024
La Turquie n'est pas en Europe,c'est un état nationaliste,militariste,islamiste,raciste envers ses minorités,qu'il ne faudra jamais accepter dans l'Union Européenne pour toutes ces raisons quel que soit le gouvernement qui le propose.

jean michel Foucault
Vendredi 22 novembre 2024
depuis l'arrivée au pouvoir de l'AKP et de tayip erdogan, le camp laic ne cesse de s'opposer à la démocratisation du pays. Les lois sur lesquelles s'appuie aujourd'hui la justice turque ne sont pas celles de monsieur Erdogan, mais celles installées par la république laique nationaliste et son armée. Il aura fallu dix ans à Tayip erdogan pour réussir à remettre à sa place l'armée turque toute puissante qui s'érigeait en propriétaire du pays, et dix ans n'ont pas suffi à l'Akp , face au blocage des partis laiques nationalistes pour réformer complètement le code pénal dont souffre aujourd'hui les membres des organisations citées dans l'article. Il reste beaucoup à faire pour établir la démocratie en Turquie, mais jamais autant de progès favorisant la démocratie n'ont été faits depuis l'arrivée au pouvoir de l'AKP. il est étonnant que cet article soit publié aujourd'hui , jour historique ou pour la première fois l'état Turc et son premier ministe vient de rencontrer et de débatre avec Leyla Zhana, députée Kurde, et leader de la cause kurde afin d'entamer un dialogue sur la question kurde , le PKK, et sur la route à suivre pour aller vers la paix.

jean michel Foucault
Vendredi 22 novembre 2024
Quand aux affirmations de marc Illiou quand au racisme de l'état Turc envers les minaurités, je l'invite à venir rencontrer ces minorités en Turquie, catholiques,ortodoxes, arméniens, roums (Grecs d'asie Mineure), Musévi (juifs ottomans), la majorité lui confirmeront la confiance qu'ils portent dans le gouvernement actuel.

Louis Le Bras
Vendredi 22 novembre 2024
La seule raison qui fait que la Turquie n'entrera jamais en Europe est qu'il serait le pays le plus influent politiquement dans l'Union...100 millions d'habitants, des minorités turques dans les Balkans, des musulmans dans toute l'Europe. Ce pays serait incontournable.

Ronan Kerguelen
Vendredi 22 novembre 2024
Mais pourquoi tant de questions sur l'appartenance de la Turquie à l'Europe ... Il est temps de passer la page de cette demande avortée.

Alwenn
Vendredi 22 novembre 2024
On sait que la france impose aux aspirants à l'UE des choses qu'elle se garde bien d'appliquer elle-même.

En particulier la non-reconnaissance de minorités.

Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais.


jean michel foucault
Vendredi 22 novembre 2024
Depuis la prise de Constantinople en 1453, l'occident n'a eu de cesse de combatre les ottomans pour reprendre Byzance. La première guerre mondiale a abouti à la chute de l'empire ottoman, mais Byzance n'a pu être reprise aux Turcs qui quelques années plus tard ont créé leur république. Toutes les catastrophes politiques du moyen orient aux balkans en passant par la méditérranée que nous avons subi et subissons toujours depuis cette époque ne sont que la résultat d'une dislocation erronée de l'empire ottoman. L'entrée de la Turquie dans l'Europe, c'est le retour de byzance en Europe, de la tolérance et du respect mutuel des cultures et des religions tel que celà existait sous les ottomans. C'est l'entrée d'un grand pays dans l'europe à l'économie forte (8 % de croissance), c'est le dynamisme, c'est une nouvelle chance pour l'europe. La Turquie c'est un marché d'un milliard d'habitants entre le caucase et le moyen orient. Il faut ouvrir vos yeux sortir de vos idées préconsues sur ce pays qui a beaucoup moins besoin de nous que nous avons besoin de lui.

Jean-Loup LE CUFF
Vendredi 22 novembre 2024
Tout comme la Turquie, la France n'est pas le pays des droits de l'homme... Elle ne reconnait pas le génocide britto-vendéen, ne reconnait pas ses minorités, ne reconnait pas ses ethnocides multiples toujours d'actualité, n'a pas ratifié la Charte des langues minoritaires, ne reconnait pas aux bretons de Loire Atlantique administrativement débretonisée leur nationalité bretonne, ne reconnait d'ailleurs même pas les bretons (et autres nationalités de l'hexagone: corse, basque, occitane, catalane, alsacienne, etc ...) comme un peuple ayant une culture, une histoire, une langue, une origine propres... Au vu de toutes ces anomalies contraires au droits de l'homme, la France devrait sortir de l'Europe, tout comme la Turquie n'a pas à y rentrer !!! Belles évidences qui méritent d'être dites!

Michel Prigent
Vendredi 22 novembre 2024
Il reste à cette heure trop de «boulot» à faire en matière de droits de l'Homme, des minorités, de démocratie pour que je sois séduit par la campagne promotionnelle de J.M.Foucault en faveur de l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne.
Déjà que la France ne devrait pas y être !

Cahit guvenc
Vendredi 22 novembre 2024
Venez donc voir en turquie les degats commis pendant les manisfestation du 1er mai par les minoriter
Dites moi si je me trompe ke 1er mai est la fete du travail et non pas la fete des pliages des magasins des banques
venont au cas de sevil
Elle a tout a fait mheriter la condanation donnee
En espagne toute propagande de ETA mene a un emprisonnement direct
En irlande İRA
alors pourquoi faire un telle debats a ce sujet
ce nest qu'une propagande de votre part contre une turquie de plus en plus forte ay niveau politique et economique
apres un refus de participarion a DAVOS
DAVOS CEST DEPLACER EN TURQUİE
Attendez vous au grand retour de la puissance turque dans le monde
2023

Ar Vran
Vendredi 22 novembre 2024
La Turquie n'a rien à faire dans l'Europe, même les Turcs le disent : La Turquie européenne correspond à Istanbul, au delà du Bosphore, c'est l'Asie.
Je ne parle pas bien sûr de l'histoire où constamment les peuples européens se sont opposés à la Turquie, de l'économie, ni des traditions culturelles, ou alors à ce petit jeu -là il n'y aucune raison à ne pas intégrer le Maroc ou la Tunisie à l'Europe.
Ne mélangeons pas s'il vous plait , l'article en question traite à juste titre de la scandaleuse répression des kurdes en Turquie et non pas de la non-place de la Turquie en Europe

Alwenn
Vendredi 22 novembre 2024
Je crois au contraire de ce que disent la plupart des intervenants ici que la Turquie a sa place en Europe.


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